Les rides qui se dessinent sur le visage, les cheveux blancs qui s’enracinent sur le crâne, le corps qui se froisse sous le poids des années… la vieillesse est irréversible. Personne ne peut lutter contre elle, même avec des potions anti-âge et des massages faciaux à revers de gua sha. Pour les femmes, sans cesse invitées à figer le temps sur leur corps et à faire « moins que leur âge », vieillir est leur plus grande hantise. De leur point de vue, cette réalité humaine semble être contre-nature. Beaucoup d’entre elles aimeraient détenir le secret de Jouvence et garder 20 ans toute leur vie. D’ailleurs, cette angoisse se formule bien avant l’arrivée de la ménopause. Les femmes commencent à avoir peur de vieillir prématurément. Une crainte nourrie par cette société où la vieillesse est intolérable uniquement chez les femmes.
Les femmes ont peur de vieillir dès 30 ans
Si les femmes pouvaient mettre leur âge en pause et ne plus avancer dans le temps, elles le feraient. Chez elles, la peur de vieillir s’insinue assez tôt, des années avant d’expérimenter les premières bouffées de chaleur. Contrairement à ce que beaucoup imaginent, les femmes aux portes de la ménopause ne sont pas les seules à redouter la vieillesse et à ruser pour s’en éloigner.
Selon une étude menée par Appinio, les femmes commencent à avoir peur de vieillir dès qu’elles franchissent la trentaine. Un âge de transition où elles passent d’une jeunesse éphémère vers un âge adulte plus mature. 72 % des sondées de 30 à 39 ans sont impitoyables avec leur reflet et se montrent particulièrement sévères sur leur physique. Ce sont des critiques beauté intransigeantes. Elles ne laissent passer aucune trace du temps.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les femmes qui ont entre 60 et 70 ans sont moins dures avec elles-mêmes et se font une raison de cet âge qui défile. Au lieu de le voir comme une fatalité, elles l’abordent comme une chance. Passé 50 ans, les femmes accueillent un peu plus sereinement la vieillesse.
En revanche, avant d’atteindre la moitié de vie, elles se sentent presque « condamnées ». Ce qui les inquiète plus que tout, ce n’est pas tant de perdre en autonomie ou d’avoir les articulations qui déraillent, mais le déclin physique. Dans une société qui classe les femmes obsolètes dès 35 ans, la vieillesse s’apparente presque à une anomalie.
Des discours de star qui reflètent cette sombre réalité
« Je n’ai pas une vision sereine du vieillissement. J’ai cette envie de ne pas grandir, et de ne pas vieillir ». Ces mots sont sortis de la bouche de Shy’m alors qu’elle n’avait que 29 ans. La chanteuse à l’origine de « Et alors », avouait regretter ces jeunes âgées. Ce saut dans le futur l’inquiétait déjà.
« Je voudrais écrire encore sur le fait d’être une femme, de prendre de l’âge. Parce que… ça me terrifie de vieillir ». Ce témoignage, qui trouve de nombreux échos, vient d’Angèle. L’artiste belge, elle aussi, est piquée par ce « mal » qui ne touche que la gent féminine. Tout comme Kristen Stewart, Mary-Kate Olsen et tant d’autres stars, pourtant dans la force de l’âge.
Les femmes, qu’elles soient mondialement connues ou anonymes, commencent à avoir peur de vieillir alors qu’elles ont l’avenir loin devant elles. Elles se plient à une dictature de l’âge de longue date et considèrent la vieillesse comme le pire des fardeaux. Pour conserver leur trait juvénile éternellement, certaines sont d’ailleurs prêtes à tout, y compris à passer sous le bistouri et à investir des sommes faramineuses dans des crèmes dites « anti-âges ».
Des produits anti-âge dès 18 ans, la faute aux réseaux
Selon une étude menée par la Société américaine de Chirurgie Esthétique, le nombre d’injections au botox a augmenté de 28 % entre 2010 et 2017 et elles concernent un public jeune, âgé de 20 à 29 ans. Entre-temps, il y a aussi eu l’émergence du Baby Botox, une pratique qui consiste à injecter de la toxine botulique dans des visages encore intacts, pour prévenir les rides. Autre donnée édifiante : les femmes entre 18 et 24 ans ont essayé pour la première fois des produits anti-âge alors qu’elles n’avaient que 19 ans.
Le terme « anti-âge », lui-même induit que la vieillesse est une abomination, une étrangeté. Pas étonnant que ces mesdames rivalisent de rituels barbares pour garder une apparence de jeunette. Même si des mannequins silver font irruption entre les pixels, la vieillesse ne fait pas l’unanimité sur la toile. Ce que les femmes cherchent, ce sont des conseils beauté pour faire dix ans de moins et s’immuniser contre le temps. Les réseaux sociaux cristallisent cette phobie de la vieillesse à renfort de filtres lissants et d’images surfaites de cinquantenaires à la beauté immortelle.
D’après un sondage réalisé pour la Fondation Jean-Jaurès, un quart des jeunes femmes interrogées déclarent que les réseaux sociaux font apparaître chez elles des complexes, voire un sentiment d’infériorité chez 21 % d’entre elles. Si les femmes ont si peur de vieillir, c’est parce qu’elles sont bercées par des photos de femmes invariablement jeunes.
La société, responsable de cette angoisse féminine
La société ne tire pas un portrait très éloquent des femmes séniores. Celles qui ont habité les dessins animés de notre enfance sont des mégères abominables ou des mamies gâteaux dures de la feuille. Et aujourd’hui les femmes dites « mûres » ont complètement déserté notre décor. Elles sont absentes des plateaux TV et des films à succès. Tandis que les hommes avancent dans l’âge avec des ambassadeurs silver charismatiques à l’instar de George Clooney ou de Tom Cruise, les femmes, elles, manquent cruellement de modèles.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon une étude de l’Insee, sur l’ensemble des films français sortis en 2021, seuls 7 % des rôles ont été attribués à des comédiennes de plus de 50 ans. Pour incarner des femmes mûres, les producteurs ont la fâcheuse habitude de solliciter des actrices de 35 ans comme si les femmes n’avaient pas le droit de « vieillir ». Selon la société, les femmes sont censées garder un physique « frais » et « inchangé » depuis leurs 20 ans tandis que les hommes eux peuvent vieillir en paix sans que rien ne leur soit reproché. Les femmes ont peur de vieillir parce que c’est une plongée dans l’inconnu. Sans référence à la TV ou dans la pop culture, elles finissent par se persuader que la vieillesse au féminin est « hors normes ».
Si les femmes ont peur de vieillir dès 30 ans et redoutent d’augmenter le nombre de bougies sur leur gâteau, ce n’est pas un hasard. Le patriarcat est à l’origine de cette haine des âges purement féminine.