La masculinité toxique, véritable cancer sociétal, a longtemps gangrené les mentalités. Mais cette virilité métastatique léguée par le patriarcat commence doucement à s’éteindre au profit d’une masculinité positive. Fini les démonstrations de force, la misogynie maladive et les relents de machisme, les hommes d’aujourd’hui descendent de leur piédestal pour faire avancer l’égalité des sexes.
Ils s’embarquent dans un travail introspectif à rebours des stéréotypes de genre. Bienveillante, ouverte et engageante, la masculinité positive guérit, à sa manière, les ravages de la phallocratie. En se « déconstruisant », les hommes deviennent les alliés des femmes et non plus leur détracteur.
La revanche des hommes « déconstruits »
La masculinité positive chamboule toutes les normes de la masculinité. Elle fait tomber l’empire du patriarcat comme un château de cartes. Elle fabrique des hommes « éveillés » qui n’ont pas peur de pleurer, ni de porter des chemises roses ou de lire du Virginie Despentes. La masculinité positive gomme les frontières du genre et fait cohabiter le féminin avec le masculin, au grand damne des mâles Alpha oxygénés à la testostérone.
En 2021, la candidate écologiste Sandrine Rousseau ouvrait une première brèche en parlant d’homme « déconstruit ». Un terme chargé de sens qui s’est attiré les railleries des macho-men endurcis de la toile. Certains internautes se sont empressés de partager des images de Lego démantibulés pour caricaturer ce concept.
Pourtant cette « déconstruction » n’a rien d’anecdotique, bien au contraire. C’est une sorte de parcours initiatique intérieur au cours duquel les hommes prennent conscience du sexisme et des enjeux d’égalité hommes-femmes. En bref, ils se détournent du modèle classique du « dominant-dominée » martelé dès le bac à sable. Ce travail de déconstruction, bastion de la masculinité positive, redessine des bases plus saines et équitables.
Des stars, porte-drapeau de la masculinité positive
La masculinité positive effrite ces clichés « nourriciers » qui prétendent qu’un homme se doit fort, protecteur, courageux, compétitif et impassible. Elle adoucit le portrait de l’homme « rempart » en allant au-delà des limites archaïques et restrictives de la société. La masculinité positive autorise les hommes à accepter leur vulnérabilité, à se barbouiller le visage de produits de beauté et à prendre soin de leur santé mentale, sans remettre en cause leur dignité.
Pour poser un visage sur la masculinité positive, il suffit de s’intéresser à l’étoile montante du cinéma : Timothée Chalamet. Il est l’incarnation même d’une masculinité plus sage et libérée. Verso du « bad boy » effronté et imbu de sa personne, Timothée Chalamet n’hésite pas à glisser dans le vestiaire féminin lors de ses apparitions publiques.
À la Mostra de Venise, il défiait le tapis rouge avec un dos nu en satin flamboyant. Mais sa masculinité positive ne s’arrête pas à son style « androgyne ». À l’écran aussi, il porte des personnages masculins dotés d’une certaine sensibilité et d’une rare pureté d’esprit. C’était le cas dans le film Call me by your Name par exemple.
Un pied de nez à la masculinité toxique
La masculinité toxique est un poison lâché dès l’enfance à coup de « fais pas ta fillettes, arrête de chouiner” ou de « un garçon ça joue pas à la poupée, ça se castagne ». Cette virilité radicalisée façonne des hommes qui pensent que la violence a réponse à tout. La blogueuse féministe Amanda Marcotte, à l’origine du terme, définit la masculinité toxique comme « un modèle spécifique de la virilité, orienté vers la domination et le contrôle”.
Une ligne de conduite largement infusée dans les salles obscures. James Bond, l’espion le plus connu du 7e art, est un pur produit de la masculinité toxique. Il prend les femmes pour ses « soubrettes », dénigre leur potentiel et se complait dans la « baston ». Et ce n’est pas le seul à banaliser cette virilité régressive.
Elle se déploie dans la publicité, l’éducation, la pop culture à la manière d’une tumeur invincible. Au-delà de nuire à la quête identitaire des hommes, la masculinité toxique ne fait qu’entretenir les fléaux que sont le viol, le harcèlement sexuel, le crime conjugal et l’homophobie. À contrario, en favorisant l’empathie, l’attention et le respect, la masculinité positive ouvre la voie à des comportements plus matures et raisonnés.
Loin de là l’image du gros dur au mental d’acier qui excelle dans l’art de l’intimidation. La masculinité positive s’écarte des influences perverses de la société pour se recentrer sur des valeurs propices à l’harmonie collective. Elle fait tomber les étiquettes et suggère aux hommes de créer plutôt que détruire.
