Un nouvel hashtag militant féministe est apparu en France cet été pour héberger les témoignages de personnes qui dénoncent les violences sexistes et sexuelles subies. Ce que « #NotAllMenReally » apporte de nouveau ? Cet hashtag de libération de parole démontre sous forme de liste le nombre exorbitant de violences qu’une minorité de genre subit tout le long de sa vie. Ce sont des mini-autobiographies, sans filtre, mettant en lumière l’urgence de changer les choses.
« Pas tous les hommes, vraiment ? »
« Not All Men, Really ? » pourrait se traduire en français par « Pas tous les hommes, vraiment ? ». Ce compte Instagram a été créé le 27 juillet 2021, suite à une émergence de publications sous le hashtag #NotAllMenReally. En effet, il y a quelque mois, des minorités de genre ont témoigné sous forme de liste de leurs violences sexistes et sexuelles subies, du premier souvenir au dernier.
Le témoignage qui aurait lancé le mouvement provenait de « Mashasexplique ». Son âge, deux points, agression subie. Âge suivant, deux points, nouvelle agression. Sur ce même schéma, les témoignages affluent très vite, de plus en plus de personnes présentent des vies remplies d’agressions sexuelles, de viols et d’incestes répétitifs.
Trois créatrices de contenus militants féministes se sont donc associées pour récupérer ces témoignages quotidiens de violences. Il y a Sabrina Erin Gin, autrice et juriste derrière le compte Olympe de rêve, Aliona, une artiste derrière le compte La prédiction, et Capucine Coudrier derrière le compte Ovaires the rainbow. Actuellement, près d’une dizaine de bénévoles s’occupent de recueillir les témoignages et de les retranscrire sur le compte Instagram.
Aujourd’hui, soit à peine un mois après sa création, le compte a déjà réuni plus de 300 témoignages, de femmes, de filles, et de quelques personnes issues de la communauté LGBTQIA+. Il compte plus de vingt mille abonné.e.s.
Des témoignages non censurés, glaçants
« Sous ce #NotAllMenReally, c’est ce cri, le cri de centaines de femmes et minorités de genre, dont les violences commencent pour certain.e.s dès 3 ans. Par ailleurs, on sait que des violences sexistes, comme les mutilations intersexes commencent dès la naissance », alarme le collectif #NotAllMenReally
Sur le compte Instagram, la plupart des témoignages sont glaçants, non censurés. Les mots employés par les victimes sont crus, sincères, durs. Chaque publication est alors précédée par le sigle « TW » (Trigger Warning), afin d’avertir les personnes que le contenu publié aborde un sujet sensible, pouvant choquer ou ranimer un traumatisme.
Les personnes qui témoignent, comme les agresseurs, sont maintenus anonymes sur la plateforme. Il n’y a aucun nom ni adresse des personnes concernées par ces violences sexistes et sexuelles, afin de les protéger. Le collectif #NotAllMenReally explique « qu’immédiatement après avoir témoigné, après avoir accusé les hommes de rester silencieux face à ces violences, de détourner le regard, de refuser de constater l’ampleur de la réalité, voire d’y participer plus ou moins allègrement, elle [Sabrina Erin Gin] a dû faire face une vague de harcèlement. »
Il faut beaucoup de courage pour écrire et partager son propre récit. La militante féministe derrière le site « D’où interjection » raconte :
« C’est dur d’écrire cette liste. C’est à la fois empouvoirant de mettre des mots, de décrire, de constater qu’on n’est pas seule, loin de là. De voir ce qu’on a traversé. Mais en même temps non, c’est horrible et terriblement vulnérabilisant. Cet effet de masse, bordel. Ce constat qu’on a toutes vécu des choses similaires aux mêmes âges, au point que ça sonne comme des rites de passage. Ça fout la gerbe et les larmes et la haine. »
L’origine de « pas tous les hommes »
C’est l’activiste afro-américaine Tarana Burke qui est à l’origine du mouvement #MeToo (« moi aussi »), en 2006. En 2017, il prend une ampleur internationale et engendre une réaction masculine violente sur les réseaux sociaux. Au lieu d’accueillir la parole des femmes et de s’indigner des violences dont elles témoignent, ces hommes détournent le #MeToo en #NotAllMen, pour mettre l’accent sur le fait que tous les hommes ne sont pas misogynes. Ou peut-être pour recevoir une médaille pour ne pas avoir agressé une femme ?
Cette année en France, la parole a continué de se libérer sur les violences sexistes et sexuelles, notamment au sujet de l’inceste, du viol sur mineur.e en France (#MeTooInceste) et des violences sexuelles homophobes (#MeTooGay). Le terme « Not All Men » reste aujourd’hui une des principales excuses que donnent les hommes lorsqu’ils entendent une plainte sur une violence exercée par un autre homme.
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