Naviguer à travers l’autisme : les parents racontent leur histoire de combat et d’espoir

En France, le vaste champ de l’autisme reste méconnu du grand public. Dans l’imaginaire collectif, ce trouble est piégé dans le filet des clichés. Pour cause, les personnes qui possèdent cette particularité sont sous-représentées voire volontairement cachées. Les structures adaptées manquent à l’appel, les professionnel.le.s peinent à se prononcer et les démarches administratives s’apparentent à un marathon sans fin. Alors, lorsque le diagnostic tombe, les parents d’enfants autistes se retrouvent totalement désemparés.

Véritables figures de l’ombre, ils s’investissent sur tous les fronts avec acharnement. Une bataille éprouvante qui rime avec sacrifices et désillusions. En ce 2 avril, Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, découvrez les témoignages émouvants de parents naviguant à travers les défis de l’autisme. Plongez dans leurs récits de combat, de résilience et d’espoir.

L’autisme en France : un trouble minimisé, entouré de clichés

« Un jour mon fils m’a confié : « Maman, je dis à mon cerveau de ne pas faire ça et il ne m’obéit pas ». Là j’ai compris sa souffrance. Un enfant de 5 ans qui prononce ces mots, c’est terrible ». Gwendoline Durand, maman de Kilian, jeune homme autiste, aujourd’hui âgé de 21 ans, a toujours eu conscience de cette différence. Dès l’entrée en maternelle, certains signes l’ont alerté. Kilian n’avait aucune notion de dangers. Il restait en apnée dans la baignoire sans lever la tête, il donnait des coups de pied continus dans le rebord de la mezzanine, il se mordait le poignet et s’arrachait les cheveux avec une hargne inouïe.

D’après Gwendoline, cette violence qu’il s’infligeait ponctuellement renfermait un message caché. Un langage corporel quasiment indéchiffrable qui atteste d’un mal-être bien enfoui. « Il avait des émotions à fleur de peau. À la maison, on devait tout ritualiser pour éviter les crises. On l’assistait en permanence. Sans cette surveillance, un drame aurait pu se produire ». Les parents deviennent des aidants à plein temps. Ils se forgent une armure d’acier pour affronter ce parcours harassant.

Avant que le diagnostic soit posé, ils enchaînent les rendez-vous pour trouver des réponses fiables et concrètes. Mais dans la jungle médicale, l’autisme reste encore flou. Résultat : les professionnel.le.s s’aventurent rarement sur ce terrain inconnu et laissent cette piste de côté. Depuis des années, l’autisme est un mystère coriace. Malgré les avancées scientifiques, ce trouble conserve une part d’ombre.

Lumière sur un spectre large qui se décline sous des formes plurielles

« Avant on avait une approche plutôt psychanalytique, mais les recherches récentes ont prouvé que la défaillance venait du cerveau. Une combinaison de facteurs génétiques entre aussi en compte. Il peut s’agir d’une infection prénatale, de parents âgés ou de carence en zinc », explique Ness, psychologue et créatrice du site autisme-éducation. Ce trouble neuro-comportemental renferme des facettes plurielles. Aucun portrait-robot ou schéma type ne pourrait illustrer l’autisme tant il est vaste. Pour cette raison, on parle de trouble du spectre autistique (TSA).

Cependant, certaines caractéristiques restent récurrentes. D’après les chiffres du ministère de la Santé, l’autisme touche 4 garçons pour 1 fille. Il se traduit par une communication limitée, des interactions sociales réduites, voire totalement absentes, et des gestes stéréotypés.

« On note un regard fuyant, un manque d’attentions et des actes répétitifs. L’enfant se focalise sur un objet pendant des heures. Iel peut aussi avoir une aversion du contact qui vient de l’hypersensibilité », complète la spécialiste.

Tous ces symptômes sont visibles dès la petite enfance. Les parents sont rapidement interpellés par ce retard saillant. Pourtant, lorsqu’ils emmènent leur enfant en consultation, ils se heurtent à une ignorance aberrante. Dès lors, ils entrent dans la spirale de l’errance médicale. En moyenne, les familles doivent attendre 446 jours avant d’accéder à un dépistage précis, d’après un rapport de la Cour des Comptes.

Un parcours médical sans fin

Alice, 30 ans, en a fait les frais. Son fils Augustin, a été diagnostiqué « autiste sévère » à l’âge de 4 ans. Pendant de longs mois, la jeune éducatrice de vie scolaire s’est frottée à un ascenseur émotionnel éreintant. Au gré des rendez-vous, elle voguait entre lueur d’espoir et annonces inquiétantes. Son enfant est passé entre les mains d’orthophoniste, de pédopsychiatre, de l’infirmière scolaire, de psychomotricien.ne… Les bilans ne présageaient rien d’alarmant. Alice entendait la même rengaine à chaque passage.

