Dans notre société, il semblerait que les femmes n’aient pas le droit de vieillir. Preuve en sont les multiples produits garantissant un effet « anti-âge », « lissant », voire carrément « rajeunissant ». Cette injonction sexiste s’est immiscée dans nos échanges quotidiens et si on nous a appris qu’il ne fallait pas demander son âge à une femme, on nous propose une alternative aux aspects plus flatteurs : dire aux femmes qu’elles ne font pas leur âge. Cependant, l’expression « tu fais plus jeune que ton âge » dirigée envers une femme devrait cesser. Voici pourquoi.
Oublier la jeunesse comme seul facteur de séduction
En faisant remarquer à une femme qu’elle ferait plus jeune que son âge, on participe à une rhétorique âgiste. L’âgisme c’est la stigmatisation d’une personne en raison de son âge – bien souvent à l’égard des personnes plus âgées. En effet, on fait perpétuer l’idée selon laquelle seules les femmes « jeunes » seraient désirables.
D’après une étude réalisée auprès d’hommes hétérosexuels, le pic de désirabilité d’une femme se situerait à 22 ans ; considérant comme « trop vieille » toute femme plus âgée et la situant donc hors du « marché de la drague ». Cette constatation sexiste place alors le regard masculin comme déterminant.
Éviter l’argument de l’horloge biologique
Continuer de dire à une femme qu’elle fait plus jeune que son âge, c’est la limiter à un rôle prédéterminé : celui de mère. Dans une société patriarcale, jeunesse rime avec fertilité. Une femme en âge de procréer attirerait, car elle a un atout majeur : celui de pouvoir apporter le gage d’une descendance.
Quand la peur de « finir seul.e » semble plus prégnante chez le genre féminin pour cette raison précise d’une « date de péremption » tacite, elle justifie donc une envie de paraître plus jeune que son âge. Entrent alors en jeu les questions de chirurgie esthétique, le botox, les liftings, le laser… tout autant de méthodes aux noms barbares promettant la jeunesse éternelle.
En plus de laisser intact le schéma hétérosexuel, cette réflexion annihile les choix et les envies d’autonomie des femmes en les réduisant à leur corps.
Abandonner la figure de la sorcière
Il faut arrêter de dire aux femmes qu’elles font plus jeune que leur âge pour cesser de voir la vieillesse comme une malédiction. Lorsque l’on complimente une femme sur le fait qu’elle fasse plus jeune que son âge, on sous-entend bien évidemment qu’elle ne fait pas « vieille ». Par cette remarque, on contribue donc à la diabolisation des femmes « âgées ».
Passé la trentaine, être seule et/ou sans enfants c’est être un ovni dans le décor d’une société patriarcale. On semble se destiner à l’image de la vieille fille à chats misérable, de la sorcière ; même si on l’a choisie, même si on excelle dans de nombreux autres domaines. Même sur le marché du travail, l’âge trouve le moyen d’être un facteur déterminant. L’association anglaise Center for Ageing Better luttant contre les discriminations âgistes précise que « le nombre de femmes sexagénaires exerçant une activité rémunérée est encore presque deux fois moins élevé que celui des hommes ». Cela signifie que même dans le cadre de l’embauche, la jeunesse est un facteur dominant, car elle sous-entendrait, entre autres (et paradoxalement), l’absence d’enfant pouvant mettre à mal l’implication dans le travail.
Les femmes ne semblent alors pouvoir prétendre qu’à certains rôles précis au cours de leur vie : fille, conjointe, mère ; passant inévitablement de l’un à l’autre sans autre possibilité d’envies de carrière ou de développement personnel.
Ouvrir la porte à la diversité
Mais pourquoi pensons-nous qu’il est flatteur de dire aux femmes qu’elles font plus jeune que leur âge, quand un homme aux cheveux grisonnants est qualifié de « vieux beau » ?
Le confinement a permis à plusieurs femmes de s’émanciper de la pression de la coloration de leurs cheveux blancs et nous avons alors pu nous rendre compte du manque de représentations diverses concernant les femmes.
La multitude d’images mettant en scène des femmes jeunes (régulièrement retouchées) bouche les imaginaires d’une féminité existant au-delà de la vingtaine et ne permet pas d’imaginer le nombre infini de façon que nous avons de vivre notre âge.
Il faut arrêter de dire aux femmes qu’elles font plus jeune que leur âge pour permettre à chacune d’elles de s’épanouir dans leur corps et dans leur tête selon leurs envies, loin des stéréotypes sexistes. Car il n’existe aucun manuel et aucune règle définissant la façon dont nous devrions vivre notre quarantaine, notre cinquantaine ou même notre centaine !