#BoldGlamour : voici pourquoi les filtres tendance TikTok sont toxiques

Bold Glamour, c’est le nom donné à ce nouveau filtre aussi tendance que toxique lancé par TikTok. En utilisant l’intelligence artificielle pour lisser et transformer les traits de manière quasi indétectable, il est la source de nombreux maux. L’occasion de nous rappeler comme les filtres peuvent nuire à notre rapport à l’apparence, qu’il s’agisse de la nôtre ou de celle des autres.

Les filtres sur les réseaux sociaux : un véritable fléau

Le cas du #Bold Glamour

Avec déjà plus de 400 millions d’utilisations depuis sa sortie sur la plateforme, le Bold Glamour a révolutionné le monde des filtres. En effet, il ne se contente pas d’appliquer des effets avec images 3D, il préfère se servir de l’intelligence artificielle pour nous amener au plus près des canons de beauté véhiculés par la société. Ce filtre tendance lisse la peau, affine le nez, repulpe les lèvres, rend les sourcils plus symétriques et les pommettes plus saillantes. Son plus grand danger réside dans le fait qu’il est difficilement identifiable.

En effet, cette nouvelle génération de filtre se sert d’un GAN (Generative Adversarial Network) pour créer des illusions parfaites d’images. Vous pouvez vous toucher le visage, mettre la main devant l’appareil ou prendre autant de recul que vous le voulez : le filtre est inflexible.

Les filtres, un usage systémique

Cela fait quelques années maintenant que les filtres beauté sur les réseaux posaient question. Nous nous demandions surtout s’ils pouvaient changer la perception que l’on a de nous-mêmes. Également, l’inquiétude se formait autour d’une éventuelle traduction dans des actions concrètes comme la chirurgie ou la création de troubles psychologiques. Les études nous répondent enfin : oui.

Une première étude menée par l’American Academy of Facial Plastic and Reconstructive Surgery note une augmentation de 7 % des consultations pour améliorer son apparence dans les selfies entre 2015 et 2017. Les chirurgien.ne.s s’inquiètent d’autant plus que les patient.e.s montrent des photos d’elleux avec un filtre. C’est-à-dire, que notre apparence avec un filtre devient la nouvelle référence de chirurgie. C’est la preuve de leur impact indéniable, ils sont omniprésents.

Une seconde étude parue en Angleterre a enquêté auprès de 175 personnes de genres confondus. Elle nous apprend que 90 % d’entre elleux ont l’habitude d’utiliser des filtres pour des petites modifications (dents blanches, amincissement, retouche du nez, etc.). Cette étude se voit complétée par une autre datée de 2021 et menée par les Parents together survey sur 200 ados amércain.e.s de 13 à 21 ans. Elle montre que 87 % d’entre elleux utilisent un filtre et 1/5ème d’entre elleux utilisent un filtre de beauté à chaque post sur les réseaux sociaux.

Finalement, Facebook et Instagram démontrent que 600 millions de personnes utilisent les filtres en réalité modifiée. C’est une véritable vague de filtres qui s’est abattue sur nous au cours de la dernière décennie. Leur usage n’est plus anecdotique, mais systémique. Les filtres des réseaux sociaux sont devenus une référence générale, qui peut s’avérer toxique.

Les dérives des filtres

Les filtres, notamment les tendances TikTok, ont apporté une forme de toxicité sur le net. En effet, ils sont différents en ce que les modifications exercées sont infimes et ont un impact considérable. Ils arrivent à nous faire penser que cette version de nous-mêmes pourrait s’ancrer dans le réel. Ils sous-entendent que c’est ce qui pourrait arriver si l’on « faisait mieux », comme une sorte de meilleure version de nous-mêmes.

Or, ces changements sont impossibles à obtenir sans chirurgie. Même si l’on ne s’en rend pas compte, les filtres touchent à l’ossature du visage, à la taille des yeux, etc.

@notsophiesilva

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♬ Boy’s a liar Pt. 2 – PinkPantheress & Ice Spice

Qui plus est, ils sont addictifs. La neuropsychologue Sanam Hafeez déclare que « les filtres activent les circuits de récompense dans le cerveau ». Ce choc de dopamine crée un sentiment de validation esthétique et sociale qui nous amène à ne plus pouvoir publier de photos sans filtres.