« Tous tournaient autour du pot, on ne me disait pas les choses clairement. On me répétait en boucle « chaque enfant va à son rythme, laissez-lui le temps » ».

Pourtant, à l’école, Augustin devenait ingérable. Il restait en retrait, il refusait de se plier aux consignes de sa maîtresse et dès qu’un.e de ses camarades l’approchait, il devenait agressif. La professeure convoquait Alice régulièrement, pour l’inciter à agir. La mère de famille, elle, n’avait rien noté de choquant. « C’était mon premier enfant, je n’avais donc pas de modèle auquel me référer. Dans mon entourage, on me disait qu’il allait juste évoluer plus lentement que la norme ». Seulement, à 3 ans, il ne savait pas manger avec ses couverts, il se levait près de dix fois par nuit, ne parvenait pas à verbaliser et faisait des crises à chaque changement. « Tous les apprentissages basiques devenaient complexes ».

Le diagnostic posé trop tardivement

Après avoir passé des interrogatoires stressants au sein de cabinets et structures spécialisées comme le CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce), Alice perd pied. « J’ai cru que j’allais exploser. Tout le monde se renvoyait la balle ». C’est en poussant les portes d’un centre médico-psychologique (CMP), que le verdict s’esquisse enfin. Après six entretiens et une batterie d’examens, le mot « autisme » met Alice à terre.

« J’avais l’impression que tout s’écroulait autour de moi. Je n’étais pas préparée, personne ne m’avait mis sur cette piste-là. Je tombais de haut »

Même son de cloche pour Gwendoline et son fils Kilian. Elle savait pertinemment que son fils allait naître avec une forme d’invalidité. Au bout de ses quatre mois de grossesse, elle est touchée de plein fouet par une toxoplasmose élevée, une infection transmise par les animaux. « À la maternité, on me répétait : au pire, votre bébé sera soit aveugle ou sourd. Alors je me demandais : est-ce qu’il va arriver entier ? ». Ces prédictions effrayantes se sont révélées à moitié juste. À son arrivée, Kilian avait un retard de croissance. Il est passé sur la table chirurgicale à plusieurs reprises.

« On me disait que l’autisme était un effet de mode »

Agrandissement de l’os de la mâchoire, recollement des amygdales pour la déglutition, opération des yeux pour estomper son strabisme… Gwendoline souhaitait effacer toutes ces traces visibles qui pouvaient le stigmatiser. Ces visites récurrentes dans les couloirs angoissants des hôpitaux n’étaient que le début d’un long périple. « Kilian avait de gros soucis de motricité, il n’arrivait pas à faire ses lacets ou à tourner les poignées de porte. Par contre, il a su parler très tôt. Donc il a aussi ce côté intelligent ». Lui a été diagnostiqué à l’âge de 10 ans.

Après des essais peu fructueux dans un CMPP (Centres médico-psycho-pédagogiques), Gwendoline est forcée de se débrouiller seule. Au début, les parents étaient dans le viseur. Les professionnel.le.s jugeaient que le problème était plutôt d’ordre relationnel. « On me rabâchait : il n y a pas de quoi s’affoler, Kilian est juste en opposition avec vous ». Mais Gwendoline ne croyait pas en cette théorie infondée et culpabilisante.

Elle part à la chasse aux informations, scrute à la loupe tous les pans de l’autisme et découvre que son fils a 12 symptômes sur 15 en lien avec le syndrome d’Asperger. Malgré cette ressemblance frappante, les spécialistes s’accordent pour dire qu’il s’agit simplement d’un « effet de mode ». Ces déductions d’une absurdité indicible l’a plongent dans une colère monstrueuse. Dès lors, elle décide de marcher seule.

C’est par le biais de connaissances personnelles qu’elle parvient à obtenir des tests approfondis à l’hôpital Mignot de Versailles. Gwendoline voit enfin le bout du tunnel. Après cette rude traversée semée d’embûches, la mère au foyer voit son état de santé se dégrader. « Ma vie personnelle était figée. Je suis tombée en dépression et j’ai dû prendre des traitements lourds. J’étais comme anesthésiée ».

Des listes d’attente affolantes

Les histoires de ces parents se superposent. Ces anges gardiens obstinés remuent ciel et terre pour que leur progéniture évolue dans de bonnes conditions. Mais ils doivent faire face à des obstacles, qui, au premier abord, paraissent insurmontables.

