À l’évocation d’artistes queer, vous avez certainement des visages familiers qui se dessinent dans vos esprits. Celui de l’excentrique David Bowie et son goût prononcé pour l’originalité, de Prince, le prince de la pop en avance sur son temps ou encore de Freddy Mercury, le chanteur du groupe Queen à la voix ensorcelante. Ces légendes de la chanson ont marqué leur époque par leur génie musical, mais aussi leurs revendications LGBT+. Eh bien, sachez que d’autres figures émergentes, qui viennent de tous horizons artistiques, assument vaillamment la relève. Des temps lointains aux générations actuelles, voici 8 artistes queer qui militent le crayon levé, le micro tendu, le corps en mouvement ou l’appareil sur le cou.
Frida Kahlo, la peintre aux multiples visages
Son nom est gravé dans l’histoire de l’art et bien au-delà. Frida Kahlo, peintre mexicaine au monosourcil iconique fièrement dressé au-dessus des yeux, était une personnalité haute en couleur, à l’image de ses toiles. Elle a signé plusieurs autoportraits confidentiels et torturés, dans lesquels elle se présentait sous une apparence scarifiée ou abîmée.
Ouvertement bisexuelle, elle n’a cessé de brosser la complexité de ses ressentis à revers de pinceau. Elle a exploré des thèmes tels que l’identité, la douleur et la dualité culturelle, souvent à travers des images symboliques et surréalistes. Des scènes métaphoriques qui laissent deviner des idylles tumultueuses et une soif de liberté. Ses œuvres se dévoilent comme un journal intime « abstrait » où ses émotions se racontent sans fard. Rebelle et imposante, c’est l’une des premières artistes queer à avoir gommé les « normes » de sexualité du tableau.
Keith Haring, le street art comme arme contre le SIDA
Vous avez peut-être déjà croisé ses dessins « pop » et minimalistes sur les murs de votre ville. Comme tous artistes queer, Keith Haring avait un style bien à lui. Il s’est fait connaître avec ses petits bonshommes multicolores inspirés du graffiti. Mais derrière ce trait quasi naïf inspiré du street art et ces couleurs pétillantes se cachaient des messages forts.
Keith Haring a livré une bataille personnelle contre le SIDA et l’a retranscrit à grand coup de marqueurs, de la façon la plus optimiste qui soit. Ses dessins, qui semblaient provenir d’un cahier d’enfant, n’étaient pas si « innocents » que ça. Certains personnifiaient le SIDA sous les courbes d’un serpent venimeux et démoniaque. Une fresque affichait même ce slogan « conjurer la peur du SIDA en peignant ». Faire de la prévention par l’art était son ultime but.
David Hockney, l’amoureux des hommes
Là encore, vous avez certainement le souvenir d’une peinture de David Hockney : celle d’une piscine, d’un homme qui nage sous l’eau et d’un autre qui le regarde tout habillé depuis le bord. Un tableau qui résume tout le style du peintre britannique. Avec ses perspectives disproportionnées perturbantes, sa palette de couleurs saturée et son côté néo-impressionniste, il a marqué toute une époque.
Mais au-delà de sa virtuosité artistique, le peintre à l’homosexualité assumée a aussi accompagné le mouvement de libération gay à Los Angeles. Il a d’ailleurs réalisé une série de portraits dans laquelle il faisait une ode à la « beauté masculine ». Il peignait aussi des scènes de la vie quotidienne des hommes gays, tout ça dans un décor acidulé propice à l’évasion. David Hockney est l’un des premiers artistes queer à avoir eu le « culot » de présenter deux hommes épris et nus.
Oleksandr Balbyshev, le maître du « nu masculin »
Dans un registre plus audacieux et provocant, l’ukrainien Oleksandr Balbyshev combine des éléments de pop art et de surréalisme pour délivrer une critique sociale et politique « l’air de rien ». Il s’est fait connaître avec ses « nus », à la fois oniriques et anticonformistes. Tandis que la plupart des toiles d’époque déshabillent les femmes et font un gros plan sur leur intimité, lui prend le parti inverse en découvrant ces messieurs et en les plaçant dans des positions lascives.
