Que l’on soutienne ou non le mouvement féministe, celui-ci prend aujourd’hui une nouvelle ampleur, notamment grâce aux réseaux sociaux. Mais hashtags coup de poing et trends TikTok emplis de sororité sont-ils l’unique image du féminisme contemporain ? Nous nous sommes posé la question.
Internet : outil de communication puissant du féminisme
S’il y a bien un mérite que l’on peut accorder à Internet, c’est d’avoir fait passer le féminisme de la rue aux réseaux sociaux. Lui offrant instantanément un public bien plus large et diversifié.
Le féminisme, c’est-à-dire la doctrine qui préconise l’égalité entre les hommes et les femmes, ne date pas d’hier. Olympe de Gouges (1748-1793), Emmeline Pankhurst (1858-1928) ou encore Simone de Beauvoir (1908-1986), pour n’en citer que quelques-unes : autant de féministes qui n’ont pas attendu d’avoir un profil Instagram certifié pour crier haut et fort leurs revendications. Pourtant, il est indéniable que les réseaux sociaux ont tout à fait modifié la diffusion des idées féministes.
Depuis votre lit, à Paris, à New York, au Caire, à Rio, ou sur une petite île des Philippines, il vous suffit d’un accès internet pour avoir à votre portée une multitude de ressources sur une multitude de sujets. Inégalités de salaires, culture du viol, plafond de verre, grossophobie… la compréhension des grands et petits enjeux du féminisme contemporain est à portée de clic.
Il n’en faut pas plus pour que certains parlent d’un féminisme de troisième vague, par opposition à la première vague des suffragettes et à la seconde vague issue des manifestations de mai 1968. Pour autant, peut-on dire que le féminisme tel qu’on le conçoit en 2022 rompt avec celui porté jusqu’à lors ?
Quand Internet donne la parole aux femmes
Dans son essai intitulé « Présentes« , Lauren Bastide fait un constat : bien que l’on avance vers un mieux, les femmes restent largement invisibilisées dans l’espace public. Lorsqu’Internet se démocratise dans les années 2010, il apparaît alors comme un nouveau terrain dont les limites et les règles n’ont pas encore été dictées.
Sur le Web, n’importe qui peut devenir quelqu’un. Le fait de cocher la petite case « femme » lors de votre inscription sur l’une ou l’autre plateforme n’aura pas d’incidence sur la portée de votre contenu. Ainsi, sur les réseaux sociaux les mouvements de dénonciations et/ou de libérations affluent. En 2017, peu sont les personnes qui n’auront pas vu passer le hashtag #MeToo qui dénonce, à l’origine, les violences sexuelles perpétrées dans le milieu du cinéma. Puis plus largement dans toute la société, dans leur fil d’actualité Twitter.
De même, alors que les Talibans prennent le pouvoir en Afghanistan en août 2021, des Afghanes créent le hashtag #DoNotTouchMyClothes. Elles incitent leurs sœurs à poster des photos d’elles en tenues traditionnelles pour protester contre le dress code ultra couvrant et restrictif imposé par leurs détracteurs. Des quatre coins du monde, les réseaux permettent donc aux femmes de s’exprimer et de revendiquer leurs droits librement et avec une audience largement supérieure à celle que leur offrait le monde d’avant Internet.
Ce point reste tout de même à nuancer. Si vous êtes un.e habitué.e du militantisme féministe en ligne, vous n’êtes pas sans savoir que les différentes plateformes ont tendance à censurer certains contenus.
Internet, un soutien pour les actions militantes
Pour autant, le féminisme 2.0 des réseaux sociaux est indissociable d’actions militantes plus old school. Au cours de l’année scolaire qui s’achève, on peut noter par exemple nombre de manifestations en France ou ailleurs qui ont su mobiliser les foules. En France, celle du collectif NousToutes contre les violences faites aux femmes le 20 novembre dernier a par exemple réuni entre 20 000 et 50 000 manisfestant.e.s à Paris.
De la même manière, des féministes ont déroulé le nom des 129 victimes de féminicide par conjoint ou ex-conjoint depuis juillet 2021 sur les mondialement connues marches du Festival de Cannes, attirant le regard du monde sur les violences conjugales. Tout récemment, le hashtag #ViolCrimeImpuni a aussi été projeté sur l’Assemblée nationale.
À savoir bien sûr que ces actions ne sont que des exemples des très (très) nombreux actes de militantisme menés depuis l’avènement d’Internet. En bref, si les réseaux sociaux donnent un nouveau souffle au mouvement féministe, celui-ci ne rompt pas totalement avec ses « anciens » moyens d’action.
Les attaques cybersexistes : le revers de la médaille
Le féminisme 2.0 connait aussi des freins. Se voir la possibilité de toucher un grand nombre de personnes se paie malheureusement cher, voire très cher pour certain.e.s.
Si les questions féministes touchent aujourd’hui un nombre de personnes toujours plus important, les violences en ligne envers les femmes sont elles aussi en pleine expansion. 73 % des femmes auraient ainsi déjà été confrontées, d’une manière ou d’une autre, à des violences en ligne ou en auraient été victimes d’après un rapport de l’Assemblée nationale publié en 2015.
Nous l’avons dit plus haut, sur Internet, n’importe qui peut devenir quelqu’un. Il n’est donc pas rare qu’en réponse à cette montée du féminisme, des opposant.e.s bien souvent masculins, mais aussi féminin harcèlent un.e militant.e pour ses idées. On se souvient, en février 2018, de la militante Caroline de Haas qui s’était retirée des réseaux à cause des messages et appels de haine qu’elle recevait suite à une interview accordée à L’Obs qui avait pour titre « Un homme sur deux ou trois est un agresseur ».
Quoi qu’il en soit, les réseaux sociaux, plus que vecteurs d’un nouveau type de féminisme, sont surtout un outil faisant porté la voix des militant.e.s. Hashtags, trends et posts sont une nouvelle déclinaison des actions du mouvement, s’ajoutant aux autres sans les faire disparaître. Comme pour tout, le féminisme s’adapte aux codes de son époque pour subsister.
Si vous souhaitez approfondir cette relation d’amour et de haine qu’entretiennent le féminisme et les réseaux sociaux, nous vous conseillons de lire le livre de la journaliste, autrice et activiste féministe Elvire Duvelle-Charles intitulé « Féminisme et réseaux sociaux« .