Pour tester cette théorie, le photographe Rankinarchive s’est lancé en 2019 dans une expérience. Après avoir réalisé une série de photos portraits de jeunes, il leur a demandé de retoucher la photo jusqu’à ce qu’elle soit « social media ready » (prête pour être postée sur les réseaux sociaux). La différence entre l’avant et l’après est sans appel…

La spirale de l’envie, un danger pour la confiance en soi

C’est alors que les filtres tendance sur TikTok touchent le point clé de la confiance en soi. Les filtres sont largement utilisés par de jeunes personnes en pleine construction identitaire. Leur effet est immédiat, ils alimentent les complexes physiques, entachant au passage l’estime de soi. Ce fantasme d’un idéal qui n’existe pas est à l’origine de la crainte « d’être une fraude » : est-ce que je ressemble vraiment à ce que je montre ? Sans surprise, cela perturbe les relations humaines. Les adeptes des filtres veulent se sentir beaux/belles, être complimenté.e.s et apparaître sous leur meilleur jour. Ce phénomène est à l’aube d’un trouble entre la confiance en soi, les filtres et le regard des autres. C’est ce que la psychologue Jasmine Fadouly appelle « la spirale de l’envie« .

Selon elle, il y a un désir humain naturel qui nous pousse à vouloir être « au top » lorsque l’on fait de nouvelles rencontres. Or, ce n’est pas toujours possible dans le monde réel. Parfois, nous avons des boutons, des cernes, nous sortons à la va-vite… et les réseaux nous permettent de moduler notre apparence. Nous choisissons l’image que l’on offre à l’autre. En sélectionnant nos photos et en utilisant les filtres, il nous est possible d’être constamment « on fleek« . La docteure et psychologue Charlotte Gamache analyse :

« L’utilisation de filtres sur ses selfies nuirait à l’humeur et susciterait le sentiment d’être malhonnête en propageant une fausse image de soi. »

Une enquête récente menée par Girlguiding, montre que 39 % des jeunes filles interrogées regrettent de ne pas avoir la même apparence dans la vie réelle qu’en ligne. Elles pointent notamment le fait que les compliments qu’elles reçoivent s’adressent à ces photos qui ne les représentent pas réellement. Ces filtres sur TikTok, Instagram et TikTok sans doute aucun toxiques pour la confiance en soi.

La création de dysmorphophobie

Cette nocivité des filtres se reporte aussi dans notre perception de notre apparence propre. Le psychologue, psychanalyste et fondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, Michaël Stora le soutient :

« À force de se regarder à travers des filtres qui gomment toute imperfection, le moindre petit défaut physique devient une obsession. Cela peut amener à une forme d’aliénation positive d’un visage qui finalement, ne correspond plus à qui l’on est. Et engendrer par la suite des phénomènes de dysmorphobie. »

Le filtre Bold Glamour sur TikTok et tous ses pairs sont toxiques en ce qu’ils ne font que renforcer l’idée que notre image est défaillante. La dysmorphophobie est un trouble psychique qui réside dans le développement d’une obsession sur une partie du corps au point que cela nous gâche le quotidien. Elle représente un.e américain.e sur cinquante selon la Fédération internationale du trouble obsessionnel compulsif. Le lien entre cette maladie a été nommée « snapchat dysmorfia » par le chirurgien Tijion Esho.

La media literacy ou l’art de la pensée critique

La media literacy désigne cette compétence qui nous permet de distinguer ce qui tient de la réalité de ce qui est faux ou modifié. Si cela était évident jusqu’à récemment, les nouvelles vagues de filtres comme le Bold Glamour ont changé ce paradigme. La réalité augmentée est très crédible et empêche de détecter le faux. Or, nous sommes moins touché.e.s en sachant que c’est faux.

Une enquête préliminaire nous montre que cette compétence agit comme un agent protecteur entre les jeunes et l’impact psychologique sur leur perception d’elleux. Pour cette raison, certain.e.s appellent à faire de la media literacy une compétence enseignée à l’école. C’est aussi ce à quoi veulent s’employer de nombreux.ses influenceur.se.s conscient.e.s d’être des leader.se.s d’opinion et d’image sur les réseaux sociaux. Iels veulent s’attaquer à la normalisation des filtres et à la légitimation d’une nouvelle identité qu’ils créent.

Les filtres, reflets d’une société qui standardise un physique « parfait »

Sur les réseaux sociaux, les voix se sont levées à l’encontre du filtre Bold Glamour, considéré toxique. Il inquiète, car il exacerbe les diktats inhérents à la beauté dans notre société. Ces idéaux de beauté sont impossibles à atteindre. Les filtres beauté troublent sans conteste la frontière entre réalité et illusion. Ils font même la promotion d’idéaux physiques construits qui alimentent la misogynie.

