Après 25 ans à fouler les courts de tennis les plus emblématiques, Serena Williams rend sa raquette pour partir en retraite. Cette fin de carrière inattendue, annoncée lors de l’US Open 2022 il y a quelques jours, marque l’arrêt d’une longue aventure arbitrée par des exploits hors normes et un franc-parler rafraîchissant. Bien plus qu’une prodige des filets, Serena Williams a aussi mis de beaux revers dans le sexisme.
À travers ses tenues affirmées, en dehors des codes classiques du tennis et ses prises de parole engagées, la joueuse aux 23 titres du Grand Chelem a fait un pas de géant pour la lutte féministe. Au gré de son parcours, la mère de famille a donné des leçons qui résonnent au-delà du tennis. Panorama de ses moments les plus badass.
L’ascension d’une femme puissante
Serena Williams a mis un pied dans le tennis dès ses 14 ans, alors que les matchs étaient majoritairement menés par les hommes blancs. La jeune athlète, encore méconnue du grand public, ne tarde pas à se faire remarquer. Elle fait ses premiers coups d’éclat à l’US Open 1999 en remportant une victoire en deux sets. C’était la première Afro-Américaine à décrocher un tel titre. Les succès se sont enchaînés sur fond de rumeurs blessantes et de racisme banalisé.
Mais par sa force de caractère, Serena Williams s’est imposée lors des grands tournois raflant ainsi de nombreuses victoires comme l’or Olympique à Wimbledon. Elle s’est bâtie un véritable empire, passant outre les critiques infondées et les remarques machistes. La brillante joueuse a même figuré en Une de Forbes pour sa fortune. Figure de l’empowerment féminin, Serena Williams a gagné 94 millions de dollars de prix, un total deux fois plus élevé que celui de toute autre sportive. Même enceinte de huit semaines, elle poursuit son chemin florissant en faisant une bouchée de son huitième titre à l’Open d’Australie.
La fin d’une carrière grandiose
La star du tennis, devenue maman en 2017, se confie régulièrement sur ce nouveau rôle qui lui est si cher. Malgré son statut « maternel », elle n’entend pas sacrifier sa passion tout de suite. Elle parvient à concilier vie de famille et quotidien d’athlète éprouvant, avec une facilité déconcertante. Mais après des années d’acharnement, à envoyer des milliers de balles millimétrées, la quarantenaire se retire du monde du tennis pour profiter de sa famille, voire de l’agrandir.
Serena Williams a tiré sa révérence le 9 août dernier, avec une certaine amertume. « Si j’avais été un homme, je n’aurais pas eu à choisir”, avait-elle déclaré dans un entretien intime de Vogue US. Celle qui a toujours pointé les inégalités raciales et sexuelles restera pourtant la championne du « girl power » pour l’éternité. Elle a insufflé un vent de fraîcheur dans l’arène sportive, faisant face à un adversaire de taille : le patriarcat.
1 – 2001, sa revanche face au racisme à Indian Wells
Lorsque les violences policières contre les Afro-Américain.e.s étaient à leur apogée, Serena Williams était directement montée au filet, en s’emparant du #BlackLivesMatter. En 2021, elle était aussi vent debout contre les attaques racistes perpétrées par la famille royale envers son amie Meghan Markle. Si on perçoit son engagement au gré de ses « coups de gueule », on connaît moins les histoires personnelles de Serena Williams. Pourtant, elle aussi a payé les frais d’un racisme systémique à ses débuts. D’où son combat acharné pour faire régner le respect et la tolérance.
En 2001, à Indian Wells, tournoi californien, une rumeur éclate. Celle-ci accuse Richard Williams, père et manager de Serena, de trafiquer les matchs. Le père, très investi dans la réussite de sa fille, a même déclaré « Quelqu’un a dit ‘J’aimerais qu’on soit 75 ans en arrière, on pourrait te scalper vivant' ». Ce terrible racisme prend écho dans les gradins.
Dès que Serena Williams commet une faute de jeu, elle se fait huer. Choquée par ces comportements de bas étage, la joueuse boycotte le tournoi et garde une rancœur à vif au point de ne plus y disputer de matchs. Elle reviendra sur place quatorze ans plus tard, apaisée et cette fois acclamée par le public.
2 – 2002, elle devient numéro 1 mondiale
Nous sommes à Paris, sur le court emblématique de Roland Garros. Serena Williams n’a alors que 21 ans lorsqu’elle décroche le titre honorifique de numéro un. Ce match qui lui a valu cette percée avait une saveur particulière. La joueuse qu’elle affrontait ne lui était pas inconnue, au contraire. Pour cause, il s’agissait de sa sœur aînée : Venus. Aussi renommée dans le milieu du tennis, c’était elle qui détenait la place de « Première ». Serena, sur les pas de son double, connaissait enfin son heure de gloire.
Souvent reléguée au second plan, elle a enchaîné les exploits, remportant également le titre à Wimbledon. Très fusionnelle avec Venus dans son cadre personnel, sur le terrain l’affection familiale s’éclipse. Une rivalité de bonne guerre qui se pratique avec l’esprit fair-play. Serena détiendra ce titre de numéro 1, pendant 57 semaines consécutives.
3 – 2016, auteure d’une lettre ouverte sur la liberté des femmes
Serena Williams, régulièrement confrontée à des remarques sexistes sur son poids, son âge et son talent, n’en est pas à son premier coup d’essai. Elle élève la voix dès que ses détracteurs salissent son image. Le monde du sport, impitoyable avec les femmes qui dominent par leurs capacités physiques et leur mental de fer, grouille de vices sexistes. Cette grande dame qui accumule les exploits n’a pas encore glané le trophée de la parité. Jugée sur ses tenues plutôt que sur ses performances, Serena Williams ne compte pas se tourner les pouces. Dans une lettre ouverte publiée dans « Porter Magazine » pour l’édition « Femmes Influentes », elle affichait son militantisme, avec panache et philosophie.
