Les féminicides font encore tristement la Une des journaux ces derniers temps. Cette violence endémique qui se déroule dans le plus grand des silences ne cesse de sévir. Et malgré le Grenelle des violences conjugales, le nombre de femmes décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint était encore en hausse en 2021. Et le bilan de 2022 prend le même chemin.
Depuis janvier, 85 femmes ont perdu la vie dans des conditions effroyables. Quand est-ce que ce douloureux décompte va-t-il enfin cesser ? Les mesures sont-elles à la hauteur de ce désastre sociétal de longue date ? Quelle issue pour ces femmes prisonnières de leur bourreau ? On fait le point.
Les féminicides ont augmenté de 20 % en 2021
Une femme poignardée de sang-froid par son mari en Dordogne. Une septuagénaire retrouvée étranglée dans le Haut-Rhin. Une Yvelinoise à peine majeure égorgée par son conjoint alors qu’elle tentait de contacter les pompiers. Ces scènes nauséabondes qui se propagent de façon maladive sur chaque région de France ont toutes eu lieu sur les dernières semaines d’août.
Pendant l’été, le huis clos conjugal est plus pesant. L’agresseur, disponible à temps plein, jette sa haine entière sur la victime en jouant de sa domination. Et les chiffres sont plus susceptibles de croître durant cette période où l’isolement est à son comble. Ce constat alarmant n’est qu’une petite partie d’un profond iceberg.
La lutte contre les violences faites aux femmes était au cœur du quinquennat d’Emmanuel Macron, l’actuel président de la République française. Et pourtant, les dégâts humains continuent de faire rage sur fond de mesures bancales. Selon un rapport du ministère de l’Intérieur paru le 26 août dernier, 122 féminicides ont été recensées en 2021. Soit 20 % de plus que l’année précédente. Cela représente en moyenne 1 décès tous les 2 jours et demi.
En parallèle de ces chiffres moroses, ce compte-rendu esquisse le portrait-robot des agresseurs et il n’a pas pris une ride. « Il est majoritairement masculin, le plus souvent, en couple, de nationalité française, âgé de 30 à 49 ans ou de 70 ans et plus, et n’exerçant pas ou plus d’activité professionnelle ». Dans un tiers des cas, lorsqu’il passe à l’acte, une substance du type alcool entre en compte.
Plus inquiétant : 64 % des femmes victimes de féminicides avaient signalé cette violence aux forces de l’ordre et 84 % avaient même déposé plainte. Défaillances juridiques, manque de considération, protection superficielle… les femmes devenues les défouloirs de leur partenaire tyrannique subissent une double peine.
Des mesures intéressantes… sur le papier
Trois ans après le lancement du Grenelle des violences faites aux femmes, des zones d’ombre subsistent. Si certaines mesures plus « accessibles » que d’autres ont été rapidement mises en pratique comme l’ouverture 24h/24 du numéro d’urgence 3919, d’autres sont encore au stade d’ébauche. Et les moyens déployés pour les appliquer semblent dérisoires face à l’ampleur de cette brutalité latente.
Les bracelets anti-rapprochement, autre dispositif phare, mériteraient par exemple des ajustements. Certes, ils permettent de tenir l’agresseur loin de la victime, mais les stocks à dispositions ne sont pas proportionnels à la demande. On en dénombre 379 pour 220 000 femmes victimes de violence chaque année en France. Et ils excluent les récidivistes qui présentent pourtant un réel danger.
En prime, pour arriver à cette « sanction », les victimes doivent d’abord réussir à franchir la porte du commissariat. Si 80 % d’entre elles gardent le silence, celles qui daignent signaler des faits de violence conjugale ne sont pas toujours reçues dignement. C’est en tout cas ce que pointe une étude de l’Observatoire régional des violences faites aux femmes du centre Hubertine-Auclert publiée en janvier 2022.
Manque de confidentialité, minimisation des violences psychologiques, danger sous-évalué… l’analyse est accablante. Cependant, elle fait état de l’accueil des victimes sur 2018-2019 et la prise en charge a évolué. Mais elle reste tout de même fébrile. En mars 2021, 66 % des personnes interrogées par le collectif #NousToutes dénonçaient une nouvelle fois la « mauvaise prise en charge de leur plainte ». Parmi elles, 56,5 % faisaient état d’un refus de prendre la plainte, ou d’une attitude les décourageant à le faire.
Des agresseurs au sein de la police, une aberration
C’est à peine croyable et pourtant dramatiquement réel. Des policiers en exercice sont eux-mêmes les auteurs de violences conjugales. En juillet dernier, un homme condamné pour violence sur son ancienne compagne a intégré l’école de police. L’administration a fait table rase du passé, dans l’incompréhension la plus totale. Et ce n’est pas un cas isolé. Le livre « Silence, on cogne« a d’ailleurs pris ce sujet à bras le corps à travers une enquête édifiante. Cette absurdité ultime freine un peu plus le désir de se confier.
En 2 ans, 90 000 policier.ère.s et gendarmes se sont formé.e.s sur la prise en charge des victimes de violence. Mais pour que le fléau des féminicides s’efface de la société, un certain travail sur les mentalités reste à faire. La protection trouve aussi ses racines dans l’éducation. Tant que les stéréotypes de genre et les inégalités hommes-femmes seront ancré.e.s, la situation restera figée.
Le sexisme démarre pourtant dans la cour de récré des plus petit.e.s. D’après une enquête du CSA pour Milan Presse, 29 % des filles de 7-10 ans confirment avoir déjà été victimes ou témoins de moqueries sexistes. En mettant des livres inclusifs entre les mains des enfants, on entame un réel changement, qui pourrait éviter bien des drames.