Après #BalanceTonBahut et #BalanceTonProf, c’est désormais le hashtag #BalanceTonStage qui enflamme la twittosphère. Lancé par 3 étudiant.e.s de l’EM Business School Lyon, il dénonce les mauvais traitements subis par les stagiaires en milieu hospitalier. Et plus largement, le sexisme régnant dans certaines entreprises. On vous raconte.
#BalanceTonStage : « les internes sont un peu les esclaves de l’hôpital public »
On le sait, trouver un stage n’est pas facile, surtout dans les circonstances sanitaires actuelles. Et même lorsqu’on en trouve un, il est parfois loin de ressembler à ce que l’on s’était imaginé. C’est Agathe, Simon et Camille qui sont à l’origine de la création de la page Instagram #BalanceTonStage, ouverte le 26 juillet dernier. Le but ? Regrouper le plus de témoignages possible pour dénoncer publiquement les mauvaises conditions dans lesquelles les stagiaires travaillent.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les étudiant.e.s infirmier.ère.s ont beaucoup de choses à raconter. Ils.elles se sont emparé.e.s du hashtag et livrent des témoignages glaçants via le réseau social Twitter :
Il y a plusieurs années durant mon stage en salle de naissance on m'a forcée à assister à une interruption médicale de grossesse d'une femme enceinte de 7 mois, l'infirmière m'encadrant m'a obligée à aller "ranger" l'enfant mort dans le frigo… #balancetonstage
— Fanny J (@FannyLorien) September 11, 2020
#balancetonstage je prends la TA d’une dame et tout d’un coup je reçois une plaquette de médocs dans la tête par l’IDE. Je ne comprends pas… elle ne dit rien… je continue… encore une plaquette… puis encore… puis arrive l’explication « tiens toi droite » …
— Cécile (@Ccile13006832) September 12, 2020
En pédiatrie, premier stage, l’équipe s’amusait à me tirer les cheveux, me mettre la tête dans un carton quand j’avais le dos tourné, m’asperger d’urine, de bétadine ou encore de me purger leurs seringues dessus. J’en passe encore, évidemment. #balancetonstage
— ?? (@imcalledelise) September 11, 2020
2e Stage de 1ere année d'étude infirmière, j'arrive le premier jour pour me présenter : "de toute façon on va pas retenir ton nom", puis "ah oui et les stagiaire ne mange pas avec nous il mange dehors, on parle sur vous pendant le repas" #balancetonstage
— jsuisvenere (@jsuis_venere2A) September 8, 2020
2ème année de Manip radio, 1er stage de bloc, on m’a obligé à piquer le patient jusqu’à ce que j’y arrive. (Mes premières perfusions) Le patient était intubé aucun consentement demandé. Il s’est réveillé avec 10 hématomes… #balancetonstage
— nonamenolife (@oceaneportrait) September 12, 2020
1er j de stage ide dans un EHPAD. L’IDE m’emmène poser un cathé à une dame, elle me dit qu’elle ne réagit plus car fin de vie, je pique mais ça ne passe pas. Je recommence, et idem. En sortant elle me dit: ah au fait elle était morte, rigole et s’en va. #balancetonstage
— Salom (@salome_dlb) September 13, 2020
Certains témoignages évoquent carrément des atteintes physiques à l’intégrité des stagiaires :
#BalanceTonStage
Mon responsable de stage m'a traité de "grosse avec un gros ventre", et pour me le prouver il a demandé un centisouple à mes cadets pour prendre mon Périmètre abdominal. Ils lui ont remis, je lui ai interdire de le faire et ca ma valu une invalidation de stage.— Maessara??♀️ (@MaeRafiou) September 7, 2020
Stage en clinique mutualiste à Grenoble. Les aides soignantes sortent d’une chambre en faisant mine de s’étouffer et lâchent « j’avais oublié que les noirs ça puaient autant » (Elles auraient au moins pu s’étouffer pour de vrai) #balancetonstage
— bad gyal✖️ (@mrs_kalma) September 13, 2020
Discussion très sérieuse sur la situation de l’hôpital publique en France avec une IDE, me crachant à la figure au décours d’une conversation « les internes sont un peu les esclaves de l’hôpital publique, en plus tu as déjà la couleur » #balancetonstage
— Hesyre (@Bvbinski_) September 11, 2020
Une précision qui nous rappelle le bilan implacable du post-confinement, les personnes les plus utiles à la France sont souvent celles qui sont le moins bien payées :
Pour compléter tous les temoignages de #balancetonstage, il est important de rappeler que les stagiaires infirmiers vivent ces maltraitances pour à peine 50€/semaine (en 3eme année)
1,43€ l'heure de torture.
