Après le greenwashing, ou faire semblant d’être concerné·e par l’environnement, on assiste aujourd’hui au feminism washing. Car, oui, le féminisme fait vendre et pas qu’un peu. Les marques se mettent de plus en plus à prôner une image en faveur du droit des femmes à coup de publicité et t-shirt aux phrases impactantes. On aurait pu avoir affaire à une réelle prise de conscience de la part des multinationales. Mais on est plus dans le « bankable », ce qui rapporte, plutôt que dans un véritable discours féministe. Pour mieux comprendre ce phénomène, on a réuni des cas d’écoles qui parlent d’eux-mêmes. Décryptage.
C’est quoi le feminism washing ?
Ce n’est pas une nouvelle manière de laver votre t-shirt tout en faisant participer votre partenaire… Le feminism washing est la mise en avant, par certaines entreprises de leurs combats pour les droits des femmes. Problème, les fins sont un peu moins glorieuses. L’intérêt est de faire du chiffre. C’est aussi de se donner une bonne image auprès d’un public de plus en plus sensibilisé à la question du féminisme.
« Avant le bouleversement #metoo, le féminisme était caricaturé, perçu comme un mouvement qui réunissait des révolutionnaires, des anticapitalistes, des poilues. Aujourd’hui, le féminisme n’a plus rien de subversif, c’est quelque chose de populaire », analyse Léa Lejeune, auteure du livre ‘Feminism washing : Quand les entreprises récupèrent la cause des femmes’
Ça tombe à pic à l’heure des divers mouvements féministes tels que #BalanceTonPorc ou #MeToo pour redorer son image. Notamment des « vieilles entreprises » comme Always, Dove, Pantene, Nike... Elles ont été parmi les premières à le faire, en véhiculant un message qui valorise la femme, son corps quel qu’il soit. Elles tentent de déconstruire des années de publicités stéréotypées et sexistes. « Empower women », « girl power », « #Unapologetic »… les campagnes marketing féministes pullulent. C’est ce qu’on appelle « femvertising », contraction de féminisme et de publicité.
Une recette bankable ?
Depuis quelques années, l’engagement sociétal des entreprises est de plus en plus important face à la montée en puissance de l’opinion. En particulier avec l’avènement des réseaux sociaux qui accompagne le changement brutal de réputation face à la viralité qui caractérise Twitter et Facebook. Face à cette pression de la part des nouvelles générations, les entreprises veulent montrer qu’elles font partie du combat féministe, quitte à mentir. Tout est bon pour éviter le bad buzz.
« Dans la plupart des cas, le message des marques qui pratiquent le « feminism washing », reste féministe. Le message est donc perçu positivement par cette génération qui peut s’identifier aux modèles et être vraisemblablement représentée. Les consommatrices ont aussi l’impression d’être actives dans leur décision d’achat », estime la professeure de marketing Sylvie Borau pour Les Echos
En 2019, les campagnes non stéréotypées produisaient des retours sur investissement de plus de 25 %. De quoi pousser les entreprises dont le coeur de cible est composé de femmes, à adopter un discours féministe par opportunisme. C’est la stratégie qui sauve les apparences. Ce pseudo-militantisme devient ainsi un moyen d’attirer une nouvelle clientèle ou de fidéliser une clientèle déjà existante.
Deux cas de feminism washing qui parlent d’eux-mêmes
Ce sont des exemples parmi tant d’autres. On pourrait citer l’enseigne H&M qui s’engage à libérer le corps des femmes en mettant à l’honneur des mannequins body positive. Mais, de l’autre côté, le groupe est régulièrement pointé du doigt pour ses infractions au droit du travail…
La SNCF et l’égalité homme-femme
Les entreprises n’hésitent pas à mettre en avant l’existence de leurs « réseaux de femmes », leurs chartes en faveur de l’égalité et leurs guides contre le sexisme. C’est le cas de la SNCF. Cette grande entreprise publique communique depuis six ans sur sa journée spéciale, le « Girls’day : journée de la mixité ». Cela permet de faire découvrir aux jeunes filles ces métiers dits « masculins ».
Chez SNCF l’écart de rémunération hommes/femmes est plus faible que la moyenne. Découvrez nos initiatives #GirlsDay https://t.co/iz8t7W2XH9 pic.twitter.com/s4WpOQYu4e
— SNCF (@SNCF) November 28, 2016
La SNCF se vante d’un écart salarial de seulement 4 % qui s’élève en moyenne autour de 20 % dans les entreprises françaises. Sauf que les syndicats contestent ouvertement en affirmant que 16 à 20 % de femmes travaillent au sein de la société de chemin de fer. Seule 1 femme est au comité de direction sur 13 membres, masculins donc.
Ainsi, l’entreprise s’attache davantage à l’impact global de leur initiative qu’à une évolution de leurs pratiques commerciales internes.
Dior et le féminisme de frontières
On se souvient du t-shirt blanc de Dior qui affichait le message « We should all be feminists » (« Nous devrions tou.te.s être féministes« ), et qui avait envahi internet en 2017. Ce slogan fait référence à l’essai de l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, vendu 2€. Le t-shirt de la maison Christian Dior est affiché à 550€.
L’inclusion n’est pas au programme pour les femmes qui n’ont même pas les moyens de se vêtir ou de se procurer des produits de première nécessité. Ne parlons même pas des femmes exploitées quelque part dans le monde pour fabriquer ce type de vêtements dans des conditions exécrables.
Être féministe n’est ni une mode, ni un hobby, ni une vitrine de plus pour vendre. C’est un combat quotidien qui concerne toutes les femmes d’aujourd’hui et de demain.