Le harcèlement sexuel en entreprise a pour effet des désordres physiques et psychologiques sur ses victimes. Mais aussi des dégradations des conditions de travail, menant à l’absentéisme, voire à la perte de l’emploi. Pour l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail), ce sont en effet 95 % des femmes salariées dénonçant du harcèlement sexuel qui ont perdu ou finissent par perdre leur travail.
Aujourd’hui punie par la loi, les agresseurs et/ou ses complices continuent de trouver des moyens de détourner les témoignages. Intimidations, transactions financières… de quoi dissuader les femmes qui ne font pas partie des 95 % qui portent plainte.
Le harcèlement sexuel en entreprise, un phénomène systémique
« Des agissements répétés (…) qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » C’est ainsi que le Code du travail définit ce qui caractérise le harcèlement moral d’un.e salarié.e. On parle de harcèlement sexuel lorsque ces comportements ont une connotation sexuelle. Et 6 femmes sur 10 ont déjà subi des violences sexistes ou sexuelles au cours de leur carrière, selon une enquête réalisée par l’Ifop en 2019 dans cinq pays européens.
Contrairement aux idées reçues, ces salariées ne sont pas uniquement exposées aux violences de leurs supérieurs hiérarchiques, mais également à celles émanant de pairs, de collaborateurs de l’entreprise ou même, du public. « Les femmes en contact avec des clients comme les serveuses ou les vendeuses, entre autres, sont particulièrement exposées », explique Sylvie Cromer, sociologue et coautrice du chapitre sur « Les violences dans la sphère professionnelle » de l’enquête de l’Ined.
95 % de femmes qui perdent leur travail saisissent l’AVFT
95 % des femmes perdraient leur travail après la dénonciation des faits. Un chiffre ahurissant, venant de l’AVFT. En 2017, aucun organisme d’enquête ne s’était jamais penché sur le sujet. La directrice générale, Marilyn Baldeck, précise que ces 95 % correspondent aux femmes qui ont saisi l’AVFT afin de faire valoir leurs droits devant un conseil de prud’hommes, voire devant une juridiction pénale. Si elles ont porté plainte contre le harceleur lui-même. Ces femmes ont donc entamé une procédure judiciaire, car elles étaient déjà sur le point de perdre leur emploi ou l’ont déjà perdu.
Moralité : on ne peut donc pas vraiment appliquer ce chiffre à la réalité du monde du travail en France. Il ne prend pas en compte les femmes qui ne dénoncent pas les faits par crainte de sanctions, ou par honte. Ni celles qui quittent simplement leur travail parce qu’elles n’ont plus la force d’y rester.
« Ces violences entraînent des désordres physiques et psychiques extrêmement importants. Les victimes ne peuvent pas conserver leur travail parce que leur état de santé ne le permet plus, et c’est pour ça qu’elles sont très régulièrement licenciées pour inaptitude », explique Marylin Baldek à France TV
Quand les entreprises achètent le silence des victimes
Parfois, pour acheter le silence des salariées harcelées sexuellement, le harceleur ou son complice peut exercer une intimidation supplémentaire. Pour une personne jeune ou précaire, c’est une solution plutôt simple et rapide. Car elle ne connait pas bien ses droits. Ou alors, elle n’a pas d’autre option que de continuer le travail en question pour survivre.
« Face au risque de médiatisation de ces dossiers de harcèlement sexuel qui sont graves, l’employeur veut faire en sorte que ce dossier puisse devenir confidentiel, en particulier quand ce sont de grandes entreprises. Et la manière de rendre un dossier confidentiel, c’est de signer une transaction », explique Maude Beckers, avocate spécialiste en droit des discriminations au travail
Une autre pratique tabou en France est la transaction financière. Mais il est difficile de connaître l’ampleur de cette technique. En effet, ces transactions se font dans le secret, et par conséquent, il n’existe pas de chiffres officiels là-dessus. Mais selon plusieurs cabinets d’avocats contactés par France Info, les transactions peuvent représenter « entre un quart et jusqu’à 90 % de leurs dossiers de harcèlement sexuel ».
Leila Hamzaoui, avocate en droit social qui défend les employeurs, explique cela par le fait que « les employeurs ont une responsabilité civile et pénale, quand des faits de harcèlement ont été commis sur le lieu de travail ». Pour certaines victimes, ces transactions sont une manière de tourner la page plus rapidement sur les évènements subis. Mais aussi de s’affranchir d’une longue procédure judiciaire, couteuse financièrement et moralement. Mais l’argent ne répare pas (toujours) tout…
Et vous, avez-vous déjà perdu votre emploi après avoir dénoncé des faits de harcèlement sexuel au sein de votre entreprise ? Connaissez-vous quelqu’un dans cette situation ? Venez partager votre expérience sur le forum de The Body Optimist !