« Jeu du camion de pompiers » : agression sexuelle ou enfantillage ?

Dans la cour de récréation, les enfants ne se contentent plus de jouer à la marelle ou aux gendarmes et aux voleurs. Les distractions de l’interclasse sont un peu moins « inoffensives ». Après les challenges funestes à l’image du « jeu de la virgule » et du « défi de la cicatrice », les enfants s’adonnent à un autre « passe-temps » pendant leur pause et cela suscite l’inquiétude des parents. Il s’agit du « jeu du camion de pompiers », un concept qui, sous ses airs crédules, cache des intentions plus malsaines. Dénoncé par une maman américaine sur TikTok, il pourrait se déporter derrière les grilles des écoles françaises. Mais en quoi consiste ce « jeu » qui crée un vent de panique dans les collèges d’outre-Atlantique ? 

Qu’est-ce que le « jeu du camion de pompiers » ?

Autrefois, sur les bancs de l’école, les enfants s’amusaient avec leurs billes et leur corde à sauter. Des activités plutôt gentillettes, qui, au 21e siècle, se sont tristement radicalisées. Chaque année, des jeux (très) problématiques font surface sur le macadam des écoles. Entre le jeu de la virgule, qui consiste à frapper le cou de ses camarades par surprise ou le blackout challenge, qui vise à retenir sa respiration le plus longtemps, la bêtise est sans limites. Mais cette fois-ci, c’est un « jeu » d’un autre style qui effraie les parents.

Il se fait appeler le « jeu du camion de pompiers ». En apparence, rien ne laisse penser à une pratique scandaleuse. On s’imagine alors des enfants et ados mimer les « hommes de feu » en action ou voler au secours de leur camarade. Mais la réalité est bien moins sage. Le « jeu du camion de pompier », qui fait de nombreux adeptes masculins, dissimule des comportements grossiers. C’est une mère américaine (@thefunnynurse) qui a lancé l’alerte dans une vidéo TikTok, devenue virale. Elle y retranscrit mot pour mot le récit empreint d’innocence de sa fille de 11 ans, qui a fait l’expérience du « jeu du camion de pompiers ».

En introduction, elle évoque clairement « un message d’utilité publique » à destination des parents. Ensuite, elle déroule les fameuses « règles » de ce jeu, qui est tout sauf risible. Il n’en faut pas plus pour comprendre l’arrière-plan « crasse » de ce jeu. « Un garçon pose sa main sur le bas de la cuisse d’une fille et lui dit ‘ma main est un camion de pompiers, je vais lentement la remonter. Mais quand tu te sens mal à l’aise, tu dis ‘feu rouge’. La suite ? Les garçons bernent les filles et malgré le « safeword », ils enfreignent la zone intime. En justification, ils disent : « Désolé, les camions de pompiers ne s’arrêtent pas aux feux rouges ».

@the.funny.nurse

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La notion de consentement complètement zappée

Les ados se servent ainsi du « jeu » comme d’un prétexte pour braver les interdits et poser leur main sur les parties privées du corps féminin. En plus d’être humiliant et sournois, le « jeu du camion de pompiers » omet et moque la précieuse notion de consentement. Un concept qui n’a malheureusement pas encore sa place dans les manuels scolaires ou sur les tableaux noirs. En France, la loi Aubry impose pourtant 21 séances d’éducation sexuelle sur sept ans passés au collège et lycée. Mais dans les faits, les écoles ne sont pas très assidues avec ces cours et manquent à leur devoir. Selon une enquête du collectif #NousToutes menée auprès de 10 900 personnes, les répondant.e.s n’ont eu en moyenne que 2,7 sessions de ce genre. Forcément, les élèves ont des lacunes, mais ça n’excuse pas tout.

À l’époque, les garçons regardaient sous les jupes des filles, sans aller plus loin (c’était déjà problématique). Mais là avec le « jeu du camion de pompiers », qui n’est autre qu’un nom de code pour s’aventurer vers les culottes, ils dépassent une limite à ne pas franchir. Loin d’être une énième blague futile de l’âge ingrat, ce jeu laisse penser que les parties génitales des autres sont en « accès libre ». Même si les ados exécutent ce geste sous le ton de la plaisanterie, il a tout d’une agression sexuelle. Cependant, ils n’ont généralement pas assez de recul et de connaissance sur l’intimité pour mesurer l’ampleur de leur acte. En primaire, les enfants s’amusent à « touche-pipi », sans penser à mal. Cette version « du camion de pompiers » s’inscrit dans la continuité de cette curiosité portée à l’entrejambe.

« Il faut dire aux enfants qu’ils ont le droit d’être curieux, mais ils ne doivent pas l’être au détriment d’autrui. Plus les parents prendront le temps d’en parler, mieux ça ira », préconise Nicole Catheline, pédopsychiatre au média Ouest France

Un phénomène qui n’a rien de nouveau…

Si le « jeu du camion de pompiers » provoque l’indignation chez les parents et émet la crainte de façonner des prédateurs précoces, il ne date pourtant pas d’hier. Plusieurs internautes ont d’ailleurs déterré leurs profonds souvenirs pour partager des faits similaires, vécus à l’époque où les Diddle et les Hand Spinner étaient tendances. « J’avais un petit ami plus âgé quand j’étais en sixième. Il jouait à ce jeu avec moi. J’étais très mal à l’aise. Il faisait ça en plein cours, au milieu de la classe. Je savais que ça n’allait pas aller très loin, mais je me suis sentie gênée », raconte ainsi l’une d’elles sous la vidéo de @thefunnynurse. Beaucoup disent qu’iels ont véritablement compris l’envers de ce « jeu » bien plus tard, sur le coup des 20 ans.

Le « jeu du camion de pompiers » autrefois appelé « jeu de nervosité » ou « jeu de l’ambulance » n’a pas encore franchi les portes des collèges français. Pour éviter que cette « tendance » n’atteigne notre frontière, la prévention commence entre les murs de la maison à travers un discours honnête de parent à enfant. Osez ouvrir le dialogue sur la sexualité, reposez-vous sur des livres si les mots vous échappent et surtout n’essayez pas de minimiser le sujet.

Le « jeu du camion de pompiers », métaphore ambiguë pour décrire des attouchements, prouve qu’il y a encore de nombreux efforts à fournir en termes d’éducation sexuelle. Comme le dit si bien le dicton : « jeu de main, jeu de vilain ».  

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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