Les violences faites aux femmes existent encore. Le collectif « Féminicides par Compagnons ou ex » a d’ailleurs, fait état de 113 féminicides en France en 2021. Un chiffre supérieur à celui de 2020. Depuis le début de l’année 2022, 10 féminicides ont déjà eu lieu. Alors que cette cause devrait être une priorité pour toute notre société, de nombreux médias minimisent ces violences et effacent la responsabilité des meurtriers dans leurs écrits.
Afin de briser cette incapacité médiatique d’utiliser les bons termes, Sophie Gourion, journaliste web et féministe, compile et dénonce sur son Tumblr les articles au langage édulcoré qui réduisent les violences conjugales à des « drames familiaux » et de simples « disputes ayant mal tourné ».
Un Tumblr qui dénonce l’incapacité des médias à employer les mots justes
Alors qu’en France, le « crime passionnel » d’un homme à l’égard d’une femme n’a plus de valeur juridique dans le Code pénal depuis 1975, les expressions journalistiques qui minimisent la réalité des violences persistent dans les médias. « Passion dévorante », « crime passionnel », « excès amoureux », « drame familial » tant de termes encore employés en 2022.
Face à ça, une réponse, efficace, percutante et engagée : le Tumblr de Sophie Gourion, Les mots tuent. Un compte, créé en 2016, dans lequel elle recense tous les articles de presse qui banalisent les violences envers les femmes.
Grâce à cette initiative, elle redonne ainsi toute la reconnaissance nécessaire aux victimes et met en lumière l’impartialité des médias.
« Après avoir passé plusieurs mois à dénoncer sur Twitter, avec d’autres féministes, le traitement journalistique des violences sexistes et sexuelles sans grand effet, je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen plus efficace pour sensibiliser l’opinion publique. Mes objectifs : mobiliser au-delà du cercle des militant.e.s, forcément convaincu.e.s , démontrer l’aspect systémique de ce traitement journalistique et sensibiliser les rédactions. Bien plus que de simples « perles » de journalistes, c’est en effet une véritable guerre du langage qui est ici à l’œuvre », explique Sophie Gourion dans une interview avec Les nouvelles news
Des expressions qui banalisent le meurtre
Malgré les multiples dénonciations sur ce compte et les 11 recommandations établies par le collectif Prenons la Une, pour traiter sans sexisme des violences exercées contre les femmes, la mauvaise médiatisation de ces sujets reste encore, malheureusement d’actualité.
L’objectivité et le factuel sont les maîtres mots dans le métier de journaliste. Pourtant, certains termes encore employés impliquent des positions subjectives et banalisent les faits. L’expression « drame conjugal » en est un exemple.
« Le mot « drame » est issu du champ lexical du théâtre : ce terme n’est pas une expression neutre, il fait appel à l’affect et à l’émotion. Il a pour but de romantiser l’horreur du crime pour attirer la compassion. Le meurtrier n’est plus un homme violent, mais presque un héros de roman, pris dans les turpitudes de la passion ou de la jalousie. Il tue malgré lui », poursuit Sophie Gourion
Toutefois, comme l’explique Sophie Gourion, depuis la création de ce site en 2016, certaines rédactions prêtent plus attention à la manière dont ils écrivent et tendent une oreille plus attentive à la cause féministe.
« Depuis la création du Tumblr, j’ai pu constater que les rédactions corrigeaient beaucoup plus fréquemment les titres problématiques après avoir été interpellées sur Twitter, ce qui est globalement positif. Elles ont également moins souvent recours aux termes « crime passionnel » ou « drame conjugal » », explique-t-elle
À ce jour, le tumblr « Les mots tuent » contient plus de 300 articles. Et si de votre côté, vous avez repéré une publication qui vous choque par sa formulation vous pouvez l’envoyer à l’adresse lesmotstuent@outlook.fr, avec le lien de l’article. De quoi participer chacun.e à faire changer les mentalités !