Être une femme en prison : une double peine ?

Les difficultés de la vie des femmes en prison ne s’arrêtent pas à la précarité menstruelle. Préservation des liens familiaux, accès aux formations, ateliers et activités même médicales… jusqu’à la réinsertion sociale est différenciée selon les genres. Minoritaires en nombre dans les prisons, les femmes détenues passent alors au second plan, notamment dans l’opinion publique et les agendas budgétaires. Si se retrouver en prison est déjà difficile, son genre va avoir un impact non négligeable sur son quotidien et sa sortie dans « le monde libre ».

Les femmes, oubliées des prisons

En France, les femmes ne représentent que 3,6 % de la population carcérale, selon un rapport de l’Observatoire international des prisons (OIP), publié en 2019. De ce chiffre extrêmement minoritaire résulte un traitement différencié pour les femmes en prison. Elles sont donc plus invisibles dans l’opinion publique, comme dans les décisions de budgets alloués aux centres pénitentiaires. Et cette discrimination se reflète dans presque tous les aspects de leurs conditions de vie « à l’intérieur ».

Sur papier, on ne discrimine pas les détenu.e.s selon leur sexe. Tout genre emprisonné subit les mêmes maux de la vie en prison : surpopulation, bâtiments vétustes, manque d’hygiène, difficulté d’accès aux soins. Mais les femmes étant une proportion minoritaire, voire marginale dans la population carcérale, elles doivent s’adapter à un système carcéral prévu pour les hommes.

En France, seules deux prisons sont réservées aux femmes, à Rennes et à Versailles. Ailleurs, elles se voient réserver des « quartiers de femmes », au sein de prisons conçues par et pour les hommes.

La maternité et les activités genrées en prison

En France, seuls 55 établissements peuvent accueillir des femmes. Ainsi, avec le peu de prisons pour femmes, beaucoup de détenues se retrouvent le plus souvent incarcérées loin de leur région. Et ceci a un impact, notamment sur leur possibilité de recevoir des visites de famille.

Parfois, les femmes bénéficient de conditions plus « favorables » dans les prisons. Par exemple, une femme incarcérée enceinte, ou avec un bébé de moins de 18 mois, va pouvoir bénéficier d’un traitement plus « attentionné », dans une nurserie. Mais ce « privilège » est à double tranchant. Dans certains cas, ces mères se verront refuser une permission de sortie, car leur bébé serait mieux en prison.

De plus, les femmes ont généralement un accès plus restreint aux activités proposées au sein des prisons. Ces activités sont pourtant nécessaires à tout.e détenu.e, afin de garder une certaine forme de sociabilité, et ne pas avoir une vie trop différente de la vie « libre », à l’extérieur. Mais dans les prisons mixtes, les deux genres ne sont pas censés se croiser.

Ainsi, les femmes ont beaucoup moins accès aux activités réservées aux hommes (espaces de formations, ateliers, voire services médicaux). Ou alors, leur accès est limité à des créneaux très restreints, ou encore elles sont « carrément confinées dans leur quartier », selon la sociologue Corine Rostin pour France Culture. On leur proposerait également moins de postes de travail, et, pour les hommes comme pour les femmes, des postes genrés, stéréotypés. Cependant, la loi prévoit des exceptions à la non mixité, pour créer des activités communes aux deux groupes.

Des violences sexistes et sexuelles au sein des prisons

Pour Angela Davis, « l’aspect profondément genré du châtiment reflète et renforce la structure genrée de toute la société ». Et les violences sexuelles envers les femmes ne sont pas exemptes lorsqu’elles se trouvent derrière les barreaux. Dans son ouvrage « La prison est-elle obsolète ? », la militante, professeure de philosophie et écrivaine afro-américaine cite des cas de violences sexuelles exercées par des gardes aux États-Unis, notamment lors des fouilles intimes.

« Il existe une connexion entre la violence militaire, la violence de la police, la violence dans les prisons et celle domestique. Quand on parle de la violence, on oublie systématiquement que la première cible de la violence sont les femmes, dans le monde entier. On fait comme si les deux, la violence et les femmes, n’avaient strictement aucun rapport. Il est crucial de ramener cette question au centre du débat », expliquait Angela Davis à Virginie Despentes dans un entretien pour Libération

En France, une femme ne peut être surveillée que par une femme, mais les surveillantes peuvent également surveiller les hommes. Mais dans le cas où un homme surveillant est gradé dans un poste de direction, il peut aller dans les quartiers de femmes. Cette inégalité de traitements daterait du XIXe siècle. Et ceci s’expliquerait avec les violences sexistes et sexuelles, « débouchant sur des viols et des grossesses constatées ».

Et après la prison ? Une réinsertion sociale complexe

Les inégalités de genre ne s’arrêtent pas à la vie derrière les barreaux. Pour Emilie Lefort, conseillère pénitentiaire d’insertion à la prison des Beaumettes (Marseille) « souvent on dit qu’un dossier de suivi de femmes vaut trois dossiers d’hommes ». En effet, dès le début de leur incarcération, elles seraient proactives dans leur projet de réinsertion, « très demandeuses d’activités, de formations et de permissions de sortir ».

Et pourtant, dans cette prison tout récemment rénovée où les femmes ont leur « quartier », elles n’ont toujours pas accès à la structure d’accompagnement au projet de sortie, contrairement aux hommes. Cela à cause du manque de local réservé aux femmes. En conséquence, elles ne peuvent par exemple pas passer leur code préparant à leur permis de conduire, comme les hommes.

Finalement, une femme incarcérée subirait plus de jugements extérieurs qu’un homme. Elles transgressent à la fois des normes légales et des normes de genre. Et le plus souvent, les familles et maris ont honte de ces femmes, et les quittent. À l’inverse des femmes envers leur mari. Marie Deyts, directrice adjointe du centre pénitentiaire de Réau, admet que certaines détenues « ne reçoivent pas de visites du tout ».

« les conjointes sont beaucoup plus fidèles lorsque leur mari est en prison. Alors qu’eux ne restent pas, ils refont leurs vies », selon Marie Deyts pour France 24

Et vous, pensez-vous que l’égalité entre les femmes et les hommes devrait s’appliquer partout, y compris au sein des prisons ? Venez partager vos impressions avec nos lecteurs et lectrices, sur notre forum !

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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