Chants homophobes : pourquoi les stades sont si hostiles à la communauté LGBT+ ?

Lors du dernier match de foot opposant l’OM au PSG, des chants homophobes ont retenti dans les gradins. Au lieu d’entonner la traditionnelle Marseillaise ou les autres hymnes « bon enfant », une poignée de supporters parisiens ont crié ouvertement leur haine envers la communauté LGBT+. Un cas de figure qui est loin d’être isolé. Entre insultes ciblées, pancartes LGBT-phobes et récital aux relents homophobes, les stades sont devenus le théâtre de l’intolérance. Une hostilité qui contrecarre l’esprit fédérateur tant revendiqué dans le football. Mais pourquoi les stades sont-ils le lieu d’expression d’une telle animosité anti-LGBT+ ? Ces estrades supposées ouvrir les regards sur la performance des joueurs servent désormais à faire une propagande crasse. Et ça résume toute la mentalité du « ballon rond ».

Des chants injurieux encore sous le feu de l’actualité

Les chants homophobes s’immiscent régulièrement entre les cornes de supporter et les ovations du public. C’est la sombre réalité des stades. Le 24 septembre dernier, lors de la rencontre fracassante entre l’OM et le PSG, ces refrains insultants ont résonné fort dans l’arène du Parc des Princes. Des paroles grossières qui ont entaché tout le fond du match. Plusieurs associations se sont indignées face à un comportement aussi abject.

Même écho du côté de la classe politique qui a condamné fermement ces chants outrageants. Le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT+ (Dilcrah), Olivier Klein a directement rebondi. « Avec la Dilcrah, je vais saisir le club et la Ligue de football professionnel afin que des sanctions soient prises. Nous étudierons aussi les possibilités de saisir la justice », a-t-il évoqué.

Ces chants homophobes, clamés en chœur pour « déstabiliser » les joueurs marseillais contiennent des paroles explicites à la fois blessantes et extrêmement brutales. « Les Marseillais sont des pé…, des fils de p…, des enc… », peut-on entendre dans une vidéo diffusée sur le média X. Si plusieurs années en arrière, les supporters des équipes opposées s’affrontaient gentiment dans une ambiance légère, depuis quelque temps, ils s’adonnent à une guerre plus radicale. Et les insultes homophobes s’enracinent plus drastiquement dans cette rivalité.

Les stades, censés unir les troupes et créer une harmonie générale autour du foot, se muent peu à peu en terrain de prédilection des anti-LGBT+. Cette polémique qui culmine encore dans l’actualité n’est qu’un triste exemple. Dans les stades, la communauté LGBT+ est régulièrement taclée, bafouée et prise à partie. Selon une enquête Ipsos menée avec la Fédération Sportive LGBT +, 46 % des Français.es déclarent avoir déjà été témoins d’un comportement homophobe ou transphobe dans le milieu sportif.

Les stades, gangrénés par la haine anti-LGBT+

Au milieu des « o la », des coups de sifflet et des hurlements encourageants, des hymnes à la haine anti-LGBT+ éclatent avec une tonalité particulièrement menaçante. Ces chants homophobes relevés au Parc des Princes ne font que rappeler un fléau de longue date. Ce n’est pas la première fois qu’une telle aversion explose dans les tribunes.

Cette répulsion s’exprime d’ailleurs autant dans des éclats de voix que sur des pancartes. En janvier, des banderoles à caractère homophobe se sont érigées dans le stade de Montpellier lors du match entre le MHSC et Nantes. Parfois les deux se mêlent formant une arme de destruction massive. C’était le cas en 2019 pendant la rencontre de Ligue 1 Nice-Marseille. Le match a dû être interrompu pendant douze minutes pour inciter au calme et au respect.

Qu’ils soient écrits ou mis sous vocalise, ces slogans ont toujours la même teneur. Les injures « enculé », « pédale », « tapette » sont d’ailleurs récurrentes. Ces attitudes, parfaitement condamnables, sont régulièrement feutrées sous l’excuse de la « lutte des clans ». Certains y voient même une forme de tradition, de rituels au même titre que les huées.