Ces corps masculins, dépourvus de vêtements, se greffent avec poésie sur des fonds qui ressemblent à de vieilles tapisseries. Des chibres, des chutes de rein sensuelles, des fesses saillantes… toute l’anatomie masculine s’expose dans la tendresse la plus totale. Avec des contrastes visuels saisissants, Oleksandr hisse les hommes en muses et traduit leur vulnérabilité de la plus belle des manières.
Clifford Prince King, le photographe des minorités
Parmi les artistes montants de la scène queer, en voici un qui s’exprime avec poésie derrière l’objectif et qui pose un regard doux sur la communauté LGBT+. Ses photographies, qui se déclinent dans des tons chauds, ont un charme rétro. Elles semblent remonter à un autre temps et évoquent une douce nostalgie.
À travers ses clichés confidentiels et authentiques, Clifford Prince King raconte les histoires personnelles des minorités. Il interroge sur le genre en reprenant les codes luxueux des magazines haute couture. En allant sur son compte Instagram, vous avez l’impression d’ouvrir un album photo « privé ». Vous découvrez des visages expressifs qui trahissent leur vécu dans un regard, un sourire, un geste. À parcourir pour prendre sa dose de délicatesse.
Kiddy Smile, un activiste à la voix dark
Cette année encore, Kiddy Smile fait partie du jury de Drag Race France, l’émission la plus glamour de l’Hexagone. Si vous suivez de près ce programme, vous avez certainement déjà fait la connaissance de ce chanteur expansif et solaire. Mais en dehors de ses apparitions télévisuelles, cet artiste multi-facettes donne de la voix sur des titres entraînants, effrontés et engagés. Ses sons, influencés par la scène ballroom et voguing, s’accompagnent de clips tout aussi incisifs et percutants.
Ainsi dans « Let A B!tch Know », des hommes du « quartier » se livrent à une battle de twerk dans un décor urbain et remuent leurs fesses sur la voix suave de Kiddy Smile. Tandis que dans « Slup my But », titre on ne peut plus explicite, le chanteur s’adonne à un show sensuel, en string et en body léopard. En 2018, il a aussi fait sensation en portant un t-shirt « Fils d’immigrés, noir et pédé » lors d’une performance à l’Élysée.
Barbara Butch, celle qui remixe les « normes » de genre
Les artistes queer sont aussi présent.e.s derrière les platines, une discipline pas assez valorisée. Barbara Butch, elle, donne régulièrement le tempo dans les soirées LGBT parisiennes. Si vous êtes de la capitale, vous l’avez peut-être déjà entendu mixer des sons disco qui ont du sens, en plus d’avoir du rythme.
Fidèle à la Wet for Me et au cabaret burlesque Madame Claude, elle met le feu sur le dancefloor et s’empare de sujets brûlants. Elle a aussi une autre casquette : elle est co-référente du pôle LGBT+ du Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants.
Wu Tsang, un hymne aux récits queer
Wu Tsang est une artiste transgenre, réalisatrice et performeuse américaine. Son travail explore les thèmes de l’identité, de la migration et des communautés queer.
Ses films et installations, tels que « Wildness » et « Duilian », mêlent documentaire et fiction pour créer des récits puissants et immersifs sur les vies queer contemporaines. En 2020, elle avait investi les salles toutes neuves de Lafayette Anticipation pour raconter des récits marginalisés avec une approche décalée, qui lui est propre.
Ces artistes queer, qui se sont envolé.e.s ou qui décollent tout juste dans leur jeune carrière, glissent des messages engagés dans chacune de leur oeuvre. Iels sont transcendé.e.s par leur conviction et lèvent un arc-en-ciel au-dessus de leur discipline. Les soutenir, c’est aussi faire son travail d’allié.e.s.