Vous avez déjà été dans une conversation où un homme, pensant tout savoir, interrompt une femme pour lui expliquer quelque chose qu’elle connaît probablement mieux que lui ? Félicitations, vous venez de faire l’expérience du « mansplaining ». Contraction de « man » (homme) et « explaining » (expliquer), le mansplaining désigne cette habitude qu’ont certains hommes de prendre la parole de manière condescendante pour expliquer des choses à des femmes. Et si ce terme peut prêter à sourire, il représente un comportement sexiste bien réel et souvent frustrant pour celles qui en sont victimes. Aujourd’hui, de nombreuses techniques existent pour stopper le robinet de paroles de ces « mecspliqueurs ».
La manie du mansplaining
L’histoire du mansplaining démarre dans une fête près d’Aspen au Colorado. Rebecca Soltnit, écrivaine, parle d’un bouquin sur un photographe qu’elle connaît très bien. Son hôte la coupe. Il passe ainsi un bon bout de temps à lui expliquer pourquoi le dernier ouvrage sur le photographe britannique Eadweard Muybridge est important. Il pense que d’emblée, elle ne sait pas de quoi elle parle.
Le problème est que l’autrice de ce livre, c’est Rebecca Soltnit. C’est ce que son amie Sallie a essayé de répéter à cet homme, trois ou quatre fois, mais il n’écoutait pas, et il ne s’arrêtait pas. Il s’avère qu’il n’avait même pas lu le livre en question. Cet épisode, et bien d’autres similaires, ont donné naissance à un terme qui résonne aujourd’hui dans de nombreuses conversations sur le sexisme ordinaire. L’essayiste féministe Rebecca Soltnit va alors publier et faire connaître le mot « mansplaining » en 2008, dans un billet pour le Los Angeles Times.
« Mansplaining » est donc la contraction de « man » et de « explaining » en anglais. En français, on peut parler de « mecsplication ». Ou bien « pénispliquer », en québécois. Le terme est entré dans l’Oxford English Dictionnary en 2018. Selon ce dictionnaire britannique, il s’agit d’« expliquer quelque chose à une femme alors que ce n’est pas nécessaire, de manière paternaliste et condescendante pour établir une position de domination ».
Comment détecter un mansplaining ?
Le mansplaining peut se manifester de multiples façons. Cela peut aller de l’interruption constante d’une femme lorsqu’elle parle, à la remise en question de ses compétences et connaissances, en passant par l’explication de concepts élémentaires qu’elle maîtrise déjà parfaitement. Ce comportement est souvent imprégné d’une attitude condescendante, sous-entendant que les femmes sont moins informées ou compétentes que les hommes.
Le « mansplainer » prend alors une posture de professeur face à l’élève qui aurait tout à apprendre de lui. Étant largement ancré dans la société, ce comportement sexiste peut être assez difficile à détecter. En gros, lorsqu’un homme explique un sujet sur lequel il n’a aucune expertise à une femme qui, elle, s’y connaît, il « mansplain ». Sur Twitter, de nombreuses femmes ont partagé leurs expériences. Et ce qui revenait souvent, c’étaient des hommes qui expliquaient à des femmes des choses comme les harcèlements de rue, les cycles menstruels ou encore l’accouchement.
C’est un peu comme si une personne blanche expliquait ce qu’on ressent face au racisme à une personne noire, par exemple. Ce qui porte d’ailleurs le nom de « whitesplaining ». Car ce besoin d’expliquer aux autres les choses existe aussi dans toutes les conversations entretenues entre dominant.e.s/dominé.e.s. Ainsi, le mansplaining est une des expressions de la domination et du privilège. Le.a dominant.e ne peut pas s’empêcher de justifier son privilège, celui du savoir.
Des solutions au mansplaining ?
Les conséquences du mansplaining peuvent être profondes. Les femmes qui en sont victimes peuvent se sentir frustrées, dévalorisées et moins confiantes en leurs propres compétences. Le mansplaining contribue également à la marginalisation des femmes dans les espaces professionnels et académiques. En décourageant les femmes de s’exprimer ou en minimisant leur expertise, ce comportement empêche une réelle diversité de perspectives et d’idées. Or, la diversité est essentielle pour l’innovation et le progrès dans tous les domaines. Imaginez être constamment interrompue ou avoir vos idées systématiquement remises en question – cela finit par peser sur le moral et la motivation.
Pour les hommes qui craignent d’avoir de manière inconsciente une attitude paternaliste et condescendante, des solutions existent. Grossièrement, il faut mettre l’accent sur l’écoute des minorités. Avant d’expliquer quelque chose à quelqu’un, il faut se poser les bonnes questions. La personne avec qui vous discutez vous a-t-elle spécifiquement demandé des renseignements supplémentaires sur votre sujet de conversation ? Pensez-vous que cette personne a un discours moins légitime que le vôtre ? Si vous souhaitez parler de votre propre expérience, se fonde-t-elle sur des mécanismes systémiques ? Puis, il ne pas couper la parole systématiquement. Ni des femmes ni de toute personne issue d’une communauté minoritaire et/ou opprimée.
Le processus n’étant pas dans tous les programmes scolaires ou d’éducation familiale, il prend du temps. Mais on compte sur les hommes pour fournir un effort. Pour les personnes à qui l’on explique la vie en permanence, la solution n’est pas de couper la parole de tous les hommes.
Rokhaya Diallo et Blachette, auteures de « M’explique pas la vie mec ! », ont pensé quelques réparties efficaces face au mansplaining. Lorsqu’un homme vous explique vos règles, vous pouvez par exemple lui demander plus de conseils détaillés (selon l’abondance ou la couleur de vos règles). Il comprendra qu’il ne sait pas et se remettra à sa place. Pareillement dans le coin professionnel, il faut être le plus pointu possible pour qu’il comprenne qu’il ne comprend pas mieux que vous le sujet discuté. Et si ça ne fonctionne pas, ne perdez plus de temps. Fuyez cette personne !
Le mansplaining est un comportement sexiste qui, bien que souvent non intentionnel, a des conséquences réelles sur les femmes et la dynamique des interactions sociales. En prenant conscience de ce phénomène, en écoutant activement, et en encourageant la participation égale de tou.te.s, nous pouvons tous contribuer à des échanges plus respectueux et équitables. Alors, la prochaine fois que vous sentez l’envie de corriger ou d’expliquer quelque chose à quelqu’un, prenez un moment pour réfléchir : est-ce vraiment nécessaire ? Peut-être que cette personne sait déjà très bien de quoi elle parle. Et surtout, souvenez-vous : écouter, c’est aussi apprendre.