Longtemps perçue d’un mauvais œil, l’amitié hommes-femmes commence doucement à se démocratiser. Si les baby-boomers la considèrent impossible, voire malsaine, les générations X et Y y voient une belle entente sans ambiguïté. L’amitié hommes-femmes, vantée à tort comme un mythe, hisse un drapeau blanc dans la guerre des sexes.
Cet amour quasi fraternel qui peut unir hommes et femmes est un pas de plus vers une société plus juste et égalitaire. En allant au-delà des clichés sexistes et des pensées érotiques, l’amitié hommes-femmes a des chances d’exister. Et elle est plus précieuse qu’elle en a l’air.
Amitié hommes-femmes, pourquoi se fait-elle si rare ?
Dans la comédie romantique culte « Quand Harry rencontre Sally », les deux protagonistes tissent une amitié mature, sans s’attendre à plus. Ils s’échangent leur avis sur l’orgasme en plein repas, savourent des films par téléphones interposés, abordent leurs fantasmes de façon totalement décomplexée et, ce, sans la moindre lueur de sexe. Mais au bout d’une heure et dix minutes, leur amitié qui paraissait si neutre mute en histoire à l’eau de rose.
Ce film, certes un peu daté, clame tout haut ce que la plupart des gens pensent tout bas. À savoir que l’amitié hommes-femmes est vouée à l’échec ou dans le meilleur des cas à un simple « plan cul ». Cette amitié mixte semble condamnée d’office par l’opinion publique. D’ailleurs, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet et elles font l’état d’un certain « opportunisme sexuel », surtout côté hommes.
La périlleuse question de la sexualité
Comme le disait notre cher Aristote, « l’Homme est un animal social » et malgré toute la bonne volonté du monde, il pense parfois avec son entrejambe. Ces pulsions sexuelles principalement masculines ont tendance à s’immiscer dans l’amitié hommes-femmes. La preuve. Selon des chercheurs de l’Université du Wisconsin, les hommes ont même tendance à surestimer l’attraction que leurs amies ont d’eux. En bref, ils y voient une possible ouverture sexuelle.
C’est cette envie charnelle qui brouille les frontières. À l’inverse, les femmes sont plus rationnelles. Elles ont moins d’arrière-pensées que leurs homologues masculins et ne retiennent de l’amitié mixte que de la « tendresse ». Pour elles, l’ami est partagé entre le frère et l’âme sœur. Cette interprétation à double sens vient régulièrement parasiter l’amitié hommes-femmes. Mais l’esquisse d’une connexion purement platonique entre hommes et femmes n’est pas cause perdue.
Si les générations précédentes pensaient l’amitié hommes-femmes trop suspecte pour être pérenne, aujourd’hui, elle sonne plus explicite que jamais. Dans une ère post-metoo, redessinée avec un vernis féministe, l’amitié hommes-femmes est presque devenue vitale. Débarrassée de ses préjugés et de ses déviances masculinistes, l’amitié hommes-femmes ressort solide comme un roc.
Pourquoi l’amitié hommes-femmes est-elle si importante ?
Une amitié hommes-femmes clairement définie, sans idées mal placées ni tournée vers la chambre à coucher, est extrêmement enrichissante. Elle crève l’abcès entre les deux sexes, constamment mis en confrontation. L’amitié hommes-femmes laisse entrevoir un partage mutuel de valeurs, parfois très éloignées. C’est une clé de compréhension sur le monde actuel.
Cette amitié, si polémique, nous donne une chance de renouveler notre image de l’autre sexe avec plus de justesse et moins de « on dit ». Elle dément l’hypothèse du « macho prétentieux qui écrase les femmes comme des mouches » et elle piétine l’étiquette de la « femme chochotte adeptes de rose Barbie et de doigts manucurés ». En fait, l’amitié hommes-femmes permet de se construire avec autre chose que des aprioris désuets.
Un pied de nez aux stéréotypes de genre
Même s’ils s’essoufflent doucement, les stéréotypes de genre continuent de polluer les mentalités, et ce dès le plus jeune âge. Les enfants y sont exposés dès 5 ans. Le combat se joue donc aussi dans la cour de récrée. C’est d’ailleurs le point de départ privilégié de l’amitié hommes-femmes. Selon l’autrice du blog A Mighty Girl, c’est elle qui érige les fondations d’un féminisme précoce.
Contrairement aux adultes, les enfants ont l’avantage d’être spontané et sans filtres. Ils se mélangent facilement aux autres, sans se poser la moindre question. L’amitié filles-garçons est donc plus « évidente ». Elle envoie valser les fichues normes qui prétendent que le foot se joue au masculin et la corde à sauter au féminin.
« Ces amitiés contribuent à lever certaines contraintes liées aux genres. Si parents et professeur.e.s les encouragent, iels suggèrent aux enfants qu’il est non seulement acceptable de jouer avec un autre sexe, mais aussi de jouer comme lui ! », explique la journaliste Elissa Strauss dans un article de CNN
En étant au plus proche du genre opposé, l’enfant sera hermétique aux rengaines très réac’ « une fille, ça pleure » et « un garçon, ça reste fort ». Cette amitié hommes-femmes est un bouclier d’or contre les projectiles sexistes. Plus tôt l’enfant se frotte à la différence et mieux il l’infuse dans ses principes.
L’amitié hommes-femmes, encore sujette aux critiques
L’amitié hommes-femmes a su redorer sa réputation, mais elle n’échappe toujours pas aux regards hostiles et aux langues de vipère. Selon une nouvelle étude publiée dans la revue « Personality And Individual Differences », les femmes ayant de nombreux amis hommes sont même jugées plus sévèrement par la gent féminine. Mais où est donc passée la sororité ? Si l’on en croit cette analyse très sérieuse, elle est plutôt hypocrite.
D’après cette recherche, les femmes qui préfèrent rester dans un cercle féminin auraient tendance à se méfier des femmes, qui, à contrario, ne jurent que par les amitiés masculines. Cette « catégorisation » sans queue ni tête, traduit un certain sexisme intériorisé.
Pour cause, elle revient à une idée reçue déjà bien diffuse. Un homme qui couche avec plusieurs partenaires sera qualifié de « Don Juan », tandis qu’une femme, elle, se verra entichée du titre de « croqueuse d’homme » ou de « filles irrespectables ». Ici, c’est le même son de cloche, en version plus douce et moins assumée.
L’amitié hommes-femmes, même si elle reste encore prisonnière d’une certaine auto-censure, entérine l’âge sombre entre les sexes. Comme toutes autres amitiés, elle est pourvoyeuse d’altruisme, d’empathie et de tolérance. Elle se tient en étendard féministe et encourage implicitement à l’égalité des sexes. L’amitié est bonne pour la santé, alors pourquoi se limiter à un seul genre ?