L’été installé, vous somnolez sur la plage et regardez les enfants courir partout. L’image vous amuse… Et peut-être ne l’avez-vous même pas remarqué, mais beaucoup de petites filles, sans poitrine développée, portent un bikini. Un maillot deux pièces censé couvrir le sexe et la poitrine des femmes et adolescentes dont les seins sont déjà développés.
Détail sans importance ? Pas si sûr lorsqu’on se souvient qu’il y a quelques années, les petites filles portaient soit un maillot une pièce soit une simple culotte de bain, comme les petits garçons. D’où vient ce revirement ? Pourquoi les bébés et filles arborent désormais le bikini ? Pourquoi certaines marques de prêt-à-porter pour enfant proposent des bikinis dès l’âge de 2/3 ans ? Va-t-on vers une hypersexualisation dès le berceau ? C’est le dossier de la rédaction.
L’envie de « faire comme les grandes »
Body rose pour les filles, body bleu pour les garçons. Les stéréotypes de genre commencent dès la naissance. Et ce n’est pas nous qui le disons, mais les parent.e.s directement concerné.e.s et sensibilisé.e.s à ce phénomène. On se souvient de la vidéo TikTok de ce papa américain, publiée en 2021. Il raconte à quel point il lui a été difficile de trouver des vêtements non genrés avant la naissance de sa petite dernière. Pire encore, il explique avoir trouvé des body taille naissance avec l’inscription : « Désolée les gars. Papa a dit pas de rencard ».
Il parle aussi des innombrables froufrous, paillettes et autres déclinaisons de la couleur rose qu’il a trouvés sur tous les vêtements « pour petite fille ». Fait inquiétant : il a noté qu’à étiquette d’âge équivalente, les vêtements bébé fille étaient plus petits que ceux des bébés garçons. En largeur bien entendu, et non pas en longueur. Et que dire du fait qu’il n’a jamais réussi à trouver de maillot une pièce pour son bébé, que des bikinis.
Face à ce constat, on se dit que c’est peut-être le cas ailleurs… Mais que la France ne doit sûrement pas entrer dans ce petit jeu malsain. Et puis, en surfant un peu sur internet, on se rend compte que des marques référence comme Petit Bateau, Vert Baudet ou Okaïdi proposent-elles aussi des bikinis à partir de 2/3 ans.
« Ces petites filles veulent juste copier et faire comme les grandes », nous direz-vous. Certes, mais n’est-ce pas justement aux parent.e.s de rappeler que « tu n’es encore qu’une enfant, pas une femme, tu as le temps de grandir » ? Il y a encore 5 ou 10 ans en arrière, personne ne s’étonnait de voir une petite fille avec une simple culotte de bain. Si vous vous amusez à les compter sur la plage cet été, vous verrez qu’elles sont bien moins nombreuses, au profit de celles qui portent un bikini pour enfant.
Une histoire de diktats physiques ?
Il y a quelques années, beaucoup se sont insurgé.e.s à propos des concours de mini miss où les petites filles sont maquillées, coiffées et habillées comme les grandes. Un phénomène aujourd’hui amplifié par les réseaux sociaux. Le besoin d’exposer sa vie et d’ajouter 3 couches de filtres pour faire rêver son audimat. Comme si, dès l’enfance, la petite fille était déjà une femme soumise aux diktats de la société.
Bien sûr, il peut y avoir des cas de pubertés précoces. Et des jeunes filles qui souhaitent masquer leur poitrine naissante avec un haut de bikini. Mais ce n’est certainement pas le cas chez les petites filles de 2 ou 3 ans. Le bikini, réputé pour être porté par un certain type de femme (mince au ventre plat, en l’occurrence), n’est-il pas un moyen d’imposer aux petites filles, dès leur plus jeune âge, une sorte de physique idéal à atteindre ?
À l’heure où l’égalité fille/garçon est un combat que de nombreux.ses parent.e.s et professionnel.le.s de la petite enfance mènent, il est malheureux de constater ce retour en arrière. Qui plus est, lorsqu’il est totalement inconscient de la part de nombreux parent.e.s. Car oui, vu d’ici, il n’y a rien de mal à acheter un bikini enfant à sa fille de trois ans. C’est même plutôt mignon. Excepté lorsqu’on réfléchit au message qu’il envoie. Et aux torts qu’il peut causer à l’enfant en termes d’image de soi.
Besoin impérieux de sexualiser le corps féminin
En imposant un haut de bikini à une petite fille, on lui apprend à masquer ce qu’elle n’a pas encore. On lui apprend la pudeur face aux regards des autres. Cédant ainsi à la pression sociale : « tu dois faire ce que l’on attend de toi en tant que petite femme ». Encore plus paradoxal lorsqu’on demande aux femmes adultes de s’épiler entièrement afin de retrouver un corps prépubère. Comme si, à n’importe quel âge, on n’échappait jamais à ce besoin impérieux de sexualiser le corps féminin.
Le fait d’être pour ou contre le bikini pour enfant est un choix personnel, dont seul.e les parent.e.s sont responsables ainsi que l’enfant qui souhaite ou non porter ce vêtement. On peut tout à fait enfiler un bikini à sa fille et l’éduquer pour qu’elle ai confiance en elle et apprenne à ne pas se conformer aux diktats de la société. Cet article n’a pas pour vocation de lancer un débat sur ce qui est bien ou mal en termes d’éducation.
Il est là pour mettre l’accent sur un phénomène et les problèmes qu’il peut causer en termes d’image de soi et plus globalement, de sexualisation du corps féminin.