Voici 5 artistes lesbiennes aux œuvres remarquables qui ont marqué l’Histoire

Depuis des décennies, l’Histoire travaille à invisibiliser les minorités à la faveur des hommes cisgenres, hétérosexuels et blancs. Alors, un mouvement de revalorisation est né il y a une décennie pour mettre la lumière sur ces invisibles. Dans cette optique, voici 5 artistes lesbiennes aux œuvres remarquables qui ont marqué l’Histoire.

Des artistes lesbiennes aux œuvres remarquables

Il y a peu de temps encore, l’homosexualité des célébrités était occultée dans leur biographie. Cela tient d’un tabou ancestral encore très prégnant envers la communauté lgbtqia+ dans notre société. Alors que l’homosexualité est encore très stigmatisée aujourd’hui, Marion Cazaux, doctorante en histoire de l’art, explique :

« Jusqu’à la fin du XIXe siècle, se déclarer lesbienne n’était pas une chose aisée. Le terme avait à l’époque une connotation sexualisante et péjorative, proche des milieux du travail du sexe »

En effet, ce n’est qu’à partir du XXe siècle que des artistes lient leur art à leur lesbianisme. Puis, dans les années 1960, le mouvement de libération gay et lesbien favorise cet art libre. Pour compenser ces oublis de l’Histoire, Michel Larivière publie en 2017 le « Dictionnaire historique des homosexuel.le.s célèbres«  (La Musardine).

Parce qu’on dénombre toujours peu d’artistes lesbiennes dont la sexualité était publique et assumée, une convergence des mouvances nous amène aujourd’hui à vous présenter 5 pionnières aux œuvres remarquables qui ont marqué leur temps.

1 – Rosa Bonheur (1822 – 1899)

Peintre animalière parmi les plus célèbres de son époque, Rosa Bonheur n’a jamais affirmé haut et fort son homosexualité. Les plus conservateur.rice.s nient toujours cette possibilité, bien qu’elle soit prouvée dans la matérialité.

Également une grande figure de proue du féminisme, la peintre mène sa vie loin des conventions de son temps. D’abord, elle est indépendante financièrement, porte les cheveux courts, ne met que des pantalons (grâce à un « permis de travestissement » dont sa compagne et elle bénéficiaient). Elle partage cinquante années de sa vie avec la peintre Nathalie Micas, jusqu’au décès de cette dernière. Puis, elle rencontre Anna Klumpke, artiste peintre également. La preuve que ces relations sont des romances lesbiennes et non pas des amitiés, car elles reposent dans le testament de Rosa bonheur.

« Elle ne parle que des femmes de sa vie, fait d’Anna Klumpke son unique légataire alors qu’elle a des frères, et toutes trois sont enterrées ensemble », explique Marion Cazaux

2 – Loïe Fuller (1862 – 1928)

Pionnière de l’abstraction dansée, Loïe Fuller a libéré le corps du tutu pour devenir la première figure de la danse contemporaine. Dans la fin du XIXe siècle, tout l’art français s’inspire d’elle et de sa fameuse « Danse serpentine ». Toulouse Lautrec, Jules Chéret créent les affiches de ses spectacles, Pierre Roche, Théodore Rivière ou encore François-Rupert Carabin sculptent la danseuse.

Vous connaissez peut-être son histoire grâce au film qui lui est consacré par Stéphanie di Giusto en 2016, « La Danseuse ». Hélas, la réalisatrice a complètement réinventé la vie amoureuse de Loïe Fuller. En effet, la relation lesbienne de 30 ans que l’artiste entretenait avec sa collaboratrice Gabrielle Bloch n’apparaît pas. Pire encore, la réalisatrice a préféré représenter une relation hétérosexuelle plutôt malsaine à la danseuse. Cela aurait pourtant été une belle occasion de représenter un couple de femmes au XXe siècle.

3 – Mireille Havet (1898 – 1932)

Apollinaire la dépeignait comme une « gonzesse de premier ordre » et une « petite poétesse » alors qu’elle devenait une écrivaine prodige. Oubliée aujourd’hui, l’artiste est pourtant une figure controversée du Paris lesbien et déluré de son époque. Elle était un esprit libre, sulfureux, affranchi et infiniment talentueux. Dans son journal, retrouvé en 1995, elle écrivait :

« Je serai abracadabrante jusqu’au bout »

La postérité l’a oubliée aussi rapidement que l’on s’est scandalisé de ses attitudes. La Don Juane de Paris est décédée à 34 ans d’une tuberculose, seule et pauvre. De son journal, on retient un appétit sans fin pour la vie et les amours. Mireille Havet ne s’est jamais cachée de son goût pour les femmes. D’ailleurs, née d’un milieu bourgeois, mais curieux, elle n’a jamais été décriée par ses proches au sujet de sa sexualité.

