Le Festival de Cannes 2024, grand-messe du cinéma international, s’est ouvert le mardi 14 mai pour sa 77e édition et se clôture aujourd’hui. La cérémonie n’est pas seulement synonyme de paillettes et de looks tirés à quatre épingles. Elle est aussi ponctuée de moments forts, qui restent gravés pour l’éternité, sur le tapis rouge. Cette année, plus que jamais, cet illustre rencard du 7e art a pris une dimension particulièrement engagée. Discours empreints de sororité, robes « militantes », ascension des marches chargées en émotions… cette édition était riche. Loin d’être un simple show « glamour » avec tout le gratin du cinéma, le Festival de Cannes laisse aussi passer des messages. Voici les moments forts de la 77e édition du Festival de Cannes, ceux qui ont retenu l’attention et gravé les esprits.
Le discours d’ouverture féministe de Camille Cottin
Parmi les moments forts de cette 77e édition du Festival de Cannes, la prise de parole sensible, franche et solennelle de Camille Cottin. L’actrice de talent, qui a joué pour les plus grandes plumes du cinéma et qui a brillé dans la série française « Dix pour cent », avait la noble mission d’inaugurer la cérémonie. Un titre de maîtresse de cérémonie qu’elle a, là encore, porté avec panache et qu’elle a dignement honoré. Son texte d’introduction était d’une grande virtuosité et d’une extrême justesse.
Écrit comme un hommage à toutes les actrices qui l’ont précédé dans ce rôle, elle a exprimé son admiration pour Jeanne Moreau, Monica Bellucci, Virginie Efira et toutes les autres. Mais au-delà de reconnaître la grandeur de ses consoeurs et de leur transmettre toute sa reconnaissance, Camille Cottin a aussi tiré son fil rouge autour de la retentissante loi #MeToo. Loin d’être dans le pathos ou la gravité, elle a fait ce laïus sororal avec cette pointe de fraîcheur qui lui est propre.
« Je précise que les rendez-vous professionnels nocturnes, dans les chambres d’hôtel des messieurs tout-puissants, ne font plus partie des us et coutumes du vortex cannois » est la phrase clef de son discours
Le retour d’Émilie Dequenne en rémission d’un cancer rare
L’actrice, distinguée à l’âge de 17 ans pour sa performance puissante et authentique dans le film « Rosetta », a attiré tous les projecteurs sur le tapis rouge. Pétillante et solaire dans sa robe moutarde voluptueuse, elle a fait l’honneur de sa présence après un retrait « forcé » pour mener une bataille personnelle. Le 22 octobre 2023, elle annonçait être atteinte d’un cancer rare, niché sur les reins. Une maladie nommée corticosurrénalome qui ne touche qu’une à deux personnes sur un million par an.
Mais le 4 avril dernier, elle rassurait ses fans sur les réseaux sociaux en annonçant sa rémission complète. Sa coupe courte, affichée fièrement sous le soleil de la Croisette, en disait long sur cette lourde épreuve. Victorieuse et pleine d’espoir, Émilie Dequenne a fait un come-back tonitruant. Son retour était d’autant plus symbolique puisqu’il survenait 25 ans après sa Palme d’Or, reçue pour son interprétation mythique dans « Rosetta ».
La robe très politique de Cate Blanchett
Le Festival de Cannes illustre l’excellence du 7e art, mais c’est aussi une démonstration de mode. Le tapis rouge mue en catwalk et les stars font leur show avec des tenues tantôt sobres, tantôt monumentales. Mais certains looks accrochent plus le regard que d’autres et pas forcément pour leur style. Cette année, un détail greffé à la robe de Cate Blanchett a d’ailleurs fait parler bien au-delà de la fashion-sphère.
En 2023, l’actrice à la filmographie bien remplie avait fait le choix du minimalisme chic avec sa robe cape. Mais cette année elle a arboré une étoffe beaucoup plus audacieuse, aux couleurs de la Palestine. Cette robe, signée Jean Paul Gaultier, avait une face noire, un dos crème et un intérieur vert. Avec le rouge du tapis, le drapeau palestinien semblait s’esquisser, en toute intelligence. Un design à la fois malin, explicite et lourd de sens en totale osmose avec les convictions de l’actrice à la chevelure d’or. Un mois après le début de la guerre entre le Hamas Israël, Cate Blanchett n’avait pas hésité à prendre position pour la paix. Elle avait réclamé « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » dans la bande de Gaza. L’un des moments forts et téméraires de cette 77e du Festival de Cannes.
