Harcèlement de rue : 8 applis qui volent au secours des victimes

Dans la rue, armés de leurs techniques de drague douteuses, les hommes jouent les mâles Alpha et instaurent un climat de peur. Ils rugissent devant les silhouettes féminines et enchaînent les discours misogynes. Recroqueviller sur elles-mêmes, les victimes tentent de contourner ces êtres mal élevés. Tête baissée, visage fermé, elles veulent s’extirper de cet enfer à ciel ouvert.

Traversées par une vague de stress, elles multiplient alors les SMS. « Un mec me suit, qu’est-ce que je dois faire ? », « Je suis terrorisée », « Je te dis dès que je suis rentrée »… des mots alarmants qui témoignent d’une triste réalité. Dans les grandes métropoles ou en province, le harcèlement de rue s’est banalisé. Une atmosphère anxiogène règne au cœur des lieux publics. Heureusement, grâce aux avancées technologiques, une large palette de « bodyguard 2.0 » fleurit. Des applications performantes luttent ainsi contre le harcèlement de rue et se transforment en chevaliers blancs des temps modernes. Tour d’horizon de ces solutions multifonctions. 

1 – Street-alert

L’histoire

Sortie fin juillet 2020, cette application a été prise d’assaut. En l’espace de quelques semaines, elle enregistrait un nombre record de téléchargements. Elle est passée de cinquante utilisateur·trice·s à plus de 2000 en une poignée de jours. Ce support bienveillant et salutaire créé par un étudiant parisien compte presque autant d’hommes que de femmes. Entre les frottements dans les transports en commun, les regards insistants, les paroles déplacées, les insultes homophobes… difficile de se sentir en sécurité. L’espace urbain est une jungle hostile angoissante. À chaque sortie solitaire, le stress se dessine.

Le fonctionnement

Alors, si l’on se sent en danger ou qu’un être malveillant pointe le bout de son nez, vous pouvez lancer une alerte sans vous faire repérer. Plusieurs boutons sont à votre disposition : agression, suivi·e, harcèlement, témoin. Street-Alert fonctionne sur le principe de la solidarité. Grâce à la géolocalisation, les autres utilisateur·trice·s se trouvant dans un rayon de 500 mètres reçoivent une notification sur leur smartphone. Il·elle·s peuvent alors voler à votre secours ou appeler les forces de l’ordre si les risques sont trop périlleux. C’est une sorte de Google Maps rassurante. Pour encore plus d’efficacité, vous pouvez apporter quelques détails sur la tenue de l’agresseur ou des précisions sur la situation.

> Application disponible sur App Store et Google Play.

2 – Garde ton corps

L’histoire

L’application de lutte contre le harcèlement de rue Garde ton corps prend des airs de vigile réconfortant et s’apparente à un ange gardien 2.0. Lassée de ces rues terrorisantes et de ces agressions récurrentes, Pauline Vanderquand a fait germer ce dispositif de génie. D’abord basée à Aix-en-Provence, l’application fleurit ensuite sur l’ensemble des Bouches-du-Rhône. Couper dans son élan avec le confinement, elle reprend le chemin de l’innovation et garde ses ambitions. Elle a étendu Garde ton corps à la Ville Lumière et désormais, elle est disponible sur tout le territoire.

Le fonctionnement

L’application s’articule autour de trois fonctions. « Je rentre » permet d’envoyer un SMS aux contacts de confiance, de les informer de votre trajet en temps réel grâce à la géolocalisation et de partager votre niveau de batterie. En cas de problèmes, ils reçoivent une alerte et sont invités à vous rappeler en urgence ou à contacter les services de police. « Lâche-moi » donne accès à une carte recensant les « safe place » de la ville où vous vous trouvez. Restaurants, bars, commerces, hôtels font alors office de refuge en cas de harcèlement.

Ces structures « partenaires » s’engagent à vous offrir un SAS d’accueil dans lequel vous pouvez contacter un taxi ou un·e ami·e. Enfin, « Aide-moi » informe les proches d’un danger imminent. En une fraction de seconde un SMS s’affiche sur leurs écrans pour agir rapidement. Pour mettre un terme à ce fléau, elle décide d’élargir son champ d’actions. Deux nouvelles fonctionnalités se sont ajoutées aux précédentes : « Je sors » et « Je voyage » pour se balader l’esprit léger.

> Application disponible sur App Store et Google Play.

3 – The Sorority

L’histoire

Ce nom résonne comme un cri de ralliement. The Sorority est un réseau solidaire dans lequel toutes les femmes se serrent les coudes. Une combinaison parfaite pour déjouer les tours des individus diaboliques et impudiques. Cette précieuse alchimie est le fruit d’un long travail de réflexion. C’est dans la tête de Priscillia Routier Trillard que l’idée a germé. En pleine rémission d’un burn-out, la trentenaire plonge dans des livres, s’instruit et ausculte l’effet de sidération. C’est en feuilletant « Âme de sorcière » d’Odile Chabrillac qu’elle a eu le déclic. L’ouvrage évoquait la sororité, une notion souvent négligée et laissée de côté. La pétillante jeune femme en a fait son pilier.

