En tant que mère, le regard que porte notre enfant sur nous importe beaucoup. Et il se peut que nous soyons confrontées un jour à la fameuse question : « maman, pourquoi tu es grosse ?« . Ou que notre enfant ne veuille plus que l’on aille le chercher à l’école parce que ses petits camarades se sont moqué.e.s de notre apparence physique. Aujourd’hui, on fait un point sur la question et vous donnons tous nos conseils pour dédramatiser et surtout, avoir les bons mots pour expliquer.
« Quand tu viens me chercher, les autres se moquent de moi parce que t’es grosse »
Alexa, 36 ans et mère d’une petite fille, s’est confiée à Magicmaman.com. Elle raconte :
« Elle ne m’avait jamais fait de réflexions avant. Et ce mercredi midi là, elle m’a demandé de ne pas l’attendre devant les grilles de l’école. Lorsque j’ai demandé pourquoi à ma fille de 7 ans, elle m’a répondu : « Quand tu viens me chercher, les autres se moquent de moi parce que t’es grosse. »
Le choc, la honte et la tristesse ont envahi Alexa. Et on la comprend. Mais cela nous fait surtout pointer du doigt la grossophobie qui envahit même les cours d’écoles primaires. Comme l’explique la psychologue, psychothérapeute et présidente du GROS, Sylvie Benkemoun :
« On sait que la grossophobie existe chez les enfants dès 3 ans. Il me semble important d’évoquer à la fois ce climat, ces réflexions banalisées et cette auto-disqualification des personnes obèses qui peuvent légitimer les préjugés chez les enfants. Souvent, c’est le parent qui craint que son enfant ait honte. C’est d’ailleurs un motif courant de demande d’amaigrissement chez les femmes obèses désirant un enfant. Mais je sais que cette honte existe chez certains enfants. Le mimétisme avec ce qu’ils peuvent entendre est fort. »
Elle-même en surpoids et mère d’une petite fille, a appris à s’accepter grâce à son enfant :
« Elle m’a beaucoup aidée en me disant qu’elle était fière de moi, depuis toute petite. Et en sentant de suite quand j’avais tendance à me mettre à l’écart. »
Selon Anne-Sophie Joly, présidente fondatrice du CNAO, il est important d’adopter une posture pédagogique vis-à-vis des enfants afin de mettre fin au cercle vicieux de la honte provoquée par la grossophobie ambiante.
Déconstruire les idées autour de la grossophobie
Et elle a raison, car être une mère en surpoids ne fait pas de vous une mauvaise mère. Vous êtes totalement capable de lui apporter l’amour et la stabilité dont il a besoin. L’important ici est de lui expliquer que l’obésité est avant tout une maladie. Vous lui avez appris à ne pas se moquer des personnes en fauteuil roulant par exemple. Alors il faut en fait de même avec la maladie qu’est l’obésité.
Il faut arriver à déconstruire ce que la société lui mettra très tôt en tête : une personne est grosse parce qu’elle le veut bien. Bien souvent, le surpoids d’un adulte n’est pas un problème pour un enfant. Il le devient lorsque ses camarades lui font remarquer que le parent en question ne ressemble pas aux autres parents. Anne-Sophie Joly raconte :
« Avant les vacances d’été, je me souviens que mon fils de 5 ans m’a fait deux, trois remarques sur le fait que je n’avais pas la même corpulence que les mamans qui déposent leurs enfants à l’école. Je lui ai demandé si ça le gênait lui. Et il m’a répondu qu’il disait ça parce qu’un tel et un tel lui avait dit que j’étais grosse. Ça m’a renvoyée à ce que je vis depuis des années. Pas de la honte car j’ai fait un travail sur moi en suivant une thérapie. Mais ça m’a fait mal quand même. Parce que quand c’est la chair de votre chair qui vous le dit. C’est le regard et l’implication qu’il y met derrière qui entrent en jeu… Et le but d’une maman n’est pas de faire du mal à son enfant de façon indirecte. »
À ce moment-là, Anne-Sophie Joly a décidé d’expliquer à son fils pourquoi les remarques de ses camarades sont problématiques. Elle invite d’ailleurs tous les parents concerné.e.s par le surpoids ou l’obésité à le faire avec leur.s enfant.s.
« Avec les tous petits, il faut éviter les mots qui peuvent heurter »
Tout d’abord, elle a commencé par expliquer à son fils que ses camarades ont le droit de dire qu’elle est grosse. Car c’est une simple vérité, pas une injure. Elle lui a ensuite expliqué que toutes les personnes ne se ressemblent pas. Certaines sont grandes, d’autres petites. Certaines ont la peau noire ou mat, et d’autres, blanche. Elle lui a ensuite expliqué que l’obésité est une maladie très complexe que les scientifiques eux-mêmes n’arrivent pas encore à décrypter totalement pour l’enrayer :
« Avec les plus petits, il faut éviter les mots qui peuvent heurter – comme « morbide », par exemple – il faut vulgariser, dédramatiser. Il m’a déjà demandé : « Pourquoi je ne suis pas comme toi ? Je ne suis pas gros !« . J’ai pris le temps de lui expliquer que son identification à notre cellule familiale ne reposait pas sur la dimension corporelle, que je fais tout pour qu’il ne soit pas gros mais qu’il ait tout ce qui lui faut à manger pour bien grandir. »
Ne pas hésiter à demander de l’aide
Si le besoin s’en faire ressentir, Anne-Sophie Joly vous conseille de ne pas hésiter à contacter un psychologue afin de lui faire-part de votre mal être vis-à-vis de votre enfant :
« Il est essentiel de ne pas transférer ce qu’on ressent sur les épaules d’un petit bonhomme ou d’une petite fille. Ce n’est pas à eux de porter notre mal-être. Je suis convaincue qu’un enfant, aussi jeune soit-il, a la capacité de comprendre et d’analyser ça, car les enfants ont une empathie incommensurable envers ceux qu’ils aiment. »
Et à tou.te.s les pères et mères qui se cachent loin du portail de l’école pour ne pas faire « honte » à leur.s enfant.s, elle adresse un très beau message :
« Ce n’est pas leur rendre service, ni rendre service à ceux qui les incriminent car, si on leur laisse la place de pouvoir continuer à faire du mal, inconsciemment ils vont jubiler de cette puissance. Je dis toujours aux patients : je suis comme je suis, et je me suis interdit de baisser les yeux et de regarder mes pieds, c’est un principe de survie. »
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