Sur TikTok, la chirurgienne plastique Monica Kieu a elle-même admis que le Bold Glamour est très réaliste. Elle souligne au passage qu’il poursuit les standards de beauté fort traditionnels :

« Le reflet biaisé de ce genre de filtre risque donc d’intégrer dans l’imaginaire collectif des standards de beauté illusoires et arbitraires. »

L’un des risques encourus par ces filtres toxiques est la « standardisation des visages« . Cela véhicule l’idée d’un canon de beauté universel auquel tout le monde devrait tendre à ressembler. Qui plus est, le danger réside dans la comparaison à soi-même et non plus aux célébrités. Nous sommes devenu.e.s nos propres concurrent.e.s. La chirurgienne complète :

« Ce genre de filtres pousse encore davantage de jeunes – les 18-30 ans – à avoir recours à la médecine ou chirurgie esthétique afin de correspondre à un soi ‘filtré’. »

La naissance d’une mode sans filtres

En réaction à ces filtres clairement toxiques pour notre santé mentale, des contre-mouvements se sont formés. L’idée est de lutter contre ces « filtres de l’arnaque ». Nous connaissons bien le #Nofilter qui rend cool le fait de ne pas utiliser de filtres.

En Angleterre, l’influenceuse Sarah Pallari, s’est levée contre certain.e.s collègues. Lasse de les voir vanter les miracles de produits pour la peau en apposant des filtres, elle a lancé le #filterdrop. Rapidement, de nombreuses Instagrammeuses se sont emparées de l’initiative de l’Anglaise. Le #filterdrop s’est transformé en un puissant mouvement plébiscitant la beauté au naturel. Des milliers de publications ont éclot, imageant des avants et des après filtres stupéfiants.

Plus récemment, Dove s’est engagé contre le filtre Bold Glamour avec #TurnYourBack. Dans cette campagne de prévention, la marque demande aux utilisateur.rice.s de TikTok de tourner le dos à ces filtres toxiques en utilisant son hashtag.

Vers une régulation de l’usage des filtres dans l’influence

Le marché de l’influence est estimé mondialement à 12 milliards d’euros en 2021. C’est la naissance d’un nouveau business de poids. Les réseaux rassemblent des millions d’abonné.e.s et érigent les influenceur.se.s en véritables célébrités. C’est indéniable : les réseaux sociaux orientent les modes de consommation et de vie.

Alors, les appels à la régulation se multiplient. Ils ont notamment été entendus au Royaume-Uni. Il s’avère que le mouvement de Sarah Pallari a pris une telle ampleur que l’autorité des normes de publicités au Royaume-Uni a réagi. Depuis lors, les filtres des publicités sur les réseaux sociaux sont prohibés. L’influenceuse s’est félicitée :

« Les personnes qui ne se compareront plus à une publicité irréalisable sans filtre vont être nombreuses. Nous l’avons fait. Je suis si fière. »

Plus récemment en France, Bruno Le Maire a présenté des mesures visant à réguler le secteur de l’influence. Il propose notamment de soumettre le contenu des réseaux « aux mêmes règles » publicitaires que les médias traditionnels. Le ministre de l’Économie entend aussi interdire toute promotion de la chirurgie esthétique. Ces nouvelles mesures obligeront les influenceur.se.s à signaler l’utilisation d’un filtre pour améliorer artificiellement leur apparence.

Ainsi, les nouveaux filtres sur les réseaux sociaux sont indéniablement toxiques. Si les précédents questionnaient déjà, ceux-ci sembleraient même s’avérer dangereux. Ils promeuvent dans un réalisme effarant un idéal de beauté inatteignable. Malgré tout, il convient de rappeler que les filtres ne sont que le symptôme d’un problème plus grand. Finalement, comme l’exprime le vidéaste web français Cyrus North : « il faut créer l’internet que l’on a envie de voir ».

Charlotte Vrignaud
Charlotte Vrignaud
En tant que journaliste spécialisée dans les médias et la culture, mon quotidien est une aventure passionnante au cœur de l'évolution culturelle et médiatique de notre époque. Mon rôle consiste à décrypter et à partager les tendances émergentes, les innovations et les récits captivants qui façonnent notre société.
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