Le fonctionnement

Pour éviter les dérives et autres comportements douteux, The Sorority a fait le choix d’être non-mixte. Ainsi, elle se consacre entièrement aux femmes et minorités de genre. L’application de lutte contre le harcèlement de rue se base sur deux volets : la sécurité et le partage. Plusieurs options de ripostes s’offrent à vous pour signaler une agression. Vous pouvez, soit afficher un message en grand sur votre écran pour interpeller directement les personnes autour, déclencher une alarme sonore pour attirer l’attention et dissuader l’agresseur ou appeler les autorités via un raccourci.

Mais la fonctionnalité phare de cette application repose aussi sur la géolocalisation. Les autres utilisatrices de The Sorority peuvent voir votre position et intervenir de plusieurs manières : en vous appelant, en discutant avec vous sur le chat ou en vous rejoignant sur place. Dans l’autre partie, vous pouvez trouver des ressources indispensables pour vous documenter. Des clés de compréhension autour de certaines aberrations ainsi que des conseils de protection sont à votre disposition.

> Application disponible sur App Store et Google Play.

4 – Mon Chaperon

L’histoire

Cette application contre le harcèlement de rue est l’allié pixellisé qui vous sauve des « grands méchants loups ». Sur le même principe que le covoiturage, Mon Chaperon a donné naissance au copiétonnage. Lorsque la nuit tombe, que les boutiques tirent le rideau et que les rues se vident, la pression monte crescendo. Pour soulager ce sentiment d’insécurité, l’application vous met en relation avec d’autres piétons qui effectuent le même trajet. Ainsi, vous n’êtes plus seule, vous partagez votre chemin ou votre périple en transport en commun avec une personne sûre.

Le fonctionnement

En effet, Mon Chaperon spécifie clairement que les profils de « copiéton » sont passés au peigne fin. Comme sur les applications Uber ou Kaptain, vous pouvez laisser une note et un avis à votre accompagnateur·trice nocturne. L’application a étoffé ses services et propose depuis 2018 un bouton d’urgence permettant de joindre directement la police, les pompiers, des proches ou les chaperons situés à moins de 200 mètres. Elle comporte aussi une partie « pro » pour les salarié·e·s d’entreprise. Ainsi deux collègues d’un même secteur peuvent rentrer chez elles ensembles en toute tranquillité, sans se ronger les doigts.

> Application disponible sur App Store et Google Play.

5 – Sekura

L’histoire

Cette application contre le harcèlement de rue a pris racine sur le sol israélien en juin 2020 pour répondre à une demande d’aide toujours plus accrue. Sur leur site, les fondateurs donnent le ton et tirent un constat alarmant. « Le harcèlement de rue et le sentiment d’être en danger dans la rue limitent la mobilité des femmes et l’accès aux espaces publics. À l’échelle mondiale, au moins 75 % des femmes de 18 ans et plus ont été victimes d’une forme de harcèlement sexuel », peut-on lire.

Le fonctionnement

Pour y accéder, il suffit simplement de la télécharger. À la différence de certains autres outils Sekura ne nécessite pas d’inscription préalable. Lorsqu’on clique sur l’icône, quatre boutons colorés se dressent devant nous. Le violet permet de simuler un faux appel, l’orange envoie votre localisation à trois contacts prédéfinis en amont, le bleu turquoise émet une sirène puissante et active le flash de votre téléphone, enfin le rouge appelle automatiquement les secours ou un numéro d’urgence.

À la pointe de l’innovation et soucieuse du bien-être des femmes, Sekura a aussi développé un bouton en forme de carte. Ainsi, vous pouvez communiquer les endroits dangereux et sombres que vous avez traversés. Un moyen de créer une sphère urbaine plus tranquille. Grâce à cette récolte de données, les fondateurs souhaitent créer une carte archivant les lieux signalés.

> Application disponible sur App Store et Google Play.

6 – HandsAway

L’histoire

Lancée en octobre 2016, l’application HandsAway qui signifie littéralement « bas les pattes » se hisse sur le podium des solutions inventives pour s’extirper du harcèlement de rue. Alma Guiaro, la cheffe de projet a elle-même été confrontée à cette terrible expérience. Remontée à bloc pour mettre K.O les comportements sexistes, la Parisienne a mené un combat bien ficelé. À travers son application HandsAway, les utilisatrices de tous horizons peuvent alerter, témoigner et échanger. Vous pouvez devenir un « Street Angel » et revêtir votre costume de héros pour sauver des personnes en danger.

