Grossophobie : une discrimination sociale toujours d’actualité ?

Aujourd’hui, la rédaction va vous raconter une histoire. Comme beaucoup de Français.es, Cécile est victime de grossophobie, de racisme anti gros.ses et ceci, depuis sa plus tendre enfance. Elle est obèse et pèse 115 kilos pour 1m65. L’histoire de Cécile aurait pu s’arrêter à cette simple description physique… Si cela n’avait pas eu un impact considérable sur tous les aspects de sa vie.

Entré dans le dictionnaire en 2019, le terme « grossophobie » est connu de tou.te.s. Nous en savons la définition et nous intéressons de loin aux conséquences. Par pudeur peut-être, parce que nous n’avons pas de proches concerné.e.s et/ou que nous avons nous-mêmes tendance à être un peu grossophobe sur les bords. Mais, comme toutes les autres formes de racisme, la grossophobie a de lourdes conséquences. La grossophobie peut tuer.

Deux types de grossophobie

La grossophobie, les personnes obèses et/ou en surpoids la connaissent par coeur. Mais pour celles qui n’y ont jamais été confrontées, sa définition peut paraître floue, lointaine. Alors, pour vous éclairer, sachez qu’il y a deux formes de racisme anti gros.se :

  • La grossophobie ordinaire : celle du quotidien. Les remarques, commentaire, attitudes inappropriées, regard de travers voire insultes directes liées au poids.
  • La grossophobie systémique : la fameuse discrimination cachée. Le fait que les sièges de restaurant/bar/train/avion ne soient jamais adaptés. Que les vêtements dans les enseignes classiques s’arrêtent au 42/44. Ou alors, que les ambulancier.ère.s ne prennent pas en charge une personne qui pèse plus de 130 kilos.

Bien que plus discrète, cette dernière discrimination est la pire. Cécile nous raconte :

« Il y a encore 8 mois, je pesais 125 kilos. Je sais ce que ça fait de regarder si on passe entre les chaises au restaurant. Ou de subir des regards désapprobateurs lorsqu’on mange une glace dans la rue, en plein été. »

Effectivement, pour le commun des mortel.le.s, le.a gros.se est gros.se, parce qu’il.elle le veut bien. Parce qu’il.elle est feignant.e et grignote des chips toute la journée devant la télé. Parce qu’il.elle ne peut résister à une bonne part de gâteau alors que d’autres se tuent en salle de sport 3 fois par semaine.

Mais si on vous disait qu’être gros.se, c’est bien plus complexe que cela ? Et si on vous disait que les gros.ses ne se complaisent absolument pas dans le surpoids et/ou l’obésité ? Et si on vous disait que la grossophobie fait presque plus de ravages que l’obésité ?

Grossophobie dans le milieu professionnel en France

Difficile d’avoir un chiffre précis à propos des personnes qui se disent ouvertement grossophobes. En revanche, on sait grâce à une enquête Odoxa publiée en mars 2021, que 18 % de Français.es dont 23 % de personnes obèses ont indiqué avoir subi une discrimination physique à l’embauche. Ce chiffre monte à 23 % pour les personnes en situation d’obésité massive.

Les chiffres indiquent aussi que ce sont les jeunes et les femmes les plus touché.e.s. Dans le détail, 47 % des jeunes femmes en surpoids ou obèse interrogées se sont déjà senties discriminées. C’est 10 points de plus que la moyenne des femmes de leur âge, de leur sexe mais à la corpulence « normale ». C’est-à-dire, mince.

Pire encore, ces discriminations seraient très fréquentes. Dans le détail : 54 % hebdomadaires et 74 % mensuelles pour l’ensemble de la population. Et de 70 % à 92 % pour les personnes en situation de surpoids ou d’obésité. On en dénombre autant dans l’espace public et professionnel (50 %), que dans la sphère médicale ou privée (19 %). Ainsi donc, au cours de sa vie, une jeune femme obèse est quasi certaine à 100 % d’avoir à faire face à la grossophobie au minimum une fois dans sa vie personnelle et professionnelle.