« Dès qu’on entame des démarches ou que l’on essaye de trouver de l’aide, on nous met des bâtons dans les roues »

Audrey Marie, maman de Tristan, a aussi sombré dans d’innombrables galères. Expatriée au Brésil pour des raisons professionnelles, elle a été contrainte de revenir en France pour assurer des soins convenables à son enfant autiste. Les auscultations se concluaient par des discours approximatifs. Avec un handicap presque invisible à l’œil nu, Tristan tarde à obtenir un diagnostic clair. « Le médecin traitant nous a dirigés vers le CRA (Centre Ressource Autisme) de Brest, mais c’était deux ans de liste d’attente. Alors, l’autisme de Tristan a été officiellement décelé à ses 7 ans ».

Une poignée de médecins aux pratiques sinistres

Selon la Haute Autorité de Santé, le diagnostic devrait être posé dès 18 mois. Pourtant, la moyenne le situe entre 3 et 5 ans. Ce constat préoccupant s’explique en partie par une grande méconnaissance de l’autisme. D’après une étude OpinionWay, 1 médecin sur 4 assimile encore ce trouble à de la psychose. Une vision erronée de l’autisme mêlée à des fondements médicaux archaïques : un combo qui peut s’avérer lourd de conséquences. Le 11 septembre 2021, une enquête menée par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) mettait même en lumière des méthodes scandaleuses.

Une cinquantaine de praticiens avaient prescrit des antibiotiques composés de substances dangereuses pour « éradiquer » l’autisme. Depuis 2012, 5000 enfants auraient subi ces actes d’une atrocité indescriptible.

« L’autisme n’est pas une maladie, comme on l’a longtemps suggéré. Ça ne se soigne pas. En revanche, si le trouble est repéré précocement, l’enfant pourra travailler en profondeur sur ses lacunes cognitives afin de progresser plus vite », explique Ness, spécialiste

Cependant, après avoir sillonné les couloirs oppressants des hôpitaux ou des centres spécialisés, en quête d’examens éclairants, les parents se prennent un nouveau revers. Pour offrir à leurs enfants autistes des soins adaptés et personnalisés en fonction de leurs besoins, ils sont contraints de se livrer à une course administrative féroce.

« Quand l’annonce est tombée, c’était une descente aux enfers »

D’abord ils doivent digérer cette annonce qui résonne comme un coup de poignard. Puis, tels des guerriers avisés, ils puisent dans des ressources insoupçonnées pour continuer dignement cette lutte exténuante. Tous les mots de ces aidants de l’ombre prennent des airs de cri du cœur tant ils transpirent de désespoir. Dès le diagnostic, Alice a été gagnée par un sentiment d’effroi. Ses larmes ont coulé à flots pendant plusieurs semaines.

Audrey, elle, s’était imprégnée de cette image dorée de la maternité sans embûches ni soucis. Ses rêves ont volé en éclat. « Je n’ai pas apprécié le petit âge de mon fils, ça a tout gâché. On croit dur comme fer que notre enfant aura une bonne santé et quand l’annonce est tombée c’était une descente aux enfers ».

Pour Tatiana Ebwele, maman de deux enfants autistes, à la tête de la chaîne YouTube « Autisme, ce partenaire imposé », ce fut une double peine. Son aînée Ambre âgée de 22 ans et son fils cadet Joffrey-Noah d’à peine 5 ans ont été diagnostiqués à quinze ans d’intervalle. Malgré sa première expérience avec Ambre, elle pensait que l’autisme était un lointain souvenir. Lorsqu’elle reçoit le bilan de son petit dernier, la quarantenaire a l’impression que le sort s’acharne sur elle.

« Ça a été l’accablement total, je me suis sentie investie d’un poids énorme, insurmontable. J’avais l’impression que le monde s’effondrait autour de moi. C’est comme si on hypothéquait l’avenir de l’enfant »

Les parents se heurtent à des établissements saturés

Après avoir fait le deuil de cet enfant idéalisé, les parents doivent jouer les as de la sagesse pour ne pas perdre patience. En effet, derrière la façade touffue de l’autisme se cachent aussi des équipes saturées et des infrastructures pleines à craquer. Selon une enquête réalisée par Doctissimo et FondaMental, près d’une famille sur deux se dit insatisfaite de la prise en charge actuelle. Ces problématiques, Alice s’y est accoutumée. Cela fait maintenant un an qu’elle est sur liste d’attente pour obtenir une AESH (Accompagnants d’élèves en situation de handicap).