C'est pas cher payé pour les larmes, nuits blanches, depressions, …— Florian ???? (@FlorianJ69) September 10, 2020
Après le choc, vient la colère des étudiants…
La FNESI alerte sur l’état psychologique des étudiants en soins infirmiers
Le but de ce tapage médiatique via le hashtag #BalanceTonStage ? Dénoncer pour que cela ne se reproduise plus. Tout comme ces étudiants, on en vient à se demander comment et pourquoi certains encadrants sont si malveillants et maladroits ? Est-ce dû à leurs conditions de travail ? À des soucis personnels ? À une envie de bizutage qui a mal tourné ? Toujours est-il qu’il est clairement injuste de faire subir un tel traitement à des stagiaires qui sont là pour apprendre un métier et donc, prendre la relève :
Quand je lis les tweets des #balancetonstage je suis juste outrée… je ne comprend pas comment les « professionnels de santé » peuvent être si horribles et maltraitants avec les étudiants ! Ils ont oubliés qu’ils étaient à notre place auparavant
— Maëv ? (@Brnmaeva) September 12, 2020
Y a vraiment des gens qui disent « j’suis choquée de tant de cruauté, c’est des soignants » C’EST DES PUTES comme ça c’est dit! C’est vraiment le pire des milieux et si tu le fais pas par conviction et par dévotion. T’arrêtes l’école en fait! Courage les esi #balancetonstage
— Donnie Delajungle (@donniejungle) September 13, 2020
#balancetonstage quand j’ai commencé mes études d’infirmière je pensais important de penser à prendre mes ciseaux et ma pince cochère, j’ai vite compris que les outils indispensables sont du scotch pour fermer ta gueule et de la vaseline pour bien te faire enculer.
— Cécile (@Ccile13006832) September 12, 2020
On en parle pas assez de ces entreprises "machine à stagiaires" ou ya toujours masse de stagiaires qui font des travaux d'assistants, n'ont pas le droit de se plaindre car "c'est une chance pour un etudiant d'avoir un experience pro" & sont payés 3€ de l'heure #balancetonstage
— m u s h r o o m (@S0mbreS0leil) September 13, 2020
Bien heureusement, certain.e.s soignant.e.s n’ont pas hésité à prendre le parti des étudiant.e.s :
Le #balancetonstage me choque, je pensais pas qu’on pouvait arriver à un tel point d’irrespect et d’inhumanité…
Trop hâte d’avoir des étudiants pour leur faire adorer leur stage sans venir avec la boule au ventre— Emmakha ? (@Emmaanyone) September 7, 2020
Le hashtag #BalanceTonStage est un véritable coup de pied dans la fourmilière. Il pointe du doigt les conditions de travail précaire dans le milieu hospitalier et soulève une véritable urgence à agir.
En 2017, la FNESI (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers) publiait les résultats de son enquête sur le bien-être des étudiants en soins infirmiers. Résultat sans appel : ils étaient « en situation de souffrance psychologique ». On apprenait même que 54,9 % des interruptions de formations sont liées à des stages problématiques.
Cette même année, Valérie Auslender publiait « Omerta à l’hôpital« . Un recueil contenant plus d’une centaine de témoignages d’élèves infirmier.ère.s, aide-soignant.e.s ou encore internes en médecine. Ils.elles racontaient leur histoire et cette « descente aux enfers ». Preuve que les horreurs que décrivent les étudiant.e.s de 2020 ne datent pas d’hier.
Êtes-vous concerné.e.s par le sujet ? Connaissez-vous un.e étudiant.e infirmier.ère ? On vous attend pour en discuter sur le forum, dans la rubrique Santé.