La Suède, pays d’avant-garde, se hisse en élève modèle dans l’égalité des sexes. Elle abrite d’ailleurs une ville auto-proclamée « la plus féministe du monde » où les femmes sont couvertes de laurier et reconnues à leur juste valeur. Véritable Eldorado pour la gent féminine, encore largement dépréciée à travers le globe, Umea est exemplaire et met une longueur d’avance à toutes les autres nations. Là-bas, le harcèlement de rue est un mot inconnu et les statues qui s’érigent dans l’espace public mettent en vedette des combats portés au féminin. Alors que les estimations présagent une égalité des genres d’ici seulement 300 ans, Umea a atteint cet idéal avant l’heure. Cette ville dynamique, qui respire la jeunesse, est la terre promise des femmes. Plongée au cœur de ce lieu qui fait du rêve de parité une réalité.
Le féminisme intégré jusque dans l’espace public
Contrairement aux villes suédoises « typiques » couronnées de maison rouge et tutoyées par des eaux cristallines, Umea affiche d’emblée une personnalité dynamique et résolument moderne. Destination étudiante, réputée pour ses échanges Erasmus, elle est de nature éclectique. Ici, les universités design enveloppées de verre poussent au milieu des bâtisses baroques en pierre rouge. Cette ville, qui flirte presque avec le cercle polaire, mêle le charme de l’ancien avec le style actuel. Et ça se traduit bien au-delà de l’architecture ambiante. En parallèle de son grade de « ville campus », Umea se présente comme la ville la plus féministe du monde. La municipalité, munie d’un regard visionnaire, n’a pas attendu que l’égalité homme-femme devienne un sujet « urgent » pour s’en emparer.
Depuis plus de 25 ans, elle pense chaque centimètre carré de la ville avec la fibre féministe en toile de fond. Ça a commencé en 1970, par des logements sociaux précurseurs, construits en faveur des mères. Les fenêtres des cuisines donnaient sur les cours intérieures pour toujours garder un œil attentif sur les enfants. Par la suite, d’autres bâtiments progressistes se sont enracinés dans le décor. Tandis qu’en France, les noms de rue et les statues sont quasi tous à l’effigie d’un homme, à Umea l’égalité s’ancre à même le bitume.
Lorsque vous flânez autour de la place névralgique de Umea, point de guerrier triomphant ou d’empereur en cap. À la place, un puma écarlate rugissant et colérique, qui incarne de façon métaphorique le mouvement #MeToo et toute sa force de résonance. L’œuvre, imposante, s’intitule symboliquement « Écoute » et suscite une prise de conscience collective. Ce projet est né sous l’impulsion des commissaires à l’égalité des genres, un poste à part entière au sein de la mairie. C’est grâce à elles que l’urbanisme se pare de couleurs féministes et de monuments aussi riches de sens.
À Umea, tout est fait pour entretenir un climat paisible
Dans cette ville qui peut se vanter d’être la plus féministe du monde, la sécurité des femmes est une priorité absolue. Au moindre incident, la municipalité prend des mesures drastiques. Ainsi, dix ans en arrière, elle refaisait tout un tunnel à neuf. Non pas parce qu’il était défectueux ou vétuste, mais parce que des femmes s’y étaient faites agresser. Au lieu de miser sur la simplicité et de les inviter gentiment à revoir leur itinéraire pour éviter l’endroit, la municipalité s’était lancée dans un énorme chantier.
Pourtant, au-dessus de ce tunnel destiné aux piétons, il y avait un va-et-vient permanent de trains, qui faisaient la jonction entre deux quartiers d’Umea. Mais qu’importe, la municipalité avait suspendu temporairement le trafic pour offrir à ces mesdames un lieu sûr. Après les rénovations, le passage souterrain était plus lumineux, plus large et arborait des fresques délicates sur ses murs. Autre ajout notable : une issue de secours en cas de danger.
Les femmes sont parties prenantes de ces aménagements et de ces travaux de rafraîchissement. D’ailleurs, leur opinion compte autant (si ce n’est plus) que celle des hommes. Ce sont elles qui ont décidé d’ériger des bancs publics en forme de balançoire non loin des berges. Elles ont pu délivrer cette idée au gré d’ateliers menés en non-mixité avec de jeunes adolescentes.
Une ville à l’origine du premier musée vraiment féministe
Umea a confirmé son statut de ville « la plus féministe du monde » en 2014, lorsqu’elle a ouvert les portes du premier musée consacré à l’Histoire des femmes. Les héroïnes d’hier et d’aujourd’hui, plus à l’affiche d’expositions éphémères que de collections permanentes, sont toutes immortalisées entre les murs de cette maison cossue. À la différence des autres havres culturels du même genre, ce musée au nom imprononçable ne se contente pas de retracer le parcours de celles qui ont marqué leur époque. Il revendique un parti-pris plus « pédagogique » et « méditatif ».
À son inauguration, une horde de femmes figées dans le béton faisaient face au public. Toutes dressées dans la même posture, avec une précision militaire, ces femmes baptisées « les Tantes » portaient les signes de l’âge. Rides au front et peau affaissée, elles incarnaient les « oubliées » de l’histoire. Mais elles questionnaient aussi sur un fléau, toujours rampant : l’âgisme. Ce musée, qui s’inscrit désormais dans les guides touristiques, a une ambition claire : déclencher la réflexion sur « les relations entre les sexes et le pouvoir ». Rentrer dans ce musée, c’est avoir la certitude d’en ressortir grandi et plus éveillé aux sujets de société. De quoi être incollable sur le féminisme !
L’équipe féminine de foot, plus importante que celle des hommes
Umea, pays qui fabrique des femmes libres et émancipées, inclut ces mesdames dans tous les domaines, y compris le sport. D’ailleurs, l’équipe féminine de foot surclasse celle des hommes et témoigne d’un meilleur niveau. Fait assez rare pour être souligné. Il faut dire que la mairie a tout mis en œuvre pour que les femmes puissent s’entraîner sans contraintes. Avant qu’elle ne s’en mêle, les hommes avaient une plage horaire plus avantageuse pour chasser le ballon rond dans le stade local.
Ils s’étaient octroyés le droit d’investir la pelouse verte entre 17h et 20h. Sauf que voilà, les femmes avaient de l’or sous les crampons. Pour exploiter ce talent, injustement bridé, la municipalité a imposé une règle plutôt innovante pour qu’hommes et femmes puissent se répartir le terrain. Désormais, c’est la meilleure équipe de la ville (tout genre confondu) qui a le dernier mot sur le choix des horaires et qui impose le créneau qui l’arrange le plus. Pas de chance pour ces messieurs, les femmes les dominent. Hasard ou non, depuis que les footballeuses ont un accès plus flexible au stade, elles enchaînent les exploits. Avec sept victoires en championnat et deux Champions Leagues féminines remportées, elles font la fierté nationale.
Umea, auréolée du titre de ville la plus féministe du monde, est un modèle d’inspiration. Elle prouve que l’égalité des sexes n’est pas un concept utopique et peut se concrétiser bien au-delà du papier. À condition de faire des efforts et de sacrifier cette sacro-sainte « masculinité« .