Le fonctionnement

Dans la même lignée que les autres outils, elle se base sur la géolocalisation. Une petite main barrée apparaît sur la carte lorsqu’une agression est déclarée. Que vous soyez victime ou témoin, vous avez la possibilité de témoigner et de décrire le scénario dramatique auquel vous faites face. HandsAway souhaitent aussi créer une carte interactive regroupant les points de repère pour trouver de l’aide. Hôpitaux, commissariats, associations spécialisées en seraient les figures de proue.

> Application disponible sur App Store et Google Play.

7 – Quivive-App

L’histoire

Cette jeune pousse a fait une entrée fracassante dans le monde des nouvelles technologies. Née en janvier dernier, Quivive-App se distingue par ses fonctionnalités d’avant-garde. En effet, elle enregistre à tout moment des cycles sonores de 20 minutes. La séquence disparaît et se renouvelle naturellement, sur le principe d’une mémoire tampon. Une option de taille qui permet aux victimes d’avoir des preuves concrètes. Grâce à ce mode unique, elles se sentent plus légitimes pour entamer une procédure juridique. Le fondateur, Jean-Philippe Tible a d’ailleurs déployé cette application main dans la main avec plusieurs avocats. Elle joue le rôle de dictaphone performant et s’active automatiquement.

Le fonctionnement

Une femme victime d’attouchement dans le métro, un homme assailli d’injures à la sortie de son travail ou un ado harcelé devant son école… lorsque ces situations cauchemardesques se présagent, il suffit de demander à l’application de sauvegarder l’audio pour garder une trace des 20 dernières minutes enregistrées sur le smartphone. Si vous êtes dans votre appartement ou chez vos parents et que vous ne voulez pas être sur écoute, vous avez la possibilité de stopper Quivive-App.

> Application disponible sur Google Play et prochainement sur App Store.

8 – App-Elles

L’histoire

Devant l’augmentation des violences conjugales et la multiplication des violences sexuelles et sexistes envers les femmes, l’association Résonantes est montée au créneau. Elle a sorti l’application App-Elles, un outil discret qui permet aux victimes de sortir du silence et de quitter cet enfer. En cas de danger, l’application avertit trois personnes de confiance. Pour déclencher l’alerte, vous avez trois possibilités : appuyer quatre fois de façon consécutive sur le bouton on/off du smartphone, débrancher des écouteurs de la prise jack ou par le biais d’un bracelet connecté (en supplément).

Le fonctionnement

Elle indique aux proches votre position GPS et permet d’écouter en temps réel le discours potentiellement violent de l’agresseur, le déferlement d’insultes ou dans le pire des cas les attaques physiques. Dès que l’alerte prend fin, les informations sont systématiquement sauvegardées sur les deux téléphones : de la victime et des proches. Dans la partie « En parler », vous aurez accès à un répertoire international qui recense une large palette de numéros indispensables. Derrière le bouton « Agir » se cachent de précieuses indications. Cette application de lutte contre le harcèlement de rue s’érige comme un couteau Suisses 2.0.

> Application disponible sur Google Play et App Store.

Des chiffres toujours plus révoltants

Ces supports brillants et simples d’utilisation sont devenus des armes de défense nécessaires. D’après une étude IFOP, 8 Françaises sur 10 ont déjà été confrontées à au moins une forme d’agression sexuelle dans la rue ou les transports en commun au cours de leur vie. Un constat morose qui résonne comme un cri du cœur. Piégées dans cette bulle effrayante, les femmes s’imposent des barrières pour ne pas vivre ces scènes amères. Près de la moitié d’entre elles ont déjà changé de tenue par peur d’être interpellées ou harcelées.

Dans l’Hexagone, depuis le 3 août 2018, le harcèlement de rue est puni par la loi et passible de 90 € d’amende, voire de 1 500 € en cas de circonstance aggravante. Une mesure jugée insuffisante par les associations qui pointent du doigt l’absence de prévention. Dernièrement, le hashtag #PrendsMaPlainte mettait en lumière une autre faille : celle de l’accueil en commissariat. Selon une enquête menée par le collectif Nous Toutes, 66 % des femmes ayant déposé plainte ont été mal reçues par les autorités.

De nouvelles mesures se dessinent

Pour rattraper ce capharnaüm monstrueux, le gouvernement a fait de nouvelles annonces. Mi-avril, Marlène Schiappa a annoncé la mise en place d’un baromètre annuel sur le harcèlement de rue. La ministre déléguée à la Citoyenneté souhaite également créer des « Quartiers sans relous ». Des ambitions fortes qui surviennent à un an des élections présidentielles. Alors coup politique ou véritable engagement ? Le destin nous le dira prochainement…

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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