Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’humiliation des personnes obèses ne s’arrête pas à l’espace public. Elles subissent aussi de la grossophobie dans leur intimité. Et plus précisément, au coeur de leur sexualité. Résultat : de nombreuses femmes appréhendent et se dévalorisent au plus haut point. Quitte à accepter d’être humiliées « parce qu’elles ne méritent pas mieux que ça« . Il est temps que tout ceci cesse. Grossophobie et sexualité : stop à la stigmatisation !
Les femmes rondes : un choix par défaut pour les hommes ?
Dans son webdocumentaire « La grosse vie de Marie » diffusé sur France.tv, la journaliste Marie de Brauer aborde le sujet tabou de la sexualité des personnes grosses. Elle-même en surpoids, elle raconte ses rencontres avec des hommes grossophobes, persuadés de lui faire une faveur ou encore, fat admiror. Bien sûr, ces rencontres malheureuses ne définissent pas sa vie amoureuse. Mais elles existent. Et il est temps d’en parler pour briser le tabou :
« Dans notre tête, on se dit que l’on est un choix par défaut. Si quelqu’un veut bien de nous, c’est mieux que rien. On se dévalorise, on estime qu’on ne mérite pas mieux. »
Sur les applis de rencontres, Marie explique qu’elle a pris le parti de dévoiler immédiatement son corps rond :
« Au moment de créer mon profil, je me suis dit qu’il fallait que je montre des photos de moi en entier, comme ça je peux filtrer des gens qui ont l’esprit étroit et qui ne seront d’office pas attirés par une femme qui n’est pas dans la norme. Dès le départ, c’est bizarre de se poser ce genre de questions. Mais je sais aussi que c’est le jeu des applis de rencontres, autant ne pas vendre autre chose que ce que je suis. »
Remarques grossophobes sur les applis de rencontres
Son honnêteté ne l’a pas protégé des remarques grossophobes de « frustrés planqués derrière leur écran de téléphone » :
« J’ai déjà reçu des « pas pour moi« , « trop grosse » de personnes avec qui j’avais matché, c’est très bizarre de le verbaliser et de prendre le temps d’envoyer ça. »
Une dévalorisation renforcée par l’absence de représentation dans les médias, l’industrie cinématographique, les supports publicitaires, sur les podiums des défilés (malgré le changement engendré par le mannequin grande taille Ashley Graham) :
« Dans tous les films, la personne grosse va toujours être la bonne copine, le bon pote, celle qui doit faire rire. On ne parle jamais du fait qu’elle pourrait avoir un.e conjoint.e. Ce message-là a des conséquences réelles. »
Grossophobie et sexualité : un sujet qui s’invite même au coeur du couple.
Fétichisme et objectification
Comme l’explique Marie de Brauer dans son reportage :
« La fille obèse on couche avec, mais on ne la présente pas à ses ami.e.s.Toute la société est grossophobe. Donc les gens qui sont amoureux de quelqu’un qui est gros ne vont pas vouloir l’afficher au grand jour. Socialement, ça ne va pas représenter ce qu’est la femme parfaite, ça ne donne pas une bonne image d’être avec une femme grosse. »
Anna, qui fait également partie du reportage, confit :
« L’un des problèmes que j’ai rencontrés quasiment à chacune de mes relations c’est que les hommes n’assument pas d’être attirés par les femmes grosses. À plusieurs reprises j’ai eu des relations avec des hommes qui m’ont « cachée » dans un coin parce que « tu comprends je peux pas vraiment me montrer avec toi » ou « on ne peut pas se mettre ensemble même si je veux être avec toi c’est pas possible on est trop différents ». Dans ma vie quotidienne, je ne vis pas mal ma grosseur, mais quand dans le regard de la personne que j’aime/désire je vois le rejet de ma personne c’est très très difficile de s’accepter. »
En revanche, les corps féminins gros suscitent beaucoup de fantasmes, fétichismes et autres clichés sexuels, surtout chez les hommes.
« Toi qui as l’air d’aimer la bouffe, tu dois bien sucer »
Marie a déjà reçu des « Toi qui as l’air d’aimer la bouffe, tu dois bien sucer« . Et Anna, « Je veux jouir entre tes bourrelets » ou « Une grosse au teint mat, je n’ai jamais essayé« . Grossophobie et sexualité, un combo qui fait des ravages. Anna explique :
« Étant grosse et noire, je subis souvent les deux types de fétichisation en même temps, mais aussi de manière distincte… »
Depuis plusieurs années, la rédaction de The Body Optimist n’en finit plus de dénoncer les clichés sexuels qui gravitent autour des femmes rondes : gourmandes, sexy, avec un gros appétit sexuel, elles n’auraient rien d’autre à se mettre sous la dent…
Grossophobie et sexualité : il est temps de dire stop !
C’est pour lutter contre cette fétichisation et cette violence sociale que Shérazade, de la page Instagram Stop Grossophobie, a créé un nouveau compte Instagram nommé « Femmesgrosses vs Datingapps ». Elle y publie des témoignages de victimes de propos grossophobes et/ou fétichistes sur les applications ou sites de rencontres.
Elle raconte à Aufeminin.com :
« J’ai rencontré mon amoureux sur un site de rencontres et certains hommes avec qui j’ai discuté ne se gênaient pas pour proposer directement des plans cul ou parler sexe en insistant sur le fait que comme j’étais grosse, je devais assurer au pieu et que je devais avoir des rondeurs bien placées. Pour eux je n’étais qu’un gros cul et des gros seins et forcément une bête de sexe ou une mocheté, car grosse. C’est en lisant et suivant des comptes Instagram comme « Femmes noires VS Datingapps » que j’ai eu l’idée de créer mon compte principal « Stopgrossophobie » et celui-ci. Je me suis rendu compte qu’il n’existait pas de comptes pour dénoncer la grossophobie, la fétichisation des corps gros. »
Avec tout cela, on se rend compte d’une chose : la société accepte que les personnes grosses aient une sexualité, uniquement si elle est fétichisée. Bonjour l’estime et la vision de soi… OUI les femmes grosses ont une vie sexuelle comme les autres. Et NON, leur corps n’est pas un objet de fantasme. Être grosse n’est pas ce qui définit une femme, ni ses performances au lit et la façon dont elle fait l’amour. Un peu de respect bon sang !
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