« Augustin est passé en grande section, mais sans accompagnateur, il n’avance pas, il a besoin qu’on l’épaule, qu’on l’assiste ».

Gwendoline, elle, était sur le point d’exploser. Durant huit longues années, elle a attendu une lettre favorable du SESSAD (Services d’Education Spéciale et de Soins À Domicile). Désormais, Kilian peut en bénéficier, mais la maman enchaîne les déceptions. « C’était très protocolaire, les équipes veulent simplement cocher des cases. On lui faisait faire des problèmes de CM1 alors qu’il avait 17 ans ».

Tatiana rejoint cet avis. Selon elle, les parents doivent sans cesse montrer patte blanche. Cette pression environnante ajoutée à cette exclusion frappante les embourbe dans une solitude affligeante. La culpabilité se hisse en toile de fond et laisse le moral en berne. Les parents sont les prisonniers d’une société bridée, complètement hostile à la différence. À l’école, dans la rue ou même au sein du cercle familial, ils reçoivent des regards méprisants ou des critiques blessantes.

« On a rejeté la faute sur moi, on me disait que j’étais trop protectrice »

Dans les années 50, un courant de la psychanalyse considérait les parents comme principaux fautifs de l’autisme de leur enfant. Sous le motif de troubles de la relation, ce sont eux qui portaient le chapeau. Un déchirement total. Pourtant, près de 70 décennies plus tard, cette hypothèse aberrante est encore bien ancrée dans les mentalités. Les mères sont régulièrement prises pour cible. Alice, par exemple, a reçu une pluie de remarques sur sa façon d’éduquer Augustin.

« On disait qu’il faisait des crises parce que je l’avais trop porté ou parce que j’étais trop protectrice. Tout le monde rejetait la faute sur moi. On m’a vite conseillé qu’il fallait que je coupe le cordon alors que mon fils avait à peine 2 ans, je trouvais ça inadmissible ».

Des placements abusifs murés dans le silence

Plus terrible : de nombreuses familles se font pourchasser par l’aide sociale à l’enfance. L’affaire Rachel illustre la violence de ces déclarations abusives, injustes et totalement inhumaines. En 2015, une mère de famille de 29 ans, à peine divorcée, fait l’objet d’un signalement de la part d’un hôpital de jour Isérois. On l’accuse « d’évoquer un faux diagnostic d’autisme pour ses trois enfants ».

S’en suit une bataille juridique de longue haleine. Après une batterie de tests psychiatriques, le rapport est accablant. D’après la justice, Rachel souffrirait du syndrome de Münchhausen par procuration. Elle aurait amplifié voire totalement inventé les soucis de santé de ses enfants pour attirer les regards et mettre son image parentale sur un piédestal. Pourtant, Rachel avait bien ouvert la voie aux diagnostics pour ses bambins, mais les résultats ne s’étaient pas montrés concluants.

« Du jour au lendemain, on peut nous arracher ce que l’on a de plus précieux »

Sans « autisme » avéré, le juge a préféré placer les enfants, pour « les protéger ». Impuissante face à cette décision cruelle, Rachel voit sa vie de mère sacrifiée. Pourtant d’après de nouvelles expertises, des troubles autistiques ont bien été relevés chez deux de ses enfants.

Rien n’y fait, son avenir semble totalement bouché. Après six années d’acharnement ponctuées de pétitions et d’appels à la solidarité, la justice fait la sourde oreille. Le triste sort de Rachel est loin d’être unique.

« Au total, 60 % des informations préoccupantes sont faites par l’école. Souvent il y a une suite administrative avec la mise en place d’une aide éducative. Dans le pire des cas, les enfants peuvent être retiré.e.s puis placé.e.s », explique Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France

En l’espace de quelques semaines, le quotidien de Tatiana s’est transformé en véritable cauchemar. Jeune mère célibataire, elle venait tout juste d’emménager dans un nouveau logement. Ce changement brutal a fortement irrité sa fille Ambre. Les pleures résonnaient en boucle et les décibels montaient crescendo. Tatiana tentait de camoufler ces hurlements perçants, en vain. Ses voisins, vraisemblablement inquiets, ont alerté les services sociaux pour soupçon de maltraitance.

« Quand j’ai reçu la convocation dans ma boîte aux lettres, j’étais sidérée. Pendant deux semaines, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. On m’a posé un tas de questions. Du jour au lendemain, on peut nous arracher ce que l’on a de plus précieux ». Heureusement, elle a obtenu gain de cause. Ces jugements hâtifs totalement biaisés témoignent d’un mépris général envers l’autisme.

