Il n’y a pas un seul type de féminisme, mais bien plusieurs. Certains courants sont rationnels et pondérés tandis que d’autres sont un peu plus incisifs. Le néo-féminisme, forme contemporaine de militantisme, lui, est régulièrement décrié. Jugé trop agressif et extrémiste, il est rarement couvert d’éloges. À chaque fois qu’il ressort, que ce soit entre les lèvres des politiques ou des philosophes, il est associé à des qualificatifs pas vraiment glorieux. Même si le terme est encore enveloppé d’un flou, il est inlassablement pointé du doigt. Mais les néo-féministes, qui ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’onde que Simone de Beauvoir, mettent-elles vraiment en péril la cause des femmes ?
Les néo-féministes, qui sont-elles ?
Le mouvement féministe n’en finit pas de s’étoffer. Si la plupart des courants qui se sont créés ont été accueillis avec enthousiasme, il en est un qui reste mal-aimé. Il s’agit du néo-féminisme, qui regroupe une nouvelle génération d’activistes. Même si ce néologisme semble assez récent, en réalité il trouve sa source dans les années 70. Dès ses premières évocations, il suscitait déjà des critiques acérées. D’ailleurs, il s’est fait connaître entre les lignes de « Lâchez tout », un essai corsé de Annie Le Brun, sorti en 1978. Dans cet ouvrage accusateur, elle ne fait pas vraiment une bonne publicité aux néo-féministes. Elle les décrit comme des « meutes hurlantes », aux pratiques totalitaires. Les néo-féministes ont été directement hissées en « bêtes noires » du féminisme.
Le terme néo-féminisme est régulièrement utilisé par les conservateurs qui refusent le féminisme actuel. « Puritain, victimaire et sexiste » pour le média Le Figaro, une idéologie qui « criminalise le désir masculin » pour Sud Radio. Les néo-féministes sont inlassablement prises en chasse par des personnalités, qui campent à droite et sont nées sous De Gaulle. « En France les néo-féministes se comportent comme si elles avaient une revanche terrible à prendre. Cette haine envers les hommes finira mal », évoquait Elisabeth Badinter sur France Inter. L’épouse de l’ancien ministre de la Justice avait, dans la foulée, tenu des propos « chocs » sur les femmes victimes de viol.
L’intellectuel Alain Finkielkraut, avait lui aussi, fait la peau à ce terme, qu’il décrivait comme une « sorte de totalitarisme ». Le philosophe traîne également quelques casseroles. Rappelons qu’il avait « minimisé » le viol incestueux révélé dans l’affaire Duhamel et qu’il avait traité les féministes de « mauvaises joueuses ». Prises à partie par les réactionnaires, les anti-féministes écopent de l’étiquette anti-hommes immodérées qui s’apitoient pour arriver à leurs fins. Mais est-ce une définition viable ? Pas sûr…
Pourquoi les néo-féministes sont si mal vues ?
Si les anti-progrès devaient tirer un portrait des néo-féministes, ce serait des femmes incendiaires qui cherchent à éradiquer les hommes du paysage et à reprendre le pouvoir par la force. Dépeintes en « monstres d’un Occident malade » dans les colonnes d’une tribune du Figaro ou en « sorcières déguisées« , les néo-féministes sont sans cesse discréditées et dépeintes sous des mots lourds. Mais pourquoi un tel acharnement ? Si les néo-féministes ont une réputation aussi médiocre, c’est en partie parce qu’elles sont vues comme des « misandres sauvages ». C’est-à-dire des femmes qui ont une aversion prononcée pour la gent masculine. Comme le décrit la journaliste et romancière Tristane Banon au média belge l’Echo, le mouvement néo-féministe « diabolise et exclut les hommes ».
Certains noms comme celui d’Alice Coffin reviennent régulièrement sur le devant de la scène pour dénoncer le caractère virulent et soi-disant dangereux du néo-féminisme. L’élue parisienne EELV, qui s’investit aussi énergiquement dans la cause LGBT+, est le pire cauchemar des conservateur.rice.s. Auteure de l’essai « Le Génie lesbien », un récit adroit et musclé sur la domination masculine, elle est considérée comme la figure de proue du néo-féminisme. Mais son livre, qu’elle a écrit au nom des femmes, n’a fait que raffermir la grogne autour de ce féminisme « affirmé ».
« Il faut, à notre tour, les éliminer », évoque-t-elle au sujet des hommes. « Les éliminer de nos esprits, de nos images, de nos représentations », préconise Alice Coffin dans son manifeste
La politique, pyromane des controverses, ne prône pas l’égalité homme-femme dans sa forme « pure ». Elle opte pour une approche plus catégorique, tournée sur la guerre des sexes. Une opportunité en or pour taper sur le néo-féminisme et faire d’un seul récit, une généralité. Toutes les néo-féministes ne sont pas vent debout contre les hommes. D’ailleurs, aucune définition officielle n’existe à leur sujet. Ainsi, chacun.e y va de son propre diagnostic.
Un terme qui a été volontairement diabolisé
Dès qu’une femme parle un peu fort, descend dans la rue pour clamer ses droits, dénonce un agresseur ou se soulève pour défendre l’avortement, elle récolte le titre de néo-féministe. C’est un néologisme fourre-tout, dégainé à tort et à travers pour transformer les femmes en bouc émissaire. Le terme néo-féminisme, lui-même, s’est forgé entre les mains des détracteurs du féminisme, comme un piège sur-mesure. Annie Le Brun s’en est ainsi servi avec une tonalité frondeuse, pour dénoncer le soulèvement, pourtant sain et légitime des femmes à l’aube des années 80.
Le néo-féminisme est un concept brumeux qui caractérise surtout l’évolution du féminisme et de ses revendications. En général, celles et ceux qui s’opposent aux néo-féministes font partie d’un siècle révolu. Une époque où les femmes pouvaient à peine broncher. Alors, forcément, dès qu’une femme moderne prend la parole pour dénoncer une injustice, elle est présentée en « néo-féministe » irrationnelle. Finalement, cette répulsion des néo-féministes illustre un clash des générations latent. Les anciens regrettent le temps d’avant tandis que les jeunes se mobilisent avec intensité pour un avenir plus paritaire.
Contrairement à ce que la plupart des médias avancent, les néo-féministes ne sont pas des femmes enragées qui cherchent à se venger de ces années d’étouffement. Tout est régulièrement mis en œuvre pour diviser les femmes entre elles et les inscrire dans des cases. C’était déjà le cas avec le complexe de la mauvaise féministe.