Après deux semaines d’attente, les Jeux paralympiques investissent enfin les postes de télévision et remettent des étincelles dans les yeux du public. Ces athlètes en situation de handicap sont déjà des champion.ne.s dans leur quotidien. Malvoyant.e.s, en fauteuil roulant, amputé.e.s d’un membre ou porteur.se.s de troubles mentaux, iels forcent l’admiration et transforment les regards sur le handicap. Cependant, il y a tout de même une ombre à ce beau tableau inclusif. Les athlètes trisomiques sont « hors compétition », condamné.e.s à rester de simples « spectateur.ice.s ». Laissé.e.s sur la touche, iels vivent ces Jeux de loin, depuis les gradins ou sur leur canapé. Une mise à l’écart injuste selon les associations. Alors que les Jeux paralympiques sont supposés représenter toutes les formes de handicap, ils marginalisent encore les athlètes trisomiques. Mais pourquoi un tel sort ?
Trois sports ouverts aux athlètes avec une déficience intellectuelle
Les Jeux paralympiques ne sont pas aussi médiatisés que la version Olympique, mais ils procurent autant de frissons. Cet événement sportif incontournable prouve que le handicap n’est pas toujours synonyme de tare et peut aussi rimer avec victoire. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si ce mot se finit par « cap ». Les athlètes en lice pour ces Jeux paralympiques sont doublement « méritant.e.s » et incarnent un message d’espoir.
Cette année, vous allez voir des athlètes rescapé.e.s d’accident de la route à l’image de Pauline Déroulède, prodige du tennis fauteuil, des sportif.ve.s atteint.e.s de malformation de naissance, mais aussi des cadors du sport qui exercent avec des capacités intellectuelles réduites. En revanche, pas d’athlètes trisomiques à l’horizon. Iels sont tout simplement absent.e.s des Jeux paralympiques et éclipsé.e.s du décor. Un terrible manque qui entache la beauté de l’événement. Pour comprendre ce qui relève aujourd’hui de l’aberration, il faut revenir à la genèse des Jeux paralympiques.
L’intégration chaotique des athlètes porteur.se.s de troubles mentaux
En 1948, à leurs prémices, ils ne s’adressaient qu’aux athlètes confinés à un fauteuil roulant ou amputé.e.s d’un membre. En résumé, ils se destinaient uniquement au handicap moteur, visible à l’œil. Fort heureusement, les mentalités ont évolué et les règles d’admission aussi. En 1996, les sportif.ve.s porteur.se.s d’un handicap mental ont ainsi pu investir la scène des paralympiques et faire leurs preuves.
Cependant, quatre ans plus tard, les athlètes classé.e.s déficient.e.s intellectuel.le.s étaient de nouveau exclu.e.s. Iels ont collectivement fait les frais d’une odieuse tricherie, commise par l’équipe d’Espagne de basket qui comptait 10 joueur.se.s valides sur 12. Il faut alors attendre 2012 pour qu’iels réintègrent cette grand-messe du sport.
Aujourd’hui, iels ne se cantonnent qu’à trois disciplines : la natation, l’athlétisme et le tennis de table. Une bien maigre compensation pour un effacement aussi long. À Paris, seul.e.s 150 athlètes sur les 4 400 présent.e.s défendent les couleurs de la déficience intellectuelle. Et en plus, pas d’athlètes trisomiques à l’affiche de ces Jeux paralympiques. Une entorse à la diversité qui ne passe plus en 2024.
La trisomie 21 considérée comme un « sur-handicap »
Depuis le scandale des Jeux paralympiques de Sydney en 2000, les tests cognitifs sont plus poussés et précis afin d’éviter les « faux semblants ». Selon le Comité, les athlètes trisomiques ne sont pas « banni.e.s » d’office des Jeux paralympiques. En revanche, au-delà des troubles mentaux, iels ont parfois des particularités physiques qui les rendent difficilement éligible. Dans le cas où leur candidature serait retenue, iels pourraient être désavantagé.e.s par rapport à leurs adversaires et subir un revers de la médaille.
En effet, les sportif.ve.s porteur.se.s d’une déficience mentale sont uni.e.s dans une seule catégorie. Aucune exception faite donc aux athlètes qui ont des réflexes maladroits ou une perte d’autonomie. Marc Truffaut, président de la Fédération française du sport adapté (FFSA), lui, parle de « sur-handicap ».
« Les sportifs porteurs de trisomie sont déficients intellectuels. Par contre, leur trisomie a un tel impact qu’ils ne peuvent pas réaliser les performances attendues pour se qualifier aux Jeux paralympiques », complète Marie-Paule Ferne, directrice technique nationale de la Fédération française de sport adapté
Pour combler cette lacune et visibiliser le talent des athlètes trisomiques, la FFSA avait d’ailleurs suggéré de créer une nouvelle classe adaptée aux exigences de leur handicap. En attendant que ça se concrétise, quelques-un.es d’entre elleux ont pu se « consoler » en portant la flamme lors de ces Jeux paralympiques. C’est le cas de Cléo Renou, nageuse dont le nom mériterait d’être aussi connu que celui de Léon Marchand.
Une pétition pour intégrer les athlètes trisomiques aux Jeux paralympiques
Pour dénoncer cette forme d’injustice, le Conseil Municipal des enfants de Mornant, très touché par cette discrimination silencieuse, a envoyé un courrier à monsieur le président de la République. Cette missive écrite à l’encre du cœur précise qu’il serait « logique de créer plusieurs catégories pour les sportifs affectés dans leur développement cognitif ». Avec leur mot candide et leur authenticité légendaire, les enfants qui composent ce Conseil des Jeunes souhaitent interpeller Emmanuel Macron et faire bouger les lignes.
Cette idée s’est logée au coin de leur tête suite à une rencontre profondément humaine avec trois nageurs trisomiques. « C’est injuste qu’ils ne puissent pas participer, c’est de l’exclusion alors que le sport c’est justement de l’inclusion », confie l’un.e d’elleux au Figaro. « La vérité sort toujours de la bouche des enfants », dixit le fameux dicton. Pour aller encore plus loin et rallier le grand public à cette noble cause, les enfants ont aussi lancé une pétition. Elle cumule déjà plus de 3000 signatures sur 5000.
Les athlètes trisomiques n’ont que le sombre titre « des oublié.e.s » aux Jeux paralympiques. Cependant, iels ont tout de même pu briller lors des « Trisome Games », en mars dernier. Ce rendez-vous international, qui regroupe 37 délégations, leur est entièrement dédié.