Un manque d’humanisme total

L’Éducation nationale, elle aussi, semble se mettre des œillères devant les yeux. En matière d’inclusivité, elle revêt le bonnet d’âne. Classes saturées, professeur.e.s débordé.e.s, bienveillance aléatoire, absence de sensibilisation… Autant de facteurs qui cloisonnent un peu plus les enfants autistes.

En France, 43 % des familles jugent que les aménagements spéciaux de leur enfant ne sont pas respecté.e.s à l’école. « À l’école traditionnelle, Joffrey-Noah a été rejeté. Au lieu de l’aider, on l’a mis dans une espèce de bulle. Partout où je vais, on voit mon fils comme un pestiféré », fustige Tatiana.

« En primaire, c’était le néant pour Tristan. C’est comme s’il était transparent, on ne l’a jamais accepté », renchérit Audrey

En matière d’autisme, la France en bas du classement

L’Hexagone figure parmi les très mauvais élèves. La France en est à sa septième condamnation par le Conseil de l’Europe pour violation de la charte sociale européenne et discrimination à l’égard des personnes autistes. Des sanctions inédites à échelle mondiale.

Dans les hautes sphères de l’État, les débats paraissent superflus, ils ne font que survoler le fond du problème. Aucune étude épidémiologique n’a été amorcée sur le territoire. Environ 75 000 personnes sont diagnostiquées, mais la Cour des Comptes estime que ce chiffre se situerait plutôt autour de 700 000. Sans statistiques claires et exactes, le progrès est difficilement envisageable. Contrairement aux autres pays, la France a complètement délaissé les campagnes de sensibilisation autour de l’autisme.

En vingt ans, une seule a germé, en 2016. Elle s’est d’ailleurs soldée par d’innombrables critiques. Pour dépasser les idées reçues et gommer les clichés tenaces, le court-métrage édifiant « Dis-moi Elliot » révélait les pans « dissimulés » des TSA. Pourtant, une poignée d’associations reprochait au réalisateur de ne pas avoir fait appel à un véritable autiste pour le scénario.

Cette initiative louable n’a pas été réitérée. Inévitablement, sans opérations de communication régulières, les Français.es se rabattent sur les préjugés. Tatiana en a beaucoup souffert. On traitait sa fille comme une malpropre. Des avis malveillants, discriminants l’ont touché en plein cœur.

« J’avais inscrit Ambre dans une troupe de danse quand elle était petite. Quand je suis arrivée devant la porte, la directrice l’a reluqué et m’a dit “vous croyez qu’on fait des miracles ici ?”. Ça m’a bouleversé ».

Pour mettre un terme à ce calvaire qu’endurent les parents, des solutions se dessinent. Langue de bois ou réelle avancée ?

Les adultes autistes considérés comme des bêtes noires

« Il n’y a pas un centime pour les adultes autistes les plus vulnérables. On les a totalement oubliés », regrette Danièle Langloys. Passé le cap du collège, les aménagements s’amenuisent, le rythme devient plus soutenu, et les élèves autistes, elles/eux, sont marginalisé.e.s.

Résultat : iels sautent dans le grand bain de la vie active sans soutiens ni assistances. Les parents doivent, une fois de plus, dénicher des établissements ou des formations appropriés.

« Le mot autisme terrifie encore les employeurs »

Gwendoline est inquiète pour l’avenir de son fils, qui vient de franchir la vingtaine. Kilian se prépare à un BTS dans le numérique. Malgré cette évolution glorieuse, la maman redoute des aigreurs envers le handicap de son cadet. « Il a besoin de surveillance. Il va oublier de manger, il faut le guider, il n’a pas de réflexes. Kilian est doué, mais le mot “autisme” terrifie encore les employeurs ».

Selon l’association française Prisme autisme, 95 % des adultes autistes en âge de travailler sont au chômage. Pour l’heure, les actions restent insuffisantes. L’autisme est un chantier colossal au sein duquel tout est en cours de construction.

Ponctuellement, des opérations viennent rehausser ce futur jonché d’incertitudes. « J’ai été saisie par quatre enseignes de magasin. Elles sont venues me demander comment aménager les horaires et les lieux pour que les familles avec un enfant autiste soient mieux accueillies », confie Danièle Langloys. Une intention positive, qui ne panse pourtant pas, les plaies de ces parents jetés en pâture

En partageant leurs expériences, ces parents nous invitent à être solidaires, à cultiver l’espoir et à poursuivre la lutte pour un monde plus inclusif et bienveillant pour tou.te.s.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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