Beatrice Vio, escrimeuse italienne amputée des quatre membres sur le tapis rouge
Venue en tant que spectatrice, l’escrimeuse de compétition Béatrice Vio, a plus monopolisé les objectifs que les pointures du 7e art. Elle a fait l’unanimité sur le tapis rouge et s’est habilement prêtée au jeu de la pose. Celle qui se fait affectueusement surnommer « BeBe Vio » s’est présentée dans une robe scintillante laissant apparaître son corps bionique en toute élégance. Amputée des quatre membres des suites d’une méningite foudroyante, elle a désormais des mains et des jambes de substitution qui font tout son charme.
Ces prothèses ultra sophistiquées l’ont d’ailleurs emmené loin dans sa carrière de sportive. 5 fois championne d’Europe, 4 fois championne du monde, elle a un parcours qui force le respect. Venue pour assister à la projection de « Kinds of Kindness », elle a donné une leçon de courage et d’optimisme à un public en totale admiration devant son apparence magnétique.
La standing ovation pour les acteur.rice.s du film « Un ptit truc en plus »
C’est un des moments forts du Festival de Cannes qui donne le sourire et lève les poils. Toute l’équipe du film « Un p’tit truc en plus » a gravi les marches au rythme du son « Bande Organisée ». Les acteur.rice.s, en situation de handicap mental, ont été accueilli.e.s en grande pompe par le public, plus que conquis par cette création française lumineuse, comique et attendrissante.
Il faut dire que ce film, réalisé par Artus, a fait un très bon démarrage en salle. Trois millions de spectateur.ice.s se sont déjà pressé.e.s devant le grand écran pour voir cette œuvre. Elle donne une autre lecture du handicap, plus fraîche et enthousiaste. Le film n’est pas en lice au festival, mais tou.te.s les acteur.ice.s ont déjà gagné la sympathie des Français.es et ça c’est aussi une chouette récompense !
La montée des marches remarquée de Judith Godrèche
Judith Godrèche, actrice qui a définitivement changé la face du cinéma, ne baisse pas les armes. Si lors de la remise des Césars, elle avait déjà levé la salle entière avec son discours sur les violences sexuelles, à Cannes, elle s’est de nouveau attaquée à ce rude sujet, qu’elle défend avec aplomb et courage.
Pendant la montée des marches, elle n’a pas mis ses mains sur ses hanches comme les stars le font habituellement. Elle les a posées sur sa bouche, de sorte à mimer un bâillon, une parole étouffée. Un geste reproduit à l’unisson par toute l’équipe de son court-métrage « Moi aussi », qu’elle venait d’ailleurs présenter. En solidarité, d’autres actrices, notamment du film « September Says » ont également repris ce signe.
Miyazaki reçoit la Palme d’or d’honneur pour le Studio Ghibli
Voilà un des moments forts de la 77e édition du Festival de Cannes ! L’immense Miyazaki, auteur des films d’animation oniriques et philosophiques du Studio Ghibli, a été sacré de la Palme d’or d’honneur. Un trophée qui récompense tout son génie créatif et sa fantaisie débordante.
Cependant, il n’a pas pu le récupérer en main propre. À la place, il a fait une petite vidéo de remerciement qui a suscité de nombreux éclats de rire. Le public a pu y découvrir un Miyazaki bien moins scolaire que d’habitude et plus taquin que jamais. Les deux fondateurs du Studio Ghibli ont fait un speech qui avait tout d’un sketch. Ça a mis une bonne ambiance dans la salle !
Ces moments forts ont laissé leur empreinte dans l’histoire du Festival de Cannes. Ce rendez-vous cinématographique est l’occasion de découvrir des œuvres pointues et prodigieuses, mais aussi de donner de la résonance à de nobles causes.