Après le décès soudain de son père, elle n’hésite pas à se faire entretenir par des femmes fortunées. Michelle Havet avait soif d’amour. Pour cela, elle enchaînait les liaisons. Mais ses insatisfactions l’ont menée à la drogue, cause de sa déperdition. De son œuvre, ne restent que son journal intime et son unique roman, « Carnaval« .

4 – Joanna Russ (1937 – 2011)

L’arrivée de l’autrice de science-fiction au cours des années 1960 a totalement bouleversé l’ordre établi par des hommes. En effet, Johanna Russ, aux côtés d’Ursula K. Le Guin, devient vite une figure éminente de ce courant littéraire.

Guidée par ses valeurs féministes et son lesbianisme assumé, l’artiste s’interroge dans ses œuvres sur les questions de genre, de sexualité et d’hétéronormativité. C’est une petite révolution qu’elle amène dans le milieu, notamment avec la publication de son roman « The Female Male » (1975), (mal) traduit en français par « L’autre moitié de l’homme« .

Dans ce roman, elle explore une société alternative dans laquelle les hommes n’existeraient pas. Sa plume lui sert fabuleusement à remettre en question l’ordre patriarcal et les conventions hétéronormées. Dès les années 1970, elle entame une réflexion sur la représentation des femmes dans la science-fiction. Cela la mène à l’écriture de nombreux essais tels que « Amor Vincit Foeminam: La Bataille des Sexes dans la Science Fiction » (1980).

5 – Renée Vivien (1877 – 1909)

Pauline Mary Tarn, plus connue sous le pseudonyme de Renée Vivien et surnommée « Sapho 1900 » (en référence à la poétesse grecque du même nom), est une poétesse britannique de langue française. Icône de l’écriture féminine et figure lesbienne de son siècle, l’artiste est aujourd’hui admirée alors que méprisée par la critique de son époque. La « raison » à cela est très simple : la poétesse se servait de son art pour révéler ses amours passionnés avec des femmes.

En faisant cela, Renée Vivien prenait un grand risque puisque l’homosexualité était alors condamnée par la société et considérée comme une maladie mentale. Usant du Parnasse (mouvement poétique apparu en France dans la seconde moitié du XIXe siècle) pour s’exprimer, elle condamne le mariage et la maternité sans détours. Hélas, ses écrits sont bien trop controversés et scandaleux pour l’époque. La conséquence est sans appel : aucune édition traditionnelle ne veut la publier. Personne ne veut représenter une femme taxée de « malade mentale », de « créature perverse », de « cocaïnomane » et de libertine.

De ses relations amoureuses, on connaît surtout son malheur. Elle vit une première relation tumultueuse avec Natalie Barney. Mais, lasse des infidélités de cette dernière, Renée Vivien rompt. En 1901, elle rencontre la richissime Baronne de Zuylen avec qui elle entame une liaison stable et saine de six ans. Dans le même temps, Renée Vivien commence une liaison épistolaire de quatre ans avec Kérimé Turkhan Pacha. Très affectée par la fin de cette relation, Renée Vivien plonge dans l’alcool et dans la dépression. Sa santé décline grandement. Elle décède à 32 ans d’une pneumonie aggravée par l’alcoolisme et l’anorexie.

Pour rendre hommage à son immense talent, le prix de poésie Renée-Vivien est créé en 1935. Il récompense les poètes d’expression français en accord avec les valeurs portées par la poétesse.

De ces 5 femmes, nous retiendrons le courage, le talent et la détermination. Elles ont lutté contre une société qui voulait les effacer en raison de leur lesbianisme. Et même si la bataille fut rude, des hommages leur sont rendus des siècles plus tard.

Charlotte Vrignaud
Charlotte Vrignaud
En tant que journaliste spécialisée dans les médias et la culture, mon quotidien est une aventure passionnante au cœur de l'évolution culturelle et médiatique de notre époque. Mon rôle consiste à décrypter et à partager les tendances émergentes, les innovations et les récits captivants qui façonnent notre société.
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