Ce mercredi 18 mai 2022 porte les couleurs du féminisme. Après le Japon, l’Indonésie ou encore la Zambie, l’Espagne pourrait officiellement devenir le premier pays européen à instaurer un congé menstruel. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le pays souhaite également renforcer l’accès au droit à l’avortement (IVG). Explications.
Vers des congés menstruels pour tou.te.s
« Les règles ne seront plus taboues (…) C’en est fini d’aller au travail avec les douleurs, de devoir se gaver de comprimés avant d’aller au travail ou de devoir cacher notre douleur », s’est félicitée la ministre de l’Égalité espagnole, Irene Montero, hier 17 mai. L’Espagne a présenté un projet de loi, devant le Conseil des ministres, qui vise à établir un congé menstruel pour les salarié.e.s souffrant de règles douloureuses.
Déjà en 1947 le Japon avait instauré un congé menstruel lié aux règles douloureuses. Jusqu’a aujourd’hui aucune entreprise ne peut contraindre un.e employé.e à travailler si il.elle demande à obtenir un congé menstruel. De plus, aucune limite de jours n’est imposée.
Une décision que compte donc également mettre en place le gouvernement espagnol au travers de ce nouveau texte. Une première en Europe, puisqu’aucun autre pays ne l’a envisagé.
Ce « congé menstruel » est l’une des mesures phares d’un projet de loi plus large. Il y est notamment question de renforcer l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics et globalement de « protection des droits sexuels et reproductifs ».
Si l’exécutif obtient le feu vert des député.e.s (dans les heures ou jours à venir), les personnes menstruées en Espagne souffrant de règles douloureuses pourront et auront le droit de poser 3 à 5 jours de congés. Un congé déjà instauré, l’an dernier, dans la ville catalane de Gérone, en Espagne.
Renforcer le droit à l’IVG pour toutes les femmes
C’est une autre mesure proposée par l’Espagne, hier 17 mai, dans ce texte. Objectif : que chaque femme puisse accéder au droit à l’avortement. Bien que dans la théorie cette loi existe depuis 2010 (les femmes ont le droit d’avorter jusqu’à 14 semaines de grossesse, voire 21 semaines, en cas de danger pour la vie de la femme ou du foetus), dans les faits de nombreuses femmes n’y ont pas accès, notamment dans le Sud de l’Espagne à Tolède.
En effet, certain.e.s médecins et hôpitaux invoquent l’objection de conscience et refusent d’exercer cette intervention. Conséquences : aucune IVG n’est pratiquée et la loi n’est pas respectée. De fait, ce projet vise à renforcer le droit des femmes et à contrôler davantage la mise en application de cette loi.
Que contient ce nouveau projet ?
Si cette réforme est votée, les mineures de plus de 16 et 17 ans auront le droit d’avorter sans autorisation parentale. Les femmes profiteront d’un congé payé à partir de la 39e semaine de grossesse. Et les personnes menstruées disposeront de produits d’hygiène menstruelle gratuits, disponibles dans les institutions publiques.
En outre, les médecins qui refuseront de pratiquer un avortement devront s’inscrire sur un registre public. Et tous les hôpitaux auront l’obligation de trouver une solution.
Ce nouveau texte prévoit également de supprimer le délai de 3 jours de réflexion, imposé actuellement en Espagne aux femmes souhaitant avorter. Elles pourront désormais, le faire immédiatement, si ce projet de loi est adopté.
Un projet de loi qui fait débat
Si l’Espagne souhaite faire un bond en avant concernant les droits des femmes, cette nouvelle loi suscite néanmoins des débats du côté de l’exécutif.
Certains syndicats espagnols estiment que cette réforme sur les congés menstruels pourrait causer des effets pervers, notamment au niveau de l’embauche des femmes. Selon ces dernier.ère.s, elles seraient plus enclines à être discriminées. Mais la ministre de l’Égalité espagnole Irene Montero, l’instigatrice de ce projet, n’en dément pas et estime cette décision nécessaire et « révolutionnaire ».
Déjà pionnière en matière de féminisme, avec cette réforme l’Espagne pourrait signer une nouvelle ère. Avec un Tribunal Constitutionnel espagnol composé d’une majorité de juges progressistes, cette loi a toutes ses chances d’être votée. Croisons les doigts !