Une passerelle vers l’égalité hommes-femmes
Malgré les innombrables hashtags estampillés d’un « balance » et la fièvre dénonciatrice post MeToo, le sexisme fait toujours rage sur le sol français. Le bilan rendu par le dernier rapport du Haut Conseil à l’Égalité fait même froid dans le dos. D’après le document, 23 % des hommes de 15 à 34 ans estiment, par exemple, qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter. La masculinité positive, encore discrète dans la sphère médiatico-politique, pourrait-elle faire basculer ces chiffres ? Difficile à dire à l’heure où les incels et les sectes virilistes sévissent en ligne.
Mais l’espoir n’est pas mort. La masculinité positive a déjà fait ses preuves dans d’autres pays. En novembre 2021, six chefs d’État Africains ont participé à un sommet inédit : la Conférence des hommes sur la masculinité positive. Ils ont décidé d’impliquer les hommes dans le combat pour l’égalité hommes-femmes. Ce ne sont donc plus aux femmes de se protéger, mais aux hommes de se rééduquer.
La masculinité positive, déjà en pratique dans certains pays
Souvent cantonnée au militantisme féministe, la masculinité positive tend à se faire une place dans les rangs politiques. En République démocratique du Congo, cette notion existait avant même qu’on lui trouve un nom. Depuis 2010, le Congo Men’s Network tente d’inverser les mentalités des hommes à travers des ateliers de sensibilisation. Cependant, le pays manque encore de recul pour constater de réelles avancées.
Mais selon une étude menée par Promundo, une ONG qui promeut les masculinités et les relations bienveillantes entre sexes, la masculinité positive aurait tout intérêt à se diffuser massivement. Grâce à elle, il serait possible de réduire la violence sexuelle d’au moins 69 % d’éliminer 41 % des accidents de la circulation et 40 % des brimades et violence aux États-Unis.
Comment développer sa masculinité positive ?
Les « Johny Bravo » et les « OSS117 » de premier choix peuvent se rhabiller, la masculinité positive fait tomber les tas de muscles et les cœurs de pierre à ras de terre. Le parcours pour réveiller sa masculinité positive est assez personnel.
Il dépend de chaque individu. Si la personne a été biberonnée aux clichés sexistes, l’ascension sera forcément plus longue et fastidieuse. Mais avec quelques coups de pouce, il finira par s’affirmer. En voici 4 :
1 – Laisser libre cours à ses émotions
La masculinité toxique vante un mâle solide comme un roc, hermétique à tous types de douleurs, physiques ou mentales. Mais contrairement à ce que les croyances revendiquent, les hommes ne sont pas imperméables aux émotions, loin de là. Ils restent humains avant tout.
Une étude parue dans la revue Nature prouve d’ailleurs que les émotions n’ont rien à voir avec les facteurs biologiques. Les hommes n’ont donc pas besoin de ravaler leur larme ni de se forger une armure sociale en béton.
2 – S’ouvrir aux contenus féministes
La masculinité positive s’inscrit en lettre capitale dans la mouvance féministe. Et puisque les manuels scolaires éclipsent volontiers les exploits des femmes, des contenus engagés et engageants les remettent à leur juste place.
Alors pour affûter leur pensée féministe, les hommes peuvent compter sur des livres éclairants à l’instar de « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » de Mona Chollet ou de podcast captivant tel que « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon.
3 – S’octroyer des moments bien-être
Qui a dit que les hommes devaient se laver de la tête aux pieds avec une simple brique de savon ? La masculinité positive propose à ces messieurs de prendre du temps pour eux et de se bichonner.
Si la masculinité toxique relègue ces petits soins à un « impératif féminin », ici ils se greffent fièrement entre la mousse à raser et le pento. Qu’il s’agisse d’un bon bain moussant ou d’un masque chocolaté, les hommes « déconstruits » prennent les rênes de leur bien-être sans arrière-pensée nocive.
4 – Soutenir les femmes au quotidien
La masculinité positive s’exprime aussi dans une ferme solidarité avec les femmes. Et elle ne se traduit pas seulement par le partage des tâches ménagères. La masculinité positive incite aussi les hommes à reprendre leurs amis en cas de blagues grivoises mal placées et à agir si une femme se fait importuner. En appliquant ces réflexes, les hommes servent de « role-modèle » et deviennent ainsi acteurs du changement.
Selon un sondage IFOP de 2022, 54 % des hommes s’estiment « déconstruits ». Cependant, la majorité des répondants voit en cette masculinité positive une opportunité de séduction. La masculinité positive, supposée rompre la guerre des sexes, se vide donc peu à peu de sa substance.