Drague ou harcèlement : comment faire la différence pour mieux se défendre ?

La vague #MeToo a profondément remodelé la drague moderne, mais elle n’a malheureusement pas éradiqué les comportements abusifs. Accoster une personne dans la rue reste passable à condition que ça ne vire pas au jeu de piste anxiogène. Même son de cloche avec le fameux contact visuel qui peut être flatteur, mais aussi se faire pesant. Finalement, entre drague et harcèlement, la nuance est parfois subtile. Pour distinguer les gestes condamnables des approches policées, voici quelques repères indispensables. Sans surprises, le consentement reste un indicateur capital.

Apprendre à délimiter la séduction

À mesure du temps, la définition de la séduction s’est complètement dénaturée, devenant presque un « passe droit ». Si autrefois elle induisait slow au gré des bals, poème tendre et déclaration autour d’un verre, il semblerait qu’aujourd’hui, elle ait perdu toute son essence. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à atténuer leurs bavures en dégainant cette bonne vieille excuse de la « tentative de séduction ». Alors, pour faire la distinction entre drague et harcèlement, il convient de clarifier le sens primitif de la séduction.

La drague vise à montrer un intérêt romantique ou sexuel envers une personne. Elle implique des signaux positifs et respectueux, tels que le contact visuel, les sourires, les compliments courtois et l’écoute active. Si une connexion se crée et que l’attirance est réciproque, alors la séduction vaut.

À l’inverse, si la personne en face n’est pas réceptive et qu’elle adopte une attitude fuyante, cette petite sérénade doit cesser, sans quoi elle basculerait dans le harcèlement. Le fait d’insister ou d’user de la méthode bulldozer pour que l’autre cède à ces avances entame les frontières du délit.

Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que la séduction est une équation qui fonctionne seulement à deux. Cependant, inutile de montrer les dents dès qu’un homme vous offre un verre ou vous flatte poliment. Ni de tout de suite penser à mal. C’est un premier pas pour engager la conversation. En revanche, libre à vous de donner, ou non, votre feu vert pour aller plus loin.

Porter une vive attention au consentement

Lorsque la notion de consentement est bafouée ou volontairement grillée, il n’est plus question de drague, mais bien de harcèlement. Dans ce cas, c’est tolérance zéro. Même si ce terme ne cesse d’être défendu, il peine à s’encastrer au creux des esprits. Certains individus se croient donc encore légitimes de suivre des femmes dans la rue malgré leur désintérêt et de quémander leur 06 à coup de grossièretés. Un accord mutuel est obligatoire pour enclencher le processus de drague. C’est la règle de base.

Si vous exprimez un refus catégorique ou que vous adoptez une attitude fermée, votre soi-disant chasseur de cœur est censé raccrocher l’affaire. Toutefois, s’il commence à faire du forcing, devient envahissant et adopte un comportement plus agressif, la barrière du harcèlement est franchie. Le don Juan mue dès lors en médiocre prédateur.

Sifflements, commentaires non sollicités, mais aussi paroles persistantes instaurent un climat de peur et font de la rue un lieu hostile. Ce sont loin d’être des plaisanteries passagères ou des banalités quotidiennes. Il y a d’ailleurs un énorme fossé entre complimenter quelqu’un droit dans les yeux et jeter des « t’es bonne » par la fenêtre d’une camionnette. Quoi qu’il en soit, le consentement fait toujours foi. Autre précision : votre « non » n’est pas nécessairement verbalisé, il peut également tenir dans un silence.

Bien évaluer le contexte

Pour discerner la drague du harcèlement, le contexte est un baromètre fiable. Par exemple, si vous êtes sur votre lieu de travail et que votre supérieur vous affabule de surnoms « intimes » et vous inclut dans ses blagues salaces, il dépasse largement les bornes de l’acceptable. Il en va de même pour les SMS gênants laissés par le technicien Orange, fraîchement venu poser la fibre. Ou le livreur Ubereats un peu trop entreprenant qui prend votre numéro de portable pour un dérivé de Tinder.

Toutes ces irruptions à la fois incongrues et malpropres relèvent du harcèlement. Mais attention, ça ne veut pas dire qu’un homme en « rendez-vous galant » peut s’octroyer tous les droits. Même si ce contexte est déjà plus sain, vous n’êtes pas à l’abri d’un geste déplacé ou d’une remarque impudique. Un oeil un peu trop plongé dans le décolleté ou une main un peu trop basse sur les hanches peut déjà sombrer dans le harcèlement. Là encore tout réside dans le consentement. Ce n’est pas une notion absolue. Vous pouvez donc très bien imposer vos limites quand ça ne vous convient plus.

Déjouer le mythe de la drague lourde

Comme le soulignait la militante féministe Caroline De Haas, dans un billet de Médiapart, la drague lourde n’est rien de plus qu’un terme édulcoré pour minimiser le harcèlement. Souvent érigée en carte joker, la drague lourde ne fait que banaliser les comportements problématiques. Pendant l’affaire Baupin, l’élu écologiste accusé de blagues salaces, de gestes déplacés et de baisers forcés mobilisait encore cette excuse bidon. « C’était de la drague, lourdingue certes, mais de la drague », défendait-il.

Selon Caroline De Haas, la drague lourde n’existe pas. C’est seulement un bon amortisseur pour les personnes qui se chercheraient des circonstances atténuantes. Caroline de Haas, définit les dragueurs lourds ainsi : « C’est en général un homme qui tient des propos à connotation sexuelle, répétés, non désirés. Ces propos créent une sensation désagréable, un environnement hostile ou intimidant ». Des harceleurs refoulés donc.

Un tableau pour mieux distinguer drague et harcèlement

Pour illustrer plus concrètement ce qui oppose la drague au harcèlement, le site « Paye ta shnek » qui compile des témoignages de femmes victimes de harcèlement de rue, a confectionné un tableau évocateur. Il interroge des attitudes tristement « familières » et sans surprises, beaucoup de scénarios sont estampillés « harcèlement », ou, pire « agression ».

Par exemple, le fait de prendre le refus d’une personne pour de la timidité ou d’imposer sa présence à une personne qui ne répond pas va dans la case harcèlement. Lorsque des gestes non consentis emboîtent les atteintes verbales, là il y a agression sexuelle. C’est le cas des baisers forcés ou des mains aux fesses.

Tableau Paye ta Shnek

Pour rappel, l’outrage sexiste ou sexuel aggravé est puni d’une amende de 3750 € et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans. Dans le cadre d’une agression sexuelle, les sanctions sont plus lourdes. Le coupable risque une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. Encore trop peu pour avoir anéanti une vie entière…

Si la drague et le harcèlement semblent avoir une frontière mince, ce sont pourtant des lignes de conduite contraires. L’une prône le tact et la bienveillance tandis que l’autre revendique la terreur. Si vous faites face à une situation critique, vous pouvez vous appuyer sur ces 8 applications « de secours » ou tenter ces 8 parades originales.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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