Si la génération qui les précède a grandi avec Harry Potter, les personnes nées entre 1997 et 2010 ont commencé à jouer aux jeux vidéo dès l’école primaire. Elles ont été habituées au téléphone portable dès l’entrée au collège (si ce n’est plus tôt), et ont appris à explorer, seules, les univers de « la Tech ». Celles et ceux qu’on appelle les « digital natives » et qui se sont orienté.e.s vers les études du numérique sont prisé.e.s par toutes les entreprises. Avec les offres d’emploi qui explosent, et la digitalisation qui se pérennise dans tous les secteurs, on pourrait penser que la Tech a tout bon. Et pourtant on n’y retrouve que 20 % de femmes… alors que les entreprises du secteur sont en demande de profils féminins.
Tribune de Denys Chomel, co-fondateur d’HETIC – école de la tech et des métiers du digital.
Tout est Tech
En 2021, il est rare d’être confronté.e à des métiers qui n’ont pas encore été impactés par les nouvelles technologies. « Travailler dans le web » ne veut plus dire grand-chose, tant la diversité des métiers est immense. Tous les métiers de création de contenus par exemple, sont directement reliés à des indicateurs de performance. Impossible de faire son chemin sans connaître ces nouvelles règles dictées par les cookies et de manière plus globale par le web marketing. Tous les rouages organisationnels de l’entreprise sont passés, ou vont passer, à des process digitaux ; il n’y a pas un seul métier qui restera en dehors.
La communication, de la stratégie au rédactionnel, est entièrement modelée aujourd’hui par la logique d’acquisition, de fidélisation et de conversion digitale. Le marketing est devenu un système implacable et d’une précision inconnue jusqu’à maintenant par les remontées d’infos des dispositifs en ligne et leur lecture possible par les analytics et les différents outils qui font la réussite et l’impact du web marketing.
Le design se diversifie et devient un « Design d’expérience » qui marie conception, sociologie, ergonomie et graphisme. L’urgence est donc de se former ou de se reformer pour pouvoir travailler avec une bonne compréhension de cet environnement de travail en mutation permanente. D’ailleurs, le monde de l’éducation l’a bien compris puisque l’éveil au codage et à la culture digitale commence dorénavant dès le primaire. Le code est devenu la première langue universelle : une ligne de code est la même à Pékin, Johannesburg, Paris… et le code, au contraire du texte, n’a pas de genre…
L’Eldorado n’attire que 20 % de femmes…
S’il y a encore une telle disparité de vocations, c’est peut être parce que les femmes craignent que l’ambiance de travail de la Tech ne reproduise les usages du secteur de « l’informatique », caricature masculiniste, que ce ne soient pas des métiers de « l’humain » et qu’elles appréhendent de passer leur vie esseulées devant leur ordinateur. La réalité est tout autre : la transformation digitale passe d’abord et surtout par une remise à plat des organisations du travail et dans ce nouveau système, les vieux attributs du pouvoir masculin volent en éclat.
Les entreprises de la Tech ont des progressions d’effectifs parfois fulgurantes et il y a beaucoup d’opportunités de carrière dans la gestion humaine de ces entreprises. À la condition exclusive de comprendre la Tech et « d’aimer les gens » ou… d’aimer la Tech et de comprendre les gens !
Et pourtant …
De plus en plus de femmes prennent conscience du champ des possibles avec ces métiers dit de la Tech. Les salaires y sont nettement plus élevés et les évolutions de carrières bien plus rapides que dans n’importe quel autre secteur. Ces entreprises sont encore plus en tension que des filières historiquement sous pression telles que la restauration ou le bâtiment ! Les écoles qui forment à ces métiers sont toutes en recherche de filles pour arriver à la parité de leurs effectifs, les entreprises annoncent presque toutes des préférences à l’embauche pour les femmes.
La Tech est probablement l’activité où la parité des salaires et des progressions de carrières est la plus égalitaire au mérite. Conscient que ce déséquilibre limite le potentiel des équipes, et nuit à leur Responsabilité Sociétale des Entreprises, les entreprises du digital cherchent à favoriser l’embauche de femmes et sont prêtes à payer plus cher les filles que les garçons. Les grands groupes, particulièrement, s’inquiètent de cette disparité et se mobilisent pour essayer de susciter des vocations féminines.
De nombreuses initiatives existent
Certaines depuis des années pour convaincre la gent féminine de l’attrait des métiers du web et du digital en général. Des colloques, Forums et tables rondes au niveau local ou mondial traitent de la place des femmes dans le digital comme Femmes du numérique ou « La journée de la femme digitale« .
Des livres racontent le possible : « Elles ont réussi dans le digital« , le sujet revient régulièrement dans la presse, le syntec, syndicat professionnel de la branche en fait une de ses priorités et multiplie les actions. Des structures font de l’évangélisation dans les lycées entre autres pour expliquer aux jeunes filles les débouchés et l’opportunité qui s’ouvrent à elles comme Girls connect, WiFille, ou encore Girlsin Web ou très récemment Ada Tech School…
Un scénario optimiste (et probable) dit que c’est juste une histoire de temps en fait, et qu’il suffit d’attendre que les choses se normalisent petit à petit, avec les écoles dans un premier temps puis les fonctions qui s’équilibreront doucement. Les entreprises ont besoin de diversité, de multiculturalisme et de parité pour bien fonctionner, et donc, de femmes. Les entreprises de la Tech sont prêtes. Vraiment. À vous de jouer…