Pourtant, ces insultes homophobes ne se contentent pas d’écorcher l’image du foot, elles salissent toute la société. D’ailleurs, les stades semblent être les seules terres sportives minées par une LGBT-phobie aussi ahurissante. Le collectif Rouge Direct, qui lutte contre l’homophobie dans le foot, alertait même sur la recrudescence de ces actes haineux dans les gradins.

Le manque criant de diversité dans le foot, première cause ?

Si de plus en plus d’athlètes de renom font le choix de sortir du placard, le milieu du ballon rond ne semble pas encore prêt à recevoir cette annonce dans la bienveillance. Le premier coming out d’un footballeur professionnel remonte seulement à 2021. C’est le joueur toulousain Ouissem Belgacem qui a ouvert une porte à travers un livre intitulé « Adieu ma honte ». Après s’être forcé à porter un masque hétéro sur les terrains, il a décidé de lever le secret pour le bien commun.

Une initiative aussi courageuse que salutaire qui n’a pourtant pas eu les retombées positives escomptées. Par crainte de se faire chambrer et de subir les moqueries de ses coéquipiers, Ouissem a préféré raccrocher ses crampons pour se tourner vers l’art. Un sacrifice qui illustre un foot français plutôt fermé d’esprit. Si les stades révèlent un visage LGBT-phobe, c’est aussi parce que les minorités de genre sont très peu représentées dans les équipes. Tant que le foot ne se sera pas détaché de son étiquette beauf et macho, difficile d’espérer des améliorations. Comme Ouissem Belgacem, d’autres footballeurs trahissent peut-être leur véritable orientation sexuelle par peur de voir leur carrière s’effondrer.

La LGBT-phobie ne se distille pas seulement dans les stades, elle s’instaure aussi dans les clubs. En mai dernier, plusieurs joueurs ont refusé de jouer la 35e journée dédiée à la lutte contre l’homophobie, avec la défense assourdissante de leurs entraîneurs. Il y a donc encore beaucoup d’enjambées à faire avant de tirer dans la lucarne de l’inclusivité.

Un exemple flagrant de masculinité toxique

Le football, plus que d’autres disciplines, véhicule une image assez stéréotypée et médiocre des hommes. En brandissant des messages anti-LGBT, les supporters jouent en la défaveur de tous leurs compères. Ils se servent d’insultes homophobes comme si cette orientation sexuelle était elle-même terrible une fois attribuée à un hétéro-cis. En utilisant ce lexique, ils sous-entendent qu’être homosexuel est la pire des tares pour un homme dit « mâle Alpha ». Une croyance viriliste qui suffit à prouver cette masculinité toxique, endémique dans le football. Les chants homophobes sont donc parfois utilisés pour réaffirmer ces normes de masculinité et de féminité traditionnelles.

La plupart des supporters se trouvent des circonstances atténuantes qui ne font que doper cette vision très binaire de la sexualité. Selon eux, le terme « taffiole » ne ferait pas de référence directe aux homosexuels, mais désignerait un « homme fébrile et douillet ». Même justification pour le mot « enculé », qui voudrait plutôt dire « crétin fini » ou « sale nul ». Une plaidoirie irrecevable qui pousse à croire que les stades sont eux-mêmes aveuglés par ces souillures LGBT-phobe.

Les sanctions sont-elles à la hauteur ?

Pour éradiquer la haine LGBT des stades, les sanctions montent d’un cran. Si auparavant les auteurs de ces violences verbales parvenaient à s’en tirer avec trois fois rien, désormais les règles sont moins clémentes. Selon l’UEFA, un arbitre peut décider d’interrompre le match si des chants racistes, homophobes ou à caractère discriminatoire résonnent dans les tribunes. Mais les supporters concernés, eux, écopent juste d’un rappel à l’ordre. Une peine assez déséquilibrée au vu de l’agressivité de certains propos.

Cependant, depuis juillet, la ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances souhaite rendre l’interdiction des stades systématique. Toutefois, rares sont les vraies condamnations. Seulement 21 peines ont été comptabilisées en 2021. Et l’anonymat ou l’effet de groupe n’y sont pour rien.

Alors que le monde du sport tente de se diversifier et de réactualiser ses valeurs, les stades sont encore assiégés par une haine LGBT+ palpable. Si d’un côté, le foot se féminise, d’un autre il perpétue des clichés rétrogrades. Et ça, c’est carton rouge ! 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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