Le sexisme prend racine dès la cour de récréation. Au total, 29 % des filles âgées de 7 à 10 ans déclarent en avoir fait l’expérience. Et cette différence de traitement les suit de façon plus vive jusqu’en classe supérieure. L’école française, lieu de tous les apprentissages, n’est pas bonne élève en matière d’égalité homme-femme. Les questions de consentement, de violences sexuelles ou d’identité de genre ont été gommées du paysage.
Le 30 août dernier, le Haut Conseil à l’Égalité demandait au gouvernement de mettre en place « un plan d’urgence de l’égalité à l’école« . Serait-ce un zéro pointé pour la « grande cause » du quinquennat Macron ? Décryptage.
Des mesures au point mort
Un siècle en arrière, Jules Ferry créait l’école laïque, gratuite et obligatoire. Les filles n’y ont accès que dix ans après leur camarade masculin. En prime, elles se heurtent à des enseignements réducteurs qui sentent le patriarcat à plein nez. Elles sont alors vouées à devenir de « meilleures » femmes au foyer. Entre leur main, les manuels de bonne conduite clament avec fierté le mythe de la « fée du logis », serviable et docile.
Aujourd’hui, cette image stigmatisante semble très lointaine. Pourtant, les inégalités perdurent, sous une forme plus vicieuse. C’est d’ailleurs ce que fustigeait récemment Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut Conseil d’Égalité. Selon elle, l’école est même « le premier lieu de cristallisation du sexisme ».
Louée comme une des grandes causes du quinquennat Macron, l’égalité à l’école a simplement été posée sur la table. Mais les avancées concrètes n’ont pas encore pris place sur les bancs de l’école. Dans une interview livrée au média Brut, le Ministre de l’Éducation Nationale Pap Ndiaye déclarait « l’école est injuste avec les pauvres”. Pour lui, la « mixité scolaire doit devenir une priorité ». L’égalité des sexes, elle, n’a pas eu une telle attention.
En cette rentrée 2022, le seul changement « notable » est la labellisation « Égalité filles-garçons ». Elle permettra aux collèges et aux lycées de « valoriser une approche intégrée de l’égalité dans le pilotage de l’établissement, l’action pédagogique sur l’ensemble des temps d’apprentissage, la formation du personnel et la création de dynamiques à l’échelle du territoire ».
Des opérations ponctuelles ont également vu le jour. Notamment à l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes. Emmanuel Macron a instauré une semaine de sensibilisation contre les violences sexistes et sexuelles dès le plus jeune âge.
Des lacunes considérables qui empêchent filles et garçons d’être au même niveau
Mais ces créations restent très insuffisantes face aux lacunes qui pèsent sur le dos de l’école. De nombreux manquements sont à noter. L’éducation sexuelle, essentielle pour éduquer les mentalités par exemple, reste encore tabou.
Pourtant, une loi de 2001 oblige écoles, collèges et lycées à dispenser au moins trois séances annuelles d’éducation sexuelle. Là encore, la France revêt le bonnet d’âne. Une enquête publiée en février 2022 par le collectif #NousToutes, révélait que les élèves n’avaient reçu que 13 % de l’enseignement prévu à cet effet.
Faute de connaissances, les jeunes se tournent vers des supports peu représentatifs de la réalité. C’est le cas de la pornographie. Pour 53 % des jeunes, cette consommation se justifie par l’envie d’apprendre. Or, ce modèle de référence prend régulièrement le parti de la domination masculine. Résultat : les femmes subissent ce regard misogyne et rabaissant, dès l’adolescence.
Ce n’est pas le seul sujet qui pose une colle aux acteurs du gouvernement. L’inégalité se traduit aussi dans les choix de carrière. Pour cause, les manuels scolaires, eux-mêmes, marginalisent les femmes. Moins de 10 % des textes présentés ont été rédigés par des femmes. Pire encore, les femmes de pouvoir ne représentent qu’à peine plus d’1 % des illustrations étudiées. Rosalind Franklin qui a participé à la découverte de la structure de l’ADN ou Emmeline Pankhurst qui a contribué au droit de vote des femmes… autant de figures féminines emblématiques évincées de l’histoire.
Cette absence a une influence directe sur les ambitions des femmes. Il suffit de pousser les portes d’une école d’ingénieur pour que le constat saute aux yeux. Seules 28 % de femmes sont inscrites dans des formations en ingénierie et ce chiffre stagne depuis 2013. Les matières scientifiques, dominées par les hommes, mettent volontairement les femmes sur la touche. Pourtant, elles sont loin d’être incompétentes. En 2020, 98,5 % des filles en filière S ont obtenu leur baccalauréat contre 97,3 % des garçons, selon l’Insee.
Le sexisme à l’école, pas prêt d’être renvoyé
30 heures. C’est le temps que passent les élèves à l’école. Ce milieu rigoureux, censé enseigner tous les savoirs de la vie, a donc un rôle important à jouer. Mais l’égalité à l’école est seulement au stade de brouillon. Et le gouvernement devra rapidement revoir sa copie pour changer la donne.
Cette éducation « genrée », encore omniprésente, est une véritable plaie de la société. Et elle fabrique des discriminations dès le plus jeune âge. La preuve : dans les cours de récréation, le sexisme occupe toute la place. Selon un sondage du CSA pour Milan Presse 29 % des jeunes filles de 7 à 10 ans estiment en avoir été victimes. Le chiffre grimpe à 36 % pour les 11-15 ans. Près des trois quarts d’entre elles se sentent obligés de « se préoccuper de leur apparence ». La génération de demain se construit encore sur des normes datées.
Les pistes du Haut Conseil de l’Égalité pour rayer ce fléau de la carte
Afin de faire bouger les lignes et placer l’égalité à l’école en haut du tableau, le Haut Conseil à l’Égalité préconise plusieurs recommandations fortes. Parmi elles : la création d’un plan national d’orientation professionnelle, le renforcement du combat contre le harcèlement, le cyberharcèlement et les violences en ligne. Mais aussi et surtout, il est urgent de garantir la tenue des enseignements obligatoires à la sexualité en sollicitant davantage les associations.
Pour l’heure, le gouvernement planche sur la question coriace de la crise énergétique, laissant d’autres sujets importants sans solutions. Mais tout n’est pas noir. Si l’État est incapable de réécrire une page plus glorieuse sur l’école actuelle, alors les livres modernes s’en chargent. Les bibliothèques scolaires se remplissent doucement d’ouvrages inclusifs. D’ailleurs Pom d’Api, le magazine emblématique des maternelles, a récemment fait peau neuve pour mettre plus de diversité entre les mains des tout petits.