Voici comment les inégalités de genre impactent le cerveau des femmes

En plus de discréditer la valeur des femmes et de nuire à leurs ambitions, les inégalités de genre auraient aussi une incidence néfaste sur leur cerveau. Selon une nouvelle étude, les violences sexistes et sexuelles, le manque d’accès à l’éducation ainsi que l’écart salarial pourraient modifier la structure du cerveau des femmes. Un constat encore plus criant dans les pays en grande précarité. Un énième dommage collatéral des discriminations de genre, qui peut s’avérer très problématique sur le long terme.

Le cortex cérébral des femmes moins épais

Les inégalités de genre gangrènent la société entière. Selon l’ONU, il faudrait attendre 300 ans avant qu’elles ne s’essoufflent définitivement. Ces disparités qui donnent un traitement de faveur aux hommes ne sont d’ailleurs pas sans conséquences. Hormis la taxe rose qui agit sur le porte-monnaie de ces mesdames et le plafond de verre qui anesthésie leur carrière, elles auraient aussi des revers plus profonds, vécus de l’intérieur.

Selon une étude d’envergure, les inégalités de genre pourraient carrément jouer sur la construction du cerveau, le chef d’orchestre de tout le corps. Révélée le 8 mai 2023 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, elle met en lumière la façon dont les inégalités de genre façonnent le cerveau. Menée dans 29 pays différents à travers plus de 7800 IRM, elle fait un état des lieux documenté et alarmant autour de ce phénomène physique jusqu’alors controversé.

D’après les résultats, les inégalités de genre auraient surtout une incidence sur l’épaisseur corticale du cerveau, aussi appelée « substance grise ». Si l’on se fie à la définition du dictionnaire, il est « le siège des fonctions neurologiques les plus avancées, comme le langage, la mémoire, la conscience… ». Dans les pays où les inégalités sont plus marquées, le cortex cérébral des femmes ressortait plus étroit que celui des hommes.

« Ces résultats suggèrent un lien neuronal potentiel entre l’inégalité entre les sexes et des risques plus élevés de problèmes de santé mentale et de réduction des performances scolaires – soulignant l’effet potentiellement dangereux de l’inégalité entre les sexes sur le cerveau des femmes », explicite Nicolas Crossley, auteur principal, dans un communiqué de presse

Le stress et les différences scolaires en cause

Les premières pistes des chercheurs évoquent le stress, vécu plus intensément par les femmes. Selon une autre étude plus ancienne, publiée dans la revue Psychology, les femmes sont plus vulnérables face au stress, non pas parce qu’elles sont « fragiles », mais, car elles y sont plus exposées.

Travail, famille, contraintes, fortes responsabilités… toute cette charge mentale héritée du patriarcat ne fait qu’exacerber les ressentis du stress. Encore une fois, d’après l’étude, ce constat était plus frappant chez les femmes issues de pays pauvres et rigoristes.

« Ces changements étaient particulièrement localisés dans les régions du cerveau impliquées dans le contrôle des émotions et qui sont également affectées dans les troubles liés au stress tels que la dépression et le trouble de stress post-traumatique. Nous pensons donc que ce que nous voyons est l’effet du stress chronique sur le cerveau des femmes dans des environnements inégalitaires », précise Nicolas Crossley

Autre lecture possible : l’absence d’apprentissage chez les femmes peut altérer la construction du cerveau. Il faut savoir que 90 % des connexions du cerveau se font après la naissance. Elles émergent de notre environnement familial, de notre éducation ou encore des activités pratiquées.

Un cerveau pas assez « nourri » manquera donc indéniablement d’élasticité. Les inégalités de genre donnent ainsi moins de chance au cerveau féminin de se développer. Autrement dit, lorsque les filles ont des accès restreints à l’école, elles sont plus susceptibles d’écoper d’un cortex cérébral mince.

« Les femmes pourraient avoir un accès plus limité à des environnements bénéfiques et enrichis, ce qui pourrait modifier leur structure cérébrale », justifient les chercheurs

Les stéréotypes de genre peuvent également affecter la mémoire, l’attention et la prise de décision. Si les filles semblent moins copines avec les chiffres que leurs homologues masculins c’est tout simplement parce que la société les encourage à le croire. C’est ce que révélait une autre étude. Au cours d’un test mathématique, les femmes montraient alors plus de signes de stress et d’anxiété, traduisant ainsi des doutes sur leur capacité. Pourtant, la différence entre les performances des deux sexes était moindre.

Fin du mythe : le cerveau n’a pas de sexe

La science s’est longtemps accrochée à cette théorie du cerveau « genré », tombant parfois dans l’analyse clichée et réductrice. Si les hommes et les femmes se distinguent dans leur chromosome et leurs hormones, le cerveau, lui, serait plutôt neutre. L’architecture du cerveau ne dépend pas d’un seul critère, c’est une véritable mosaïque. Le cerveau, moteur de l’être humain, est un organe complexe qui peine encore à se faire comprendre.

Cependant, l’environnement, tout comme la génétique, participe grandement à sa construction. Comme le démontre l’étude, il suffit d’un manque ou d’une pensée biaisée pour endommager ses « fondations ». De la naissance à la mort, les connexions entre nos 100 milliards de neurones évoluent dans le bon sens ou le mauvais. Et les inégalités de genre, elles, ne font que saboter l’ouvrage du cerveau, à la manière d’une drogue médiocre.

Pour faire simple, le cerveau n’a pas de sexe, mais il est réactif aux disparités, et ce dès le plus jeune âge. Ces nouvelles recherches ont donc pour vocation « d’éclairer les politiques d’égalité des sexes », et de mettre le doigt sur « l’effet potentiellement dangereux de l’inégalité entre les sexes sur le cerveau des femmes ».

Certes, sur Terre, il existe 8 milliards de cerveaux uniques, mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Dans les pays pauvres, les femmes doivent ainsi composer avec un cerveau moins « souple » que la norme. Tout ça à cause de politiques archaïques anti-femmes.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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