Féminisme et transidentité : pourquoi une telle controverse ?

Suite au lancement d’une campagne de communication du Planning familial, le débat sur la place des personnes trans dans les mouvements féministes enflamme de nouveau la toile depuis plusieurs semaines. Certaines revendications ne sont visiblement pas compatibles entre les deux groupes opposés. D’où la violence qui déferle, notamment sur les réseaux sociaux avec du harcèlement en ligne. Une convergence des luttes féministes est-elle possible, ou même nécessaire ? On fait le point.

Les féminismes intersectionnels, inclusifs, radicaux…

Au mois d’août, le Planning familial a lancé une campagne de communication incluant les personnes trans dans la question de la grossesse. Leur slogan annonçait : « Au Planning, les hommes aussi peuvent être enceints ». Le dessin utilisé était un homme trans enceint. Cette inclusion a relancé le débat de la place des personnes trans dans les mouvements féministes en France. C’est surtout sur les réseaux sociaux que déferlent les commentaires des militantes. Ils peuvent être très violents. Pour certaines femmes et quelques personnalités d’extrême-droite, cette campagne promeut une dangereuse « théorie de genre ». Pour d’autres, il est question d’inclure toutes les personnes ayant un utérus dans l’accès aux soins, sans que l’on vienne débattre de leur identité.

Grossièrement, il y a deux écoles. D’un côté, les féministes « intersectionnelles » ou « inclusives ». Celles-ci soutiennent que les femmes trans sont des femmes de par leur sentiment et leur expérience individuelle. Elles cherchent à lutter ensemble contre le patriarcat. De l’autre côté, les féministes « radicales » ou « critiques du genre ». Celles-ci définissent les femmes à partir de critères biologiques communs. Elles excluent par conséquent les femmes trans de la catégorie. Ou pour les féministes inclusives, les « TERF » (comprenez en anglais « trans-exclusionary radical feminist » soit « féministes radicales excluant les trans »).

La place des femmes trans dans le féminisme, une vieille histoire

D’aussi loin qu’on l’a documenté, il n’y a jamais eu qu’un seul féminisme. Il y a toujours eu plusieurs groupes de femmes militantes pour leurs droits, ayant leurs propres revendications. Toutefois, toutes les femmes, quel que soit leur genre, gardent un ennemi commun : le patriarcat. Dans l’idée, l’abolition des mécanismes de domination en général, ou le droit à disposer de son propre corps sont donc des luttes communes aux féministes de tout bord. Dans la réalité, c’est plus complexe que cela.

Karine Espineira est sociologue des médias et coauteure avec Maud-Yeuse Thomas de l’ouvrage Transidentités et transitudes. Elle explique à 20 Minutes que l’histoire entre les personnes trans et une partie des féministes est « parsemée à la fois d’incompréhensions et d’envie de comprendre » depuis des décennies.

« La transitude, soit le fait d’être trans, a été perçue comme une marginalité dans les années 1960, a glissé en question de société à la fin des années 1970 et est devenue un mouvement social dans les années 2000 », explique-t-elle

Une convergence des luttes est-elle possible ?

Une convergence des luttes trans et féministes est-elle envisageable ? Il y a certes des objectifs communs dans les deux camps. Mais certaines revendications ne semblent pas compatibles entre les deux groupes. D’où la violence qui déferle sur les réseaux sociaux ces derniers temps. On pourrait penser que ce moment de clarification ouvre aussi l’espace d’un nouveau dialogue entre les militantes. À condition bien sûr que chaque camp écoute et comprenne leurs divergences.

Pour que les revendications de chaque groupe féministe soient prise en compte, plusieurs étapes sont nécessaires. C’est du moins ce qu’avance la chercheuse Maud-Yeuse Thomas. La première étape serait un travail interne dans chaque groupe féministe :

« Le temps de non-mixité dans lequel on discute de nos questions, de nos histoires, de comment on se nomme, est socialement, politiquement et économiquement très important pour pouvoir se définir et ne pas être phagocyté par le fait que quelqu’un parle à notre place »

La deuxième étape serait donc le temps du dialogue avec d’autres groupes. Ce qu’elle appelle un « débat démocratique ». La chercheuse perçoit ensuite la dernière étape comme « le dépassement de sa propre cause ». Pour la philosophe Geneviève Fraisse, il n’y a rien d’anormal à ce que le mouvement féministe soit traversé de divergences. C’est même plutôt bon signe.

« C’est un signe de bonne santé politique, nous sommes suffisamment nombreuses pour être en désaccord », souligne Geneviève Fraisse à l’AFP

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Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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