Lassée de cet univers qui transpire de masculinité, elle plantait le crayon dans la plaie du sexisme. Elle s’adressait « à toutes les femmes incroyables qui visent l’excellence » et les invitait à « poursuivre leurs rêves avec une résilience inébranlable« . Message d’espoir, mais aussi de dénonciation, il encourage les femmes à occuper l’espace, la tête haute. Serena Williams ajoutait : « Petite mon rêve était de devenir la meilleure joueuse de tennis au monde. Pas la meilleure joueuse « femme » de tennis au monde”.
4 – Juin 2017, elle recadre le tennisman John Mc Enroe
Reine du tennis, mais aussi des punchlines, Serena Williams donne un coup de sifflet aux commentaires déplacés. Même lorsqu’elle s’absente du paysage sportif pour se remettre de la naissance tourmentée de sa fille, la valeureuse joueuse est sous le feu des critiques. Certains ont profité de cette pause prolongée pour entraîner leurs mauvaises langues. Ce fut le cas de John Mc Enroe qui s’est auto-proclamé juré de Serena Williams à la radio américaine. Le tennisman déclarait : « Si elle jouait sur le circuit masculin, elle serait aux alentours de la 700e place mondiale ».
Son discours dégradant n’a pas tardé à faire réagir la principale concernée. Sa rapidité ne s’exerce pas uniquement sur les courts. Il lui a fallu seulement 24h pour concocter un tweet à la fois calme et piquant. Elle y indiquait :
« Cher John, je t’adore et te respecte, mais s’il te plait, s’il te plait, laisse-moi tranquille avec tes déclarations qui ne sont pas étayées par des faits. Je n’ai jamais joué contre un joueur classé (du circuit masculin) et je n’en ai pas le temps. Respecte-moi et ma vie privée au moment où j’attends un enfant. Bonne journée » – Serena : 1. John : 0
5 – Juillet 2017, elle dénonce les inégalités salariales
« L’argent c’est le nerf de la guerre ». Pour Serena Williams, c’est surtout un vecteur d’inégalités. D’après ses dires, la couleur de peau et l’identité sexuelle ont un prix. C’est ce qu’elle dénonçait dans une tribune du magazine économique Fortune. Elle étaye son discours avec des chiffres accablants issus de l’association « National Women’s Law center ».
Au même poste, une femme noire gagne 17 % de moins qu’une femme blanche. Plus terrible encore, l’écart se creuse à 37 % si l’on compare à un homme blanc.
« L’inégalité salariale existe depuis trop longtemps, sans aucune conséquence (…) Et la pauvreté, la discrimination et le sexisme sont plus durs à combattre que de gagner le Grand Chelem », fustigeait-elle
6 – Août 2018, elle joue dans une tenue « Black Panther »
Le vestiaire de Serena Williams fait beaucoup parler. Loin de la tenue basique des tenniswomen, l’étoile montante du tennis troque la jupe-short immaculée contre une combinaison à la « Black Panther ». Un choix esthétique et symbolique qui n’a pas rencontré le succès escompté. Ce look, à la pointe du confort pour la jeune maman, est bien plus qu’un simple apparat sportif.
Cet habit à contre-courant est un clin d’œil à l’univers Marvel et plus particulièrement à Black Panther, le premier super-héro noir. Pour Serena Williams, ce parti-pris a aussi pour vocation de « représenter toutes les femmes qui ont dû traverser des épreuves, mentalement et physiquement avec leurs corps, et qui reviennent, confiantes et croyant en elles-mêmes”.
Lors de ce premier match post-grossesse, Serena Williams affichait sa silhouette changeante, sans fard. Mais elle a rapidement dû abandonner sa « combinaison de guerrière” pour répondre aux exigences vestimentaires de Roland Garros. Le président de la Fédération française de tennis trouvait cette tenue « inappropriée ». Malgré cette annonce, Serena Williams a fait passer un message fort, et la médiatisation retentissante lui a donné tout le pouvoir recherché.
7 – Septembre 2018, en finale un an après sa maternité
Avant, pendant et après sa grossesse, Serena Williams a partagé avec ses fans des confidences décomplexées autour de la maternité. Avant la naissance, elle affirmait « ne pas avoir de connexion avec son bébé”. Ses réseaux sociaux deviennent un journal intime dans lequel les mères peuvent aisément s’identifier. Avec des textes à nu, la star du tennis écrase la culpabilité. De nombreuses fois, elle évoquait les difficultés de son accouchement, qui a failli lui coûter la vie.
Un an plus tard, on la retrouve en pleine forme à l’US Open. Pourtant, la joueuse à la renommée mondiale a vécu d’atroces souffrances avant de remettre un pied sur le court. Caillots de sang dans les poumons, cicatrice de césarienne rouverte à la suite de quintes de toux, hématome à l’abdomen… Serena Williams, toujours active, était obligée de rester alitée six semaines. C’était vital pour son état de santé. Mais ces obstacles rencontrés au croisement de la vie lui ont donné une hargne supplémentaire. Sa fille Olympia est devenue sa principale source de motivation lors des matchs.
Serena Williams, la rage au corps, a marqué des points dans de nombreuses luttes. En vingt ans, elle a changé le visage du tennis, prouvant que les femmes avaient toute leur place sur les courts. Son parcours admirable continuera de passionner les foules. Ne l’oublions pas, le jeu de paume, ancêtre du tennis, était l’un des premiers sports accessibles aux femmes.