Depuis le début du Carême le 5 mars 2025, un mouvement sans précédent secoue l’Église catholique, porté par une initiative aussi courageuse que symbolique. Ce n’est ni un appel à la prière, ni une simple réflexion spirituelle, mais un mouvement social en plein cœur du monde religieux : les femmes catholiques, à l’initiative de l’association « Comité de la jupe », ont décidé de prendre la parole. Et pas de n’importe quelle manière ! Cette année, leur Carême sera celui de la grève spirituelle, une manière forte de revendiquer plus d’égalité au sein de l’Église. L’objectif : mettre en lumière leur rôle essentiel mais trop souvent sous-estimé et, surtout, demander une véritable reconnaissance de leurs contributions au sein de la communauté ecclésiale.
Les femmes : des actrices invisibles mais indispensables
La grève spirituelle lancée par le « Comité de la jupe » s’appuie sur un constat simple : l’Église catholique repose sur les femmes. De l’entretien des églises à la préparation des cérémonies, en passant par l’animation des catéchismes, des milliers de femmes assurent au quotidien des tâches cruciales au bon fonctionnement des paroisses. Elles sont les chevilles ouvrières de la vie religieuse, celles qui assurent des fonctions indispensables dans l’ombre. Pourtant, ces mêmes femmes n’ont pas accès aux responsabilités officielles, ces dernières étant réservées aux prêtres… tous des hommes. Et ce n’est pas un détail.
À travers cette grève, les femmes catholiques entendent faire prendre conscience de cette contradiction flagrante. Sans elles, le bon déroulement de la vie paroissiale serait en péril. Malgré leur investissement, elles sont pourtant exclues des postes de décision, de direction et de représentation. C’est ce décalage, ce manque de reconnaissance officielle qui est au cœur du mouvement. Le message est clair : « Sans nous, rien ne fonctionnerait, alors pourquoi ne pas nous donner la place que nous méritons ? ».
Le jeûne du patriarcat : une décision forte
La grève spirituelle ne consiste pas seulement à suspendre des activités ou à revendiquer une place plus équitable. Pour certaines femmes, comme Mathilde, avocate parisienne et fervente pratiquante, le Carême devient une véritable période de réflexion et de protestation active. Mathilde a ainsi décidé de ne plus se rendre à la messe dominicale durant toute la période de Carême, une façon symbolique de boycotter un système qui marginalise les femmes. Pour elle, ce geste n’est pas un rejet de la foi, loin de là. Il s’agit plutôt d’un « jeûne du patriarcat », un appel à l’égalité au sein de l’Église.
Ce n’est pas tant une remise en cause de la religion en elle-même, mais une dénonciation de l’inégalité persistante entre les sexes, notamment au sein de la hiérarchie ecclésiastique. Celles qui participent à cette grève ne veulent pas quitter leur foi, mais elles demandent que l’Église évolue, que les femmes obtiennent plus de places de responsabilité, et que leurs rôles essentiels soient enfin reconnus et valorisés.
Un décalage entre la société et l’institution religieuse
Cette grève spirituelle s’inscrit dans un contexte plus large : celui de la transformation des mentalités dans la société. Alors que les mœurs évoluent et que des décennies de lutte pour l’égalité des genres ont mené à des avancées importantes dans de nombreux secteurs, l’Église semble demeurer figée dans un passé patriarcal. Aujourd’hui, plus de 80 % des bénévoles dans les paroisses sont des femmes. Et pourtant, ces mêmes femmes sont exclues des rôles décisionnels, la direction des paroisses, et, bien sûr, de l’accès à la prêtrise. Ce fossé entre une société plus égalitaire et une institution encore largement dominée par des structures patriarcales devient de plus en plus difficile à ignorer.
Les historiennes et spécialistes de la religion soulignent que la question de la place des femmes dans l’Église a toujours été complexe. Longtemps dominée par des structures patriarcales, l’Église catholique peine à moderniser ses pratiques et ses croyances vis-à-vis des femmes, bien que la société civile ait largement évolué dans ce domaine. C’est ce contraste qui nourrit la frustration des croyantes, et qui alimente ce mouvement inédit.
Une mobilisation plurielle
Ce mouvement n’est pas une action isolée, mais bien un appel à une mobilisation collective. Les organisatrices proposent plusieurs formes de soutien, permettant à chacune de s’impliquer selon ses moyens et son engagement. Celles qui souhaitent participer sans rompre complètement avec leur pratique religieuse peuvent par exemple porter un badge ou un pin’s revendicatif lors des cérémonies. Ce geste simple permet de témoigner de leur soutien à la cause, tout en continuant leurs engagements.
D’autres, en revanche, choisissent de suivre à la lettre les recommandations du « Comité de la jupe » et d’abstenir de toute activité paroissiale pendant toute la durée du Carême. Ce choix « radical » vise à attirer l’attention sur le poids de l’invisibilité des femmes au sein de l’Église. La grève spirituelle se veut ainsi une prise de position claire : les femmes demandent la reconnaissance de leur rôle au sein de l’institution religieuse et des espaces de responsabilité plus justes.
Un avenir plus égalitaire pour l’Église ?
Ce mouvement soulève une question fondamentale : comment l’Église peut-elle évoluer pour répondre aux aspirations légitimes des croyantes tout en respectant ses traditions ? Cette grève spirituelle est plus qu’un simple acte de protestation : elle représente une véritable occasion de réinventer l’Église, de lui donner une dimension plus inclusive, où hommes et femmes puissent véritablement collaborer à égalité. La question reste ouverte, mais le débat est désormais lancé.
Que ce mouvement trouve ou non un écho au sein des instances dirigeantes de l’Église, il marque un tournant. Le Carême de cette année 2025 pourrait bien devenir un moment charnière, celui où la question de l’égalité des genres sous les voûtes des églises sera enfin abordée de manière sérieuse et concrète. Peut-être que, dans un futur proche, les femmes trouveront enfin la place qu’elles méritent au sein de cette institution qui a toujours été une part essentielle de leur vie spirituelle.