Pendant vos courses, vous avez peut-être déjà remarqué que l’ambiance était plus plate et tranquille à certains moments de la journée. À ces instants clés, aucune musique ne jaillit des haut-parleurs et la lumière est plus tamisée. Seules les roues des chariots résonnent dans le magasin, ce qui est assez exceptionnel pour être souligné. N’allez pas croire qu’il s’agit d’une panne généralisée ou d’un nouveau rituel pour économiser de l’énergie. Ce dispositif, baptisé « heures calmes », s’adresse, en réalité, aux personnes neuroatypiques. Importé de l’Angleterre, il s’inscrit dans de nombreuses enseignes de l’Hexagone et illustre un certain désir d’inclusivité. Pour vous, ça ne change peut-être rien, mais pour les concerné.e.s, ça fait toute la différence. Voici l’intérêt des heures calmes dans les supermarchés.
Les « heures calmes », un dispositif calqué sur le modèle anglais
Vous vous baladez dans les allées de votre supermarché, guidé par votre liste de course soigneusement écrite et vous remarquez quelque chose d’inhabituel. Les rayons sont plus sombres et les enceintes n’émettent aucun son. Le magasin semble totalement « endormi », ce qui n’est pas pour vous déplaire. Cet environnement, d’ordinaire si irritable pour les sens, est presque méditatif. Pas de néon électrique pour vous éblouir la rétine, ni de musique qui grésille en toile de fond.
Cette quiétude digne du Far West ne résulte pas d’un problème de maintenance, elle est volontaire. Elle émane d’un dispositif nommé « heures calmes » ou « heures creuses ». À l’origine, le concept trouve sa source dans les pays anglo-saxons et provient d’un partenariat avec des associations de parents de personnes autistes. Il consiste à réduire l’intensité des faisceaux lumineux, couper momentanément l’arrière-plan sonore, désactiver le bruit des bips en caisse et restreindre les annonces au micro. Quant aux machines de nettoyage, elles restent au point mort. La raison ? S’adapter à toutes les sensibilités, en particulier les plus exacerbées. Initialement connu sous le nom « quiet hours » il s’est démocratisé au-delà des contours de l’île britannique.
Les heures calmes se sont d’abord imposées avec une certaine retenue dans les supermarchés français. Le groupe Système U a pavé la voie à d’autres enseignes. Mais depuis début 2022, elles sont obligatoires dans les commerces qui ont une superficie supérieure à 1000 m2. Ces heures calmes se sont également étirées dans le temps pour devenir « chroniques » et offrir une plage horaire plus large aux personnes concernées.
Faciliter les courses des personnes neuroatypiques
Si ces heures calmes instaurées dans les supermarchés profitent à tout le monde, elles se destinent principalement aux personnes neuroatypiques qui ont une sensibilité visuelle ou sonore plus aiguë. Pour elles, les bruits ambiants et les lumières vives constituent un environnement particulièrement agressif, à tel point qu’il peut déclencher des crises virulentes.
Vous avez peut-être déjà assisté à cette scène où un.e enfant est à genoux sur le sol, les deux mains sur les oreilles et les yeux plissés avec fermeté. C’est pour éviter ce genre de mal-être et ces réactions tétanisantes que les « heures calmes » ont été adoptées. Ces « heures calmes » créent un cadre rassurant et serein. Aucune nuisance n’est susceptible de venir perturber, entraver ou désorienter les personnes neuroatypiques.
Ces « heures calmes » ont vu le jour pour s’ajuster aux spécificités du trouble du spectre de l’autisme (TSA). Mais elles sont également compatibles avec l’anxiété, l’hypersensibilité et le TDAH. Certes, il y aura toujours les tintements de voix, les crissements des paniers à roulettes sur le sol et les crépitements des emballages manipulés. Mais ce « motus » généralisé est tout de même un soulagement pour les 700 000 personnes concernées par les TSA en France.
Ces « heures calmes » sont-elles concluantes ?
Faire les courses n’est pas une partie de plaisir en règle générale. Mais ça l’est encore moins avec une radio mal réglée qui crache un mauvais son, des lumières artificielles aussi éblouissantes que celles des interrogatoires et des transpalettes qui n’en finissent pas de nous entourer. Les « heures calmes » offrent donc un temps de répit précieux aux client.e.s à « particularités » (et pas que). Les associations ont d’ailleurs salué et bien accueilli cette initiative, qui traduit un premier effort de la part des commerces.
Mais elles ont toutefois relevé quelques anomalies. Selon la présidente d’Autisme France, certaines enseignes se servent de ce dispositif comme un appât marketing et un purificateur d’image. Résultat, ces « heures calmes » sont mensongères et ne rompent, en aucun cas, avec le capharnaüm habituel. Elle regrette également que ces aménagements ne se soient pas appliqués aux petits commerces de proximité.
En principe, les personnes qui ont un TSA fuient les grandes surfaces. Elles ont besoin de repères et d’agencements familiers. Ce qui n’est pas vraiment le fort des hypermarchés dont les rayons sont toujours chamboulés. Aussi, dans certains cas de figure, les créneaux horaires sont assez restreints, ce qui s’avère contraignant pour les concerné.es. Le risque, c’est aussi que la foule se presse en masse dans les rayons au moment de ces heures calmes, vantées parfois en « argument ». La quiétude est alors rapidement fracturée par les bruits humains denses. Même si les heures calmes participent à un confort collectif et représentent une avancée notoire pour le handicap, elles restent « insuffisantes ».
Les « heures calmes » se sont élargies à d’autres magasins dont Ikea et Kiabi. Cependant, ce ne sont pas dans ces structures que les personnes autistes dépensent la majorité de leur temps. Il faudrait que d’autres projets de la sorte poussent dans les lieux publics, les écoles, etc.