L’émancipation des femmes passe aussi par la coiffure

La coiffure afro au naturel, la boule à zéro ou encore la queue de cheval ne se réduisent pas à des mouvements esthétiques. Elles peuvent être aussi de véritables outils d’émancipation féminine. Les coupes de cheveux sur les femmes et les minorités de genre sont en effet des manières de bousculer les critères normatifs d’une féminité. Zoom sur quelques coiffures qui ont développé l’histoire des mouvements sociaux et des féminismes en particulier.

La coupe au carré des années folles

Guidées par les voix du matriarcat, les Jeanne d’Arc des temps modernes se sont exposées dans le milieu artistique des années 20, arborant avec fierté le carré court, lissé ou cranté. C’est dans ce contexte des années folles que le polonais et avant-gardiste Antoni Cierplikowski a popularisé le bob haircut, en coiffant des stars comme la Première dame Eleanor Roosevelt, l’actrice Greta Garbo, mais aussi Coco Chanel.

Cette coupe « à la garçonne », stricte et légère, donne l’air d’une femme forte et indépendante. Ce qui a continué de séduire de grandes influenceuses du siècle : Louise Brooks, Édith Piaf, Brigitte Bardot, en passant par les actrices Marlène Dietrich, l’artiste et résistante Joséphine Baker, ou encore l’espionne Mata Hari.

Aujourd’hui, cette coupe se renouvelle perpétuellement, mais on associe toujours le classique bob haircut à des actrices de cinéma de la nouvelle vague comme Anna Karina, Jeanne Moreau ou encore Amélie Poulain, Mia Wallace (Pulp Fiction) et Winona Ryder.

La coiffure afro au naturel

Le mouvement capillaire prônant la coiffure afro, né aux États-Unis dans les années 1960, est aussi le début du mouvement « Nappy » – contraction de « naturel » et « happy » – qui libère les chevelures afros des lissages, tressages et autres tissages. Certaines techniques de défrisage peuvent en effet être dangereuses pour les femmes noires.

C’est pour cela, entre autres, que le terme « nappy » indique toute la prise de pouvoir des femmes qui laissent leurs cheveux crépus, frisés ou bouclés. Être Nappy, c’est ainsi être fier.ère de ses origines et de son identité. La sociologue martiniquaise Juliette Sméralda explique en ce sens :

« Se défriser, c’est faire la preuve de son aptitude à devenir un sujet socialement adapté (…) au modèle occidental. »

L’interdiction de montrer sa chevelure afro remonte à l’histoire de l’esclavage. Mais c’est à Harlem avec le courant « Black is beautiful » (1962) que les revendications se sont fait entendre. Son symbole était un peigne, qui termine sur un poing noir. L’émergence du parti des Black Panthers a également joué un rôle dans les années 70, notamment avec la figure emblématique de la lutte afro-féministe Angela Davis. Elle arborait fièrement sa coupe afro avec les autres membres du parti, afin de montrer leur refus de se plier aux règles des blanc.he.s.

Puis des personnalités comme Aretha Franklin, Diana Ross, Donna Summer ou encore Whitney Houston ont contribué à changer les mentalités. Malgré cela, les cheveux afros au naturel ne sont toujours pas acceptés dans tous les domaines. On pense notamment au monde occidental du travail, du cinéma, etc. Des emblèmes du mouvement nappy continuent à lutter pour la fierté afro, comme l’actrice Aïssa Maïga, l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie, la présentatrice Oprah Winfrey, Solange Knowles et bien d’autres.

La boule à zéro

En remontant à l’Antiquité, on découvre que le crâne rasé des Égyptiennes était la condition pour porter la perruque et un modèle d’élégance. Lors de la chasse aux sorcières de Salem, les crânes de ces femmes ont été rasés pour que des hommes puissent y chercher la « marque des sorcières ». Après la Seconde Guerre mondiale, ce rasage continuait d’être un outil d’humiliation surtout pour les femmes, et celles qui étaient accusées de « collaboration horizontale » avec l’ennemi allemand. Elles ont été tondues en public, exhibées dans les rues de Paris.

La boule à zéro en tant que revendication de liberté, d’émancipation des codes de beauté féminins arrivera plus tard. Se débarrasser de sa chevelure en tant que femme reste aujourd’hui souvent suspect aux yeux de la société. On pense à Britney Spears ce fameux 16 février 2007, lorsqu’elle s’est rasé la tête sous l’œil des paparazzis et qu’ils ont magnifié son action comme une folie hystérique. Aussi, la journaliste Clémentine Gallot écrivait pour Libération que les femmes à tête rasée représentaient dans le cinéma de fiction « des héroïnes à la marge : taulardes, skinheads ou mourantes ».

Se débarrasser de ses symboles de féminité pour se mettre à nue, c’est mal vu. Skin, leadeuse du groupe de Brit-rock Skunk Anansie des années 90, qui respirait la rebelle assumée, a arboré la boule à zéro avec fierté durant toute sa carrière. Plus tard, l’actrice Rose McGowan a incarné la détermination et l’insoumission des femmes, en rendant publiques les agressions de la part d’Harvey Weinstein. Elle écrivait dans le magazine i-D :

« Me raser le crâne était pour moi un cri de guerre »

La queue de cheval : la fille modèle réappropriée

À l’origine selon le magazine de mode i-D, cette coiffure apparaissait déjà dans la Grèce antique, et a été popularisée dans le XXe siècle avec des emblèmes de la féminité comme Barbie de Mattel ou encore Audrey Hepburn.

Pour la BBC, c’est avec Madonna que la queue de cheval est devenue un « synonyme d’autonomisation des femmes », dans les années 90. En chantant des chansons aux paroles sexualisées comme dans « Like A Virgin », la chanteuse a adopté un look de petite fille modèle, notamment avec sa coiffure.

Plus tard, on retrouvera cette coiffure chez plusieurs d’artistes emblématiques d’un « girl power », telles qu’Arianna Grande, les Spice Girls, ou encore les chanteuses punks des Riot Grrrl ! En arborant ces looks infantiles, elles mettent alors en lumière la sexualisation des jeunes filles dans le patriarcat. De l’innocence à la provocation.

Longs ou courts, colorés ou naturels, attachés ou détachés… c’est finalement se montrer tel.le que l’on est. Aviez-vous conscience qu’une coupe de cheveux avez cet aspect féministe ? Ça vous a donné envie d’une nouvelle coupe justement ? Venez en discuter sur notre forum !

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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