Si la langue de Molière est souvent encensée, elle n’est pas toujours utilisée à bon escient. Elle renferme des expressions sexistes à des années-lumière de la prose d’autrefois. Ces phrases à l’arrière-goût de patriarcat se sont pourtant tristement ancrées dans le vocabulaire de tous les jours. Des rengaines, en apparence, inoffensives qui sonnent en fait comme des insultes à la gent féminine. Larguées telles des bombes orales, elles font saigner les oreilles et imploser les nerfs. Pour entamer la page de l’égalité, il est temps de gommer ces 7 expressions sexistes du paysage littéraire français.
« Femmelette »
Pour les hommes, ce petit mot détonne fort sur l’égo. C’est d’ailleurs l’une des pires humiliations qui soient. Cette expression décrit généralement un homme sans bravoure ni audace. Autant dire que c’est une arme linguistique redoutable pour descendre la virilité du mâle Alpha. Selon la définition que la société en fait, c’est aussi dégradant que de pleurer en public ou de laisser aller ses émotions. Si au XIe siècle, le mot « Femmelette » se cantonne à une femme légère et ignorante, à partir du XVIIe siècle, il sert d’adjectif péjoratif pour désigner un homme peureux, aux antipodes du « gros dur ».
Un qualificatif qui induit qu’être une femme, c’est être aussi vulnérable qu’une petite brebis. D’ailleurs, sur les sites spécialisés, lorsqu’on cherche le synonyme de « lâche », le terme « gonzesse » s’esquisse dans le top. Un autre dérivatif qui suggère que les femmes n’ont aucune témérité. Une des expressions sexistes qui ne trouve d’ailleurs pas de pendant masculin. Le mot « homelette », lui, n’aurait pas vraiment de cohérence (sauf peut-être en cuisine).
« Avoir des couilles »
Les grands écrivains se retourneraient dans leur tombe en voyant comment la langue française a été estropiée au fil des années. Cette expression, qui ne vole pas très haut, associe les bourses de ces messieurs au courage. Autrement dit, il faut posséder deux ballotins entre les jambes pour prétendre à cette force d’esprit.
Alors dès qu’une femme brave les dangers et se montre résistante (soit quasiment sa fonction première), on dit qu’elle « a des couilles ». Ce qui sous-entend qu’elle a du cran. Pourtant, entre les douleurs incisives des menstruations et les post-partum douloureux, on aurait plutôt tendance à croire que la combativité se situe dans les ovaires. À bon entendeur.
« Porter la culotte »
Parmi les expressions sexistes les plus entendues, celle-ci se hisse en tête. Elle s’emploie pour désigner une femme qui tient le rôle dominant dans le couple. En résumé, c’est elle qui a toujours le dernier mot et qui prend les décisions tandis que son partenaire s’exécute en bon petit soldat. Pour l’anecdote, ce terme n’a pas grand-chose à voir avec les sous-vêtements. Au XVIIIe siècle, la culotte faisait référence à un pantalon à hauteur du genou qui était le propre des hommes.
Tout comme le barbecue à l’heure actuelle, cet habit était un étendard de virilité, un totem de l’autorité masculine. À cette époque, les femmes, elles, étaient confinées dans leur robe encombrante. La « culotte » d’autrefois indiquait donc le contrôle des hommes sur la femme. Si les modes ont changé, l’expression est restée intacte. Mais elle signifie que cette fermeté est surnaturelle dès qu’elle tombe entre les mains d’une femme.
« Garçon manqué »
Une fillette qui se complait à porter des costumes de Spider man et qui préfère les tournevis en plastique à la dinette sera tout de suite affublée de l’étiquette du « garçon manqué ». C’est comme si elle était née dans le mauvais corps et que ça s’apparentait à une tare. Ce terme dévoile en filigrane qu’être un garçon est plus élogieux qu’être une fille. Il induit que ce sexe est un précieux sésame.
D’ailleurs, comme le souligne un billet de « Osez le Féminisme », une fille qui a des intérêts dits masculins sera « bien vue » alors qu’un garçon qui se passionne pour les tutus de danse et les objets roses sera pointé du doigt. Une double perception qui place le chibre sur un pied d’estale. L’adjectif « manqué » insinue d’emblée un défaut de naissance. Voilà une des expressions sexistes qui raffermit encore les clichés de genre.
« Le sexe faible »
Parmi les expressions sexistes qui se sont gentiment encastrées dans le vocabulaire, celle-ci est certainement la doyenne. Elle fait écho aux textes bibliques et plus spécialement au péché d’Ève dans le Jardin d’Eden. Pour une simple pomme, la femme écope donc désormais du statut de « sexe faible ». Mais la religion n’est pas la seule à avoir façonné ce mythe de la femme « inférieure ».
Notre cher Aristote, qui occupe une fière place dans les programmes scolaires, était persuadé qu’une fatalité organique pesait sur la femme. Selon sa vision, la femme est un « brouillon raté » de l’homme, un prototype complètement médiocre. Pourtant, une étude américaine a largement dépoussiéré cette croyance. Selon les résultats, les personnes de sexe féminin sont plus coriaces que leurs homologues masculins devant les maladies et les famines. De quoi revoir le pronom « elle » à la hausse.
« Vieille fille »
Cet attribut de « vieille fille » renvoie à l’image caricaturale de la célibataire endurcie, entourée de ses chats qui cumule des années de néant sentimental. Comme le présage la pop culture, elle a aussi tendance à passer son temps en pyjama et à se négliger. Si jusqu’au XVIIIe siècle, ce n’était pas vraiment un drame, plus tard ce choix de vie se hissait en symbole d’échec. Ce terme possède désormais une connotation négative. Il déduit que pour accéder au bonheur, il faut forcément se frotter à la maternité et au mariage. Une perception très archaïque de l’épanouissement personnel.
Elle voit la construction d’une famille comme l’accomplissement ultime, la consécration d’une existence tout entière. D’ailleurs, le terme « vieille fille » oppose deux mots contraires. Le « vieille » renvoie à un âge dépassé tandis que le « fille » fait écho à une condition enfantine. En clair, c’est une femme qui serait immature dans sa tête, mais défraîchie physiquement. Pas très flatteur donc.
« La fée du logis »
Enfin, pour clore ce classement grinçant des expressions sexistes, en voilà une qui revient en boucle sous l’allure d’un compliment honorable. Le terme « fée du logis » émet l’hypothèse que les femmes sont dotées de super-pouvoir et qu’elles possèdent des compétences ménagères innées. Sauf que leur héroïsme réside seulement dans un balai et une serpillère.
Cette expression sous-entend que les femmes sont juste conçues pour sauver la maison des saletés. Si dans la bouche des autres le mot « fée du logis » peut se traduire par « tu tiens bien ton foyer », il cache surtout un rôle ingrat de souillon.
Ces expressions sexistes qui défigurent les avancées féministes ne sont qu’une partie visible de l’iceberg. La langue française est elle-même bâtie sur un amas de stéréotypes rétrogrades. Pas étonnant donc que le masculin l’emporte encore sur le féminin. Alors pour riposter à ces bavures de langage, n’hésitez pas à affûter vos punchlines.