Les femmes et le sport, c’est l’histoire d’un long bras de fer. Encore loin de devenir l’égal de l’homme sur ce créneau, les athlètes féminines sont pourtant régulièrement en haut du podium. Natation, tennis, athlétisme… qu’importe leur domaine de prédilection, elles s’arrachent médailles et trophées. Un siècle après la création des Jeux Mondiaux Féminins, le paysage sportif laisse-t-il plus de place aux femmes ? La course pour arriver à une meilleure représentation des femmes dans le sport ne fait que commencer. À l’occasion de la Journée internationale du sport féminin ce 24 janvier, éclairage.
En 2023, les exploits féminins gagnent du terrain
La balle serait-elle enfin dans le camp des athlètes féminines ? Longtemps mises sur la touche dans le milieu sportif, les femmes ont enchaîné les exploits l’année dernière. La rage d’arriver sur le même pied d’égalité que les hommes se fait ressentir. Elles sont moitié moins nombreuses que leurs homologues masculins dans les compétitions de haut niveau, mais elles savent se faire entendre.
La skieuse française Tess Ledeux, déjà championne du monde 2017 de slopestyle et 2019 en big air, a décroché la médaille d’or en big air en 2023. Côté gymnastique, citons Simone Biles considérée comme l’une des meilleures athlètes de tous les temps. Elle a remporté en 2023 son sixième titre mondial au concours général lors des Championnats du monde de gymnastique artistique à Anvers (Belgique). C’est la gymnaste la plus titrée de l’histoire. Sans oublier la footballeuse Espagnole Aitana Bonmatí qui a remporté le Ballon d’or féminin 2023.
Aux Jeux Olympiques d’hiver 2022 déjà, les médailles d’or avait gagné le cou des athlètes féminines. Au total, 7 femmes et filles ont battu des records du monde, faisant ainsi une entrée fracassante dans l’histoire. Croisons les doigts pour que les exploits se répètent aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ! Au-delà de ces performances hors normes, le sport féminin se démocratise dans l’espace public. L’Euro Féminin 2022, retransmis à la télévision, comptait par exemple 17,4 millions de téléspectateur.rice.s pour la finale le 31 juillet. Une première !
Le girl power sur une belle pente… en apparence
Il y a cent ans, Alice Milliat organisait pour la première fois les Jeux Mondiaux Féminins à Paris. En un siècle, les femmes ont aussi été soumises à une autre épreuve, souvent invisibilisée : celle de la parité. Et malgré ce girl power retentissant qui prend la tête du sport ces dernières années, les injonctions ne baissent pas la garde.
Lorsque les femmes commencent à faire de l’ombre aux hommes, des obstacles se dessinent. C’est le cas des tests de féminité, très controversée. Cet examen est pratiqué pour déterminer si une sportive professionnelle ne serait pas intersexuée ou de sexe masculin. Et la réelle valeur des exploits féminins est régulièrement réduite à des débats futiles, souvent liés au physique.
L’hypersexualisation, toujours dans les starting blocks
Le 23 août 2022, la nageuse Linda Cerruti affichait avec fierté ses huit médailles récoltées aux championnats d’Europe de natation dans un post Instagram. Mais le principal sujet de discussion a rapidement été détourné par une avalanche de commentaires misogynes et vulgaires. Même son de cloche pour l’équipe de France de Natation Artistique. Sous une photo de l’équipe en maillot de bain postée également sur Instagram, les critiques racistes et sexistes ont afflué.
« Ces commentaires sont honteux et trop graves pour être passés sous silence puisqu’ils révèlent encore de gros problèmes de mentalité et de sexualisation à outrance des femmes », déclarait l’ancienne capitaine dans un manifeste
L’harmonie du corps déjà prônée dans les années 20 est encore tristement d’actualité. La sexualisation des femmes trouve des échos dans les sponsors, les médias, mais aussi les vestiaires. Les diktats suivent les femmes à tous les niveaux.
En 1990, Anna Kournikouva en a fait l’expérience. Perçue comme « sexy », elle a attiré de nombreux sponsors. Elle a enchaîné les photos de charme et les campagnes publicitaires parfois « aguicheuses ». Elle a gagné 10,25 millions de dollars et une popularité à peine croyable. On la connaît désormais plus pour sa silhouette que pour ses succès. Aujourd’hui, cette obsession du physique est toujours en piste. Les femmes doivent répondre aux exigences vestimentaires principalement pour doper l’audimat.
Les sportives, plus engagées que jamais
Et dès qu’elles dérogent à cette règle, elles se prennent le revers de sanctions. C’était le cas lorsque les beach handballeuses norvégiennes avaient refusé de porter le traditionnel bikini. Les sportives sont souvent sous le feu des projecteurs, mais pas pour leurs performances. Pour cause, en France seules 38 % des femmes sont licenciées dans les Fédérations sportives. Un chiffre qui prouve que la domination masculine pèse sur le succès des athlètes sportives.
Mais sur fond de libération des corps, les femmes commencent à taper du poing sur la table. Elles semblent prêtes à challenger ces normes coriaces. Et c’est nécessaire ! En 2021, aux JO de Pékin, les gymnastes allemandes sont entrées en combinaison rouge et blanche intégrale, laissant le classique justaucorps au placard. Un parti pris symbolique. Le mouvement féministe, plus féroce que jamais, fait doucement bouger les murs.
La vague féministe tacle les valeurs arriérées du sport
Kathrine Switzer, Connie Carpenter Phinney, Wilma Rudolph… ces noms, méconnus, ont pourtant marqué l’histoire du sport au féminin, sans pour autant rester dans les annales. Autrefois, ces femmes, pionnières dans leur discipline, n’avaient pas autant la cote. D’où l’ignorance collective de leur existence. Aujourd’hui, les grands noms du sport féminin font plus de bruit, preuve que ces mesdames sont enfin reconnues à leur juste titre.
Les sportives contemporaines n’entendent pas se laisser marcher dessus. Et Serena Williams, véritable icône féministe ne cesse de le prouver. La joueuse de tennis emblématique est souvent montée au filet pour défendre ses droits. Celle qui a remporté 39 titres au Grand Chelem a par exemple écrit une lettre ouverte en 2016 pour appeler les femmes à faire « tomber les barrières ».
Ses prises de position publiques d’une franchise décapante ne s’arrêtent pas là. En 2019, elle foule les courts de Roland Garros vêtue d’une combinaison parsemée d’inscriptions. On peut y lire « Mère, Championne, Reine, Déesse ». Ces revendications tenues par une sportive renommée suivie par 15 millions de fans sur Instagram font réagir les médias.
Avec leurs actions coups de poing, les stars du sport féminin changent doucement la donne. Et les femmes gagnent progressivement en visibilité. En 2020, la Française Mélanie Frappart était d’ailleurs la première femme à arbitrer un match en ligue des champions.
Les sports féminins ne représentent que 4 % de la couverture médiatique globale d’après une étude de l’UNESCO. Pourtant, ils semblent compter de plus en plus d’adeptes. Si l’égalité est encore à la traîne, l’effort de visibilisation des athlètes féminines est réel. En France, 89 fédérations sportives ont adopté un plan de féminisation des pratiquantes et des dirigeantes. Le patriarcat se prend un beau carton rouge !
