Tout comme les violences envers les femmes, la grossophobie ou encore le racisme, le harcèlement scolaire à cause du poids est un véritable fléau. Un fléau que nous ne cessons de dénoncer depuis des années. Aujourd’hui, c’est au tour de Nina de prendre la parole à l’occasion d’un témoignage poignant.
Le téléfilm sur Jonathan Destin : « J’ai brûlé mon cœur »
« Bonjour Ma Grande Taille ! Comme beaucoup de Français, j’ai regardé le téléfilm sur Jonathan Destin, victime de harcèlement scolaire et de grossophobie durant des années, si bien qu’il a fini par s’immoler par le feu afin de « brûler son cœur ».
Je ne vous le cache pas, j’ai littéralement fondu en larmes. Moi qui enfouissais depuis des années ces souvenirs pénibles, cela a fait tout rejaillir. Les insultes, les moqueries, les regards haineux, les coups fourrés, les brimades de mes anciens camarades… Je n’ai rien oublié, j’ai tout gardé bien caché au fond de moi, espérant oublier. Oublier définitivement. J’ai subi le harcèlement scolaire à cause de mon poids.
Avec ce téléfilm, j’ai pris une claque. Je me suis rendue compte que c’était justement à cause de ce genre de comportement, du fait de ne rien dire, que des adolescents pouvaient en arriver au pire, au suicide ou pire, à s’immoler par le feu. C’est un acte d’une incroyable violence mais je n’ai aucune peine à imaginer ce qu’on peut ressentir pour en arriver là.
Grossophobie à l’école : « Bouge de là, la grosse ! »
Si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous raconter mon histoire. Coucher ces mots sur le papier m’a fait l’effet d’un deuxième accouchement, libérateur et thérapeutique. Je n’en ai pas parlé depuis des années, j’y pense même rarement maintenant… En quittant le système scolaire, j’ai coupé les ponts avec tous ceux qui avaient assisté à mes humiliations presque quotidiennes. J’ai tout brûlé moi aussi.
Ça a commencé dès le collège : « Grosse vache », « Bouboule », « Ton meilleur ami c’est le frigo ! », « T’es aussi haute que large ! », « Ça va bouli ? », « Bouge de là la grosse ! ». Je faisais semblant d’en rire, semblant que ça ne me touchait pas d’être la dernière choisie en sport ou celle qu’on mettait toujours dans les cages au football puisque de toute façon « Tu ne peux pas courir vite et avec tes grosses fesses tu arrêteras le ballon« .
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Je me souviens aussi de ce garçon qui sortait avec ma meilleure amie de l’époque. Très timide, elle n’osait jamais lui parler. Bonne copine, je faisais passer les messages entre eux. A force de discussion pendant des heures, nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre, il m’a même écrit une lettre… Bien évidemment, lorsqu’il a fallu « officialiser », plus rien. Il n’assumait pas, ni sur le chemin pour aller à la cantine, ni dans le bus.
Responsabiliser les adolescents face aux propos qu’ils tiennent
Bien évidemment, cela a continué durant le lycée et durant une année en particulier où j’étais partie dans un centre d’enfants pour perdre du poids. J’étais scolarisée dans un autre établissement, dans une toute petite classe de 7 élèves.
D’habitude pas très attentive en classe et un peu cancre, j’avais décidé de travailler, d’être exemplaire. Alors très vite, j’ai été catégorisée comme l’intello de service, celle qui ne fait que travailler et jamais s’amuser (c’est à mourir de rire lorsqu’on me connait vraiment). Ce sont surtout les 3 filles de la classe qui m’ont malmenée, faisant des petites réunions pour dresser des listes de ce qu’elles allaient me dire, me faire, collant des étiquettes cochon sur mon bureau dans la classe,…
Au bout de quelques mois, j’ai fini par en parler à mes parents, j’étais tellement faible mentalement que j’ai développé une grippe A. Une semaine sans retourner au lycée ! A mon retour, plus aucun soucis, des excuses en bonne et due forme et des explications avec mes camarades. Je pense qu’un coup de fil de mon père assez virulent a réveillé l’équipe éducative qui est intervenue rapidement en mon absence…
Je les ai haïs pour ce qu’elles m’avaient fait. Ma seule faute avait été de vouloir bien travailler et d’être une grosse qui avait envie de perdre du poids. Arrêtons de nous mentir, les enfants qui sont le plus soumis au harcèlement scolaire sont les petits gros. Ben oui, le gros est une cible facile, le gros est gentil donc de toute façon il ne s’offusquera pas. Ben voyez-vous, le gros aussi a un cœur, il ressent des choses ! Et parfois, il a tellement mal, il se sent tellement perdu qu’il finit par essayer de brûler son cœur.
Harcèlement scolaire à cause de mon poids : on en sort
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que tout cela est derrière moi. Suite à une grosse perte de poids, je me sens bien mieux dans ma peau, tout est équilibré dans ma vie et je me sens chanceuse d’avoir pris une si belle revanche mais je n’ai rien oublié de ce qu’ils m’avaient fait. Le harcèlement scolaire à cause de mon poids m’a brisée mais je m’en suis sortie.
Je ne regrette pas d’en avoir parlé. Lorsqu’on est dans cette situation, c’est ce qu’il faut faire ! En parler, ne pas laisser les choses continuer, dénoncez, donnez des noms, VOUS êtes la victime, VOUS ne méritez pas ce qui vous arrive ! Le harcèlement ne devrait plus être un sujet tabou en milieu scolaire. On fait bien des cours d’éducation sexuelle alors pourquoi pas en faire sur la grossophobie à l’école ?
Ce téléfilm sur Jonathan Destin redonne espoir à tous ceux qui ont été victimes du harcèlement à l’école en raison de leur poids, de leur origine, de leurs « défauts physiques » mais je vous assure, il faut que ça s’arrête. On ne devrait plus sacrifier de vies, raconter d’histoires pareilles pour sensibiliser le public. C’est l’heure d’agir ! »
Effectivement, Nina, il est plus que temps d’agir. La grossophobie et toutes les formes de harcèlement n’ont rien de « drôle ». On peut rire avec les autres, mais pas rire des autres… C’est toute la différence, mais elle est de taille. En laissant faire, nous sommes tous complices…
*Photos d’illustration