Le dimanche 4 juin 2023, des millions de Français.es célébreront la Fête des Mères. Ce ne sera néanmoins pas le cas de tou.te.s, certain.e.s préfèreront fêter « les gens qu’on aime » ou « la Fête des parents ». Ces nouvelles appellations sont en effet de plus en plus préférées dans les écoles, préférant ces termes moins excluants. Pourquoi donc faire ce choix ?
La Fête des Mères, une tradition bien ancrée
Depuis des décennies dans notre société, les enfants sont à l’affût d’une idée cadeau pour la fête des Mères. Inlassablement, les colliers de pâtes, soins, bouquets de fleurs, t-shirts personnalisés comme ceux proposés par des marques qui redoublent d’inventivité, et autres jolies créations reviennent au début de l’été.
Ces années de traditions nous ont donné l’occasion de nous réinventer, faire preuve d’humour et de créativité dans ces cadeaux personnalisés pour nos parents.
Une fête mondiale
L’Histoire remonte à la Grèce Antique les premières célébrations en l’honneur des mères. Les cérémonies printanières, temps de la fertilité, servaient alors d’hommage à Rhéa, la mère des dieux. Le 1er mars, des fêtes religieuses romaines célébraient les matrones. Puis, au XVe siècle nos voisin.e.s anglais.es commencent fêtent le Mothering Sunday au début du carême puis le quatrième dimanche du carême.
La première version de la Fête des Mères telle qu’on la connaît peut être datée de 1908. En cette année-là, les États-Unis instaurent le Mother’s Day en souvenir de la mère de l’institutrice Anna Jarvis. 5 ans plus tard, le Royaume-Uni adopte cette fête. Puis c’est le tour de l’Allemagne en 1923.
L’arrivée tardive de la Fête des Mères en France
En 1896, le médecin, démographe et statisticien Jacques Bertillon crée le mouvement de l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population de la France. Dans ce cadre, il met en place une efficace propagande nataliste auprès des dirigeants et des mouvements politiques conservateurs. Des années durant, l’Alliance fait prospérer des idéaux natalistes qui inspirent la création d’une journée officielle pour célébrer les parents de familles nombreuses. C’est ainsi qu’Artiste Briand reconnaît officiellement la « Journée des mères de Familles nombreuses » le 20 avril 1926.
Enfin, arrive la fameuse anecdote de Philippe Pétain. Ce dernier décide, en pleine Seconde Guerre mondiale, de donner une reconnaissance supérieure aux mères de famille. Cette célébration devient alors selon Pascal Riché, « une célébration quasi-liturgique » dans laquelle la mère est mise sur un piédestal par le régime de Vichy. Nous pouvons encore entendre cette allocution datée de 1942 dans laquelle Pétain exprime son admiration des mères.
« Vous seules savez donner à tous ce goût du travail, ce sens de la discipline, de la modestie, du respect qui font les hommes sains et les peuples forts. Vous êtes les inspiratrices de notre civilisation chrétienne. »
Et si on fêtait les gens qu’on aime ?
À l’ère contemporaine, nombreuses sont les pratiques traditionnelles qui sont remises en question.
La fin d’un schéma familial unique
On reproche notamment à la Fête des Mères d’être commerciale, polluante et d’occulter les nouveaux schémas familiaux. Résoudre ces deux premières limites est assez aisé. Vous pouvez choisir de fabriquer vos cadeaux vous-même ou de les acheter dans des commerces équitables. Un cadeau personnalisé (t-shirt, affiches, puzzle, accessoires, etc.) pour la Fête des Mères est toujours du meilleur effet. Il est possible de privilégier des productions locales et responsables.
Pour contrer l’exclusion de certain.e.s dans la Fête des Mères, des enseignant.e.s ont fait le choix de « la Fête des gens qu’on aime« . L’idée est de suivre l’évolution de notre société sans laisser à part les enfants issu.e.s de familles monoparentales, homoparentales, les orphelin.e.s ou encore les victimes de violences domestiques. La présidente de l’association Les Enfants de l’arc-en-ciel l’admet au média La Croix :
« La Fête des Mères et des Pères est une façon de fêter les parents d’une manière clivante et qui ne correspond plus à la diversité des familles aujourd’hui. »
Le principe la « Fête des gens qu’on aime » à l’école n’entend pas abolir les deux célèbres fêtes déjà bien placées. Il s’agit plutôt de donner l’opportunité aux enfants qui ne conviennent pas à ce schéma traditionnel de tout de même participer à cette journée de festivité.
Alors, celleux qui ont un père et une mère peuvent toujours offrir un cadeau personnalisé à chacun de leurs parents. On laisse aux autres la liberté de composer un présent pour leurs deux pères, deux mères, parent unique ou toute autre personne qui compte pour elleux. Certain.e.s proposent même de réunir toutes ces festivités en un seul jour et non plus en deux occasions distinctes.
Qu’en dit l’Éducation nationale ?
Il n’est pas possible de dénombrer précisément les écoles qui font le choix de la « Fête des gens qu’on aime » en lieu et place de la « Fête de Mères ». Ceci pour la simple raison que ce sont des initiatives locales.
Lorsqu’on lui demande de s’exprimer à ce propos, le ministère de l’Éducation nationale laisse le champ libre au corps enseignant. Il assure ne délivrer aucune instruction à ce propos en raison de la liberté pédagogique des enseignant.e.s. Le syndicaliste du Snuipp-FSU François Schill affirme dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace que :
« Si le phénomène est difficilement quantifiable, il est normal que les enseignant.e.s évoluent avec la société. »
Une évolution qui n’est pas du goût de tou.te.s
Relayée sur Twitter, cette initiative a suscité de larges polémiques. Alors que des institutrices expliquaient avoir mis en place la « Fête des gens qu’on aime » aux jours de la Fête des Mères et des pères, de nombreux.ses internautes se sont insurgé.e.s.
Ces dernier.ère.s considèrent que cela revient à une abolition assurée d’une tradition chère à leur culture. Nombreuses également sont les personnalités politiques qui ont affirmé leur colère. Nous pouvons notamment citer le psychiatre Pierre Lévy-Strauss relayé par l’AFP : « Les parents ne se réduisent pas à des gens qu’on aime ».
Nous trouvons au milieu de ces avis tranchés, la psychologue clinicienne spécialisée dans l’enfance et l’adolescence, Béatrice Copper-Royer. Elle reconnaît le changement de paradigme sociétal, mais suggère tout de même de trouver un juste-milieu à cette initiative :
« Cette nouvelle dénomination est le reflet des évolutions de notre société. La typologie de la famille n’est plus la même qu’autrefois et il est important de ne pas stigmatiser les enfants. (…) L’idéal serait sans doute de parler de Fête des Mères, des Pères ou de ceux qu’on aime pour donner la possibilité aux enfants de choisir. »
Cette année, la Fête des Mères aura une nouvelle allure. Il s’agira de laisser les enfants choisir quelle personne chère à leur cœur iels veulent célébrer. Finalement, qu’importe l’appellation qu’on lui donne, ce sera toujours une journée placée sous le signe de l’amour. Que vous offriez un t-shirt brodé spécialement pour votre père, votre mère ou un.e ami.e cher.ère, l’idée est la même : célébrer les gens qu’on aime. Il y a simplement plus d’enfants invité.e.s à la fête.
