Depuis l’essor d’internet et des réseaux sociaux, les violences en ligne se sont multipliées. Pourtant, elles restent largement minimisées et impunies. L’association « Féministes contre le cyberharcèlement » a commandé à IPSOS une étude sur l’état des lieux du cyberharcèlement en France. Un constat accablant : 41 % de Français.es déclarent en avoir été victimes et 31 % admettent en avoir commis. Et ce phénomène touche particulièrement les plus jeunes et les personnes appartenant à des groupes minorisés, comme la communauté LGBTQIA+. On vous en parle.
Les enfants minorisé.e.s principales victimes de ce fléau
Insultes, propagation de rumeurs, menaces, diffusion de montages photos ou canulars téléphoniques, divulgation de photos ou vidéos privées… Si le cyberharcèlement, ou harcèlement en ligne, peut prendre différentes formes, il a toujours pour but de nuire, intimider ou persécuter la ou les personne(s) ciblée(s).
Les enfants sont les principales cibles du cyberharcèlement, notamment au travers des réseaux sociaux et des messageries instantanées. Ce sont 31 % des parents qui déclarent que leurs enfants ont été au moins une fois victime de cyberviolence et 1 parent sur 10 admet ne pas savoir ce qu’il en est réellement pour son enfant.
Avec la montée du racisme et des discriminations, les personnes d’origine, de groupes ou de communautés minorisées subissent également davantage de cyberharcèlement. 85 % des personnes LGBTQIA+ et 71 % des personnes racisées déclarent en avoir été victimes. Dans près des deux tiers des cas, les victimes de cyberviolences connaissent la véritable identité de l’agresseur.
« Les cyberviolences ont fréquemment des ressorts sexistes, racistes et LGBTQIA+phobes, ce sont autant de moyens d’intimidation qui incitent à ne pas prendre trop de place et à se conformer à la loi de l’agresseur pour utiliser les réseaux », affirme Johanna Soraya Benamrouche, co-fondatrice de Féministes contre le cyberharcèlement
Le cyberharcèlement touche aussi les adultes
Bien que le cyberharcèlement concerne particulièrement les plus jeunes, les adultes n’en sont pas moins concerné.e.s. Notamment dans les espaces numériques, les forums, les applications de rencontre et les SMS. En effet, plus de 4 Français·es sur 10 ont en déjà été victimes et 87 % ont entre 18-24 ans.
Isolement, dépression, suicides…
Si se taire reste le premier réflexe pour assurer sa sécurité sur les réseaux sociaux, l’autocensure est devenue également un réflexe de protection pour certaines personnes. Les personnes préfèrent ne rien publier, non par envie, mais par crainte d’être prises pour cible.
Mais, ce n’est pas la seule conséquence du cyberharcèlement. Selon ce même rapport :
- 22 % se sont désinscrit·e·s des réseaux sociaux après avoir subi des violences en ligne,
- 11 % ont perdu leur emploi ou raté leurs études,
- 41 % se sont senties déprimé.e.s ou désespéré.e.s,
- 17 % ont pensé au suicide
- 16 % des personnes harcelées pensaient mériter ce qui leur arrivait.
De plus, 45 % des victimes de diffusion de photos et de vidéos dégradantes ou intimes ont pensé au suicide. L’appartenance à un groupe minorisé et le fait d’être une femme sont également des facteurs qui démultiplient l’impact des violences.
S’il existe des victimes, il y a forcément des auteur.rice.s
Dans cette enquête, IPSOS dévoile également des chiffres alarmants sur le nombre d’auteurs de violence et les moyens mis en place pour harceler les victimes.
En effet, 31 % des Français·es reconnaissent avoir été à l’origine d’une situation de cyberviolence. Et 1 Français·e sur 10 admet avoir envoyé des photographies non sollicitées de ses parties intimes ou menacé une personne sur les réseaux sociaux.
Des solutions peu connues… et des recours insatisfaisants
Bien que la grande majorité des Français.es savent ce qu’est le cyberharcèlement et sa gravité (plus de 9 Français·es sur 10 considèrent que les cyberviolences sont graves), 73 % d’entre elles.eux déclarent ne pas connaître les risques pénaux encourus lorsqu’un acte de cyberviolence ou de cyberharcèlement est commis.
Pire, les Français.es ne savent pas à qui s’adresser en cas de cyberharcèlement. Plus de la moitié déclare ne pas savoir (59 %) ou ne pas avoir su (52 %) ni réagir ni à qui s’adresser en tant que victime d’un acte de cyberviolence.
Si certaines victimes et également l’entourage savent comment agir et portent plainte, le résultat reste insatisfaisant. En effet, d’après cette enquête, 1 victime sur 5 déclare s’être rendue à la police ou à la gendarmerie pour porter plainte, moins de la moitié de ces plaintes (47 %) ont donné lieu à des poursuites judiciaires et deux tiers (67%) des personnes qui ont fait la démarche d’aller porter plainte se sont vues refuser ce dépôt. Des chiffres qui montrent que ce fléau n’est encore et toujours pas considéré à sa juste valeur.
Cyberharcèlement : comment lutter contre ce fléau ?
Pour mieux lutter contre ces violences, les Français·es souhaitent renforcer la prévention à ce sujet, notamment auprès des plus jeunes. L’appel du 3018, numéro dédié aux victimes de violences numériques, et la simplification du dépôt de la plainte sont les solutions à privilégier.
En revanche, toujours selon cette étude de l’association « Féministes contre le cyberharcèlement » et IPSOS, la levée de l’anonymat ou du pseudonymat n’est pas considérée comme un levier important. Et pour cause, puisque dans la majorité des cas les victimes connaissent l’identité de l’auteur des violences.
Une prise de conscience qui fait son bout de chemin petit à petit. En février 2021, le chef de l’état avait déclaré mettre en place de nouvelles lois pour améliorer le contrôle parental. Aussi, le numéro 3018 dispose désormais d’une application qui permet de signaler des faits de harcèlement en transmettant des captures d’écran. Via cette plateforme on peut également demander la suppression de comptes ou de contenus en seulement quelques heures sur les réseaux sociaux. Parce qu’il est temps de dire STOP au cyberharcelement sexiste et sexuel.