« À mon précédent poste, le patron de l’agence m’a demandé plusieurs fois si, comme mes autres collègues féminines, je n’avais pas prévu d’entamer un régime. La raison ? Que nous puissions toutes rentrer dans le même tailleur bleu marine pour la photo de Noël en fin d’année. À la fois sexiste et grossophobe ! », nous raconte Cécile

Se fracturer une côte pour paraître toujours plus mince

Ne vous leurrez pas, cette grossophobie n’est pas exclusivement made in France. Y compris dans des pays où l’obésité touche quasi (ou plus) la moitié de la population (Mexique, États-Unis, Canada…). Dernièrement, la rédaction s’est intéressée à la grossophobie dans le milieu de la Kpop. Un mélange de pop, danse hip-hop et électro venu de Corée du Sud. Ce style de musique est représenté par des « idols », de jeunes adultes aux traits parfaits et aux looks très atypiques.

En Corée, il faut savoir que le culte de la beauté est très ancré (minceur, nez fin, mâchoire en V, longues jambes fuselées…). Là-bas, avoir un physique parfait est considéré comme un signe de beauté intérieure. La tradition veut que la nourriture et les boissons ingérées « n’encrassent » pas le corps mais le purifient. Bien entendu, ce mode de vie doit être visible aussi bien dans le miroir que sur la balance.

Et gare aux personnes jugées un peu trop rondouillardes par le grand public. Aussi star soient-elles, elles n’échappent pas aux critiques sur leur physique et aux insultes. Quitte à les pousser à suivre des régimes tels que le « paper cut diet » qui consiste, en une journée, à ne manger que le contenu de 3 gobelets. Des mini portions qui sont loin de combler les besoins nutritionnels d’un être humain normal.

Bien entendu, les troubles alimentaires apparaissent très vite. Il semblerait même qu’une idole se soit fracturé une côte à cause d’une perte de poids trop rapide. Oui, la grossophobie peut aussi toucher (et détruire) la vie de personnes qui sont de corpulence mince.

Comment lutter contre la grossophobie ?

Si vous discriminez une personne en raison de son poids, sachez que rien de bon ne ressortira de tout cela. Nous ne sommes pas dans un film où, l’ado costaud, vexé par les remarques de ses camarades, fera du vélo tout l’été et arrivera à la rentrée de septembre avec 15 kilos en moins. Nous ne sommes pas à Hollywood, la réalité est bien plus complexe que cela.

Nous l’avons démontré, la grossophobie et/ou les remarques sur le physique (body shaming) n’épargnent personne, quelle que soit la corpulence. Et le bourreau peut très vite se retrouver victime. Fort heureusement, la libération de la parole sur les réseaux sociaux, le mouvement body positive et l’avancée spectaculaire de la mode grande taille ont fortement aidé à positionner la grossophobie au coeur du débat public.

Laissons le mot de la fin à Cécile :

« Ne nous leurrons pas, un long combat reste encore à mener. La grossophobie, le racisme anti gros.se, n’existera plus lorsque ces dernier.ère.s ne seront plus considéré.e.s comme tel.le.s. Lorsque ces personnes ne seront plus définies uniquement par le chiffre sur la balance. Lorsque les magazines les représenteront mieux. Ou lorsque les hôpitaux et les avions pourront les accueillir dignement. Et enfin, lorsqu’on cessera de dire « tu as grossi ou tu as maigri » à quelqu’un pour simplement lui demander comment il.elle va. »

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Amandine Cadilhon
Amandine Cadilhon
Journaliste mode, mes articles, mettent en lumière les diverses tendances et styles qui façonnent l'univers de la mode féminine. Mon objectif est de proposer un contenu diversifié et accessible à toutes et tous, en soulignant l'importance de l'expression personnelle et de l'empowerment à travers la mode.
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