Tout a commencé avec une vidéo micro-trottoir et désormais l’émoji « ours » s’esquisse sous toutes les publications, comme un totem militant. Lors d’une interview improvisée, un journaliste soumet un scénario un peu improbable aux passantes. Elles sont seules au milieu d’une forêt hostile, qui préfèrent-elles croiser entre l’homme et l’ours ? Sans hésiter, elles choisissent l’ours à l’unanimité. À en croire leur réponse, l’homme est un prédateur bien plus dangereux que le mammifère aux griffes acérées qui peut peser jusqu’à 800 kg. Puisque les hommes sont à des années-lumière des princes de conte de fées et se retrouvent régulièrement épinglés dans les pires faits divers, les femmes se replient sur l’ours. Sous son caractère anecdotique, cette question soulève un vrai débat de fond.
Les femmes et les ours, une histoire née sur TikTok
Sur la toile, vous avez peut-être déjà vu passer des têtes d’ours dans les commentaires sans en saisir le sens caché. Ce visage moelleux de teddybear fait irruption dès qu’il est question de viol, d’agression sexuelle ou de mâle Alpha. L’ours est devenu une icône féministe malgré lui et ce n’est pas parce qu’il incarne un animal cute et kawaï. Tout est parti d’une vidéo TikTok assez légère. En avril dernier, le média Screenshot HQ menait une enquête de rue avec un angle particulièrement singulier. À la différence des interviews conventionnelles, le journaliste interrogeait des femmes au hasard avec un cas pratique. « Préféreriez-vous être coincée dans une forêt avec un homme ou un ours ? ».
Contrairement à ce que vous pouvez croire, les femmes ne sélectionnent pas l’homme, qui est pourtant leur semblable. Elles répondent spontanément l’ours comme si le choix relevait de l’évidence. Elles lancent un vrai sujet de conversation sur « qui des deux est le plus féroce ? ». Les dix répondantes suggèrent que l’homme est plus à craindre que ce colosse velu qui peut pourtant facilement prendre les humains pour son quatre heures.
Selon elles, les hommes sont aussi sauvages et imprévisibles que l’ours, surtout lorsqu’ils se retrouvent à l’abri des regards face à une femme en détresse. Ils peuvent rapidement les prendre en chasse et en faire des proies, au même titre que ce seigneur des montagnes en costume de Balou. Les sondées préfèrent se faire tuer sur le coup par un ours plutôt que de se faire souiller par les salles pattes d’un homme avide de chair fraîche. Cette vidéo qui cumule 2,4 millions de vues a suscité de vives réactions, parfois très mitigées. Mais elle tire surtout un triste constat : dans l’esprit des femmes, l’homme est une menace.
@loopsider Ces femmes préfèrent-elles se retrouver seule avec un ours ou un homme ? C’est la question que se pose TikTok depuis plusieurs semaines, et la réponse est unanime… #manvsbear
Quand l’homme suscite plus la méfiance que l’ours
Si les femmes préfèrent la compagnie d’un ours plutôt que celle d’un homme au milieu des bois, ce n’est pas par mignonnerie. Elles ne sont pas dupes. Elles savent que les ours de la vraie vie ne ressemblent pas au gentil Paddington ou aux peluches coquettes vendues au rayon enfant. Or, comme elles le soulignent, les hommes ne sont pas les « sauveurs » souvent dépeints dans les Disney. Une bête impitoyable hiberne parfois au fond d’eux.
Selon leurs expériences personnelles et les faits divers qui rythment l’actualité, ces femmes sont persuadées qu’il peuvent être plus sauvages que le plantigrade rugissant. L’ours est en fait une métaphore pour dénoncer la violence masculine. Ce mammifère imposant n’attaque pas par plaisir, mais parce qu’il flaire le danger, à la différence de certains hommes, qui piègent les femmes et leur font la misère avant de s’en débarrasser.
« Sur les 750 000 ours bruns d’Amérique du Nord, moins d’une personne se fait attaquer par an. Tandis que les hommes âgés de 18 à 24 ans sont 167 fois plus susceptibles d’attaquer une personne », défend une internaute
De l’autre côté, les hommes prennent cette tendance à rebrousse-poil. Visiblement, le fait que les femmes préfèrent l’ours les mettent en rogne et piquent leur égo. Ils dégainent alors le « not all men » et dénoncent un effet de groupe. Ces mesdames seraient-elles des moutons de Panurge ou simplement rationnelles ? Quoi qu’il en soit, elles ont des arguments imbattables dans leur besace. En voici un florilège.
J’vais continué à le crier bien haut et fort
OUI les femmes ont PEUR des hommes et préfèrent largement se retrouver face à un ours ou un animal féroce plutôt qu’être face à certains d’entre vous
OUI les femmes ont PEUR des hommes car c’est pratiquement TOUJOURS des hommes
OUI…— Cam (@Capxnce) May 4, 2024
Et avec l'affaire Mazan certains hommes auront encore du mal à comprendre les femmes préfèrent être seule avec un Ours en pleine forêt plutôt qu'avec un homme.
Not all men, d'accord mais ça commence à faire beaucoup de monsieur tout le monde.
— 💮⚖️🏹💮Θέμις💮🏹⚖️💮 (@AnaEraCavendish) September 6, 2024
L’ours, nouvelle égérie du féminisme ?
Le visage de l’ours, en passe de s’inscrire dans les symboles féministes au même titre que le triangle inversé et le poing levé ? En tout cas, les internautes l’ont vite apprivoisé. Dégainé face à la vidéo de Shakira, filmée à son insu sous sa robe ou en réaction à l’affaire Mazan, qui secoue le pays et bien au-delà, l’ours sort sa truffe dès que les hommes sont au cœur de scandales. Même si les bons ne doivent pas payer pour la vermine de cette société, les femmes font de l’ours un emblème de combat. Il quitte les sentiers de la forêt pour s’installer dans leurs icônes préférées.
Choisir l’ours n’est pas une pure folie comme le prétendent certains hommes. C’est un message codé que seules les principales concernées sont capables de déchiffrer. Sous la surface, ce théorème de l’ours révèle une peur très actuelle : celle d’être harcelée, agressée ou violée. L’ours va peut-être repartir comme il est arrivé, mais il illustre plutôt bien cette sombre masculinité et cette brutalité qui semble innée.
Si les femmes ont un penchant pour l’ours, ce n’est pas parce qu’il évoque de tendres souvenirs d’enfance. C’est simplement parce qu’elles estiment que l’homme peut dissimuler l’âme d’un fauve enragé. Une mise en situation un peu perchée qui en dit pourtant long sur les maux de la société.