Au milieu de l’effervescence des nuits parisiennes des années 50, une étoile brillait plus fort que les autres : une meneuse de revue surnommée Bambi. Derrière ce surnom enchanteur se cachait Marie-Pierre Pruvot, une femme trans pionnière qui a marqué son époque bien au-delà des planches du célèbre cabaret Le Carrousel. Figure incontournable de la communauté trans, sa vie fera prochainement l’objet d’une adaptation cinématographique signée Hugo Bardin, alias Paloma, grand gagnant de « Drag Race France » en 2022. Retour sur le parcours de cette icône LGBT aujourd’hui âgée de 89 ans.
Une enfance à contre-courant
Marie-Pierre Pruvot voit le jour en novembre 1935 à Issers, en Algérie. Enfant, elle sait au fond d’elle-même qu’elle est une fille, mais doit jouer le rôle imposé d’un garçon. Une enfance marquée par le décalage entre son identité profonde et les attentes sociales de l’époque. Tout bascule lorsqu’elle assiste, adolescente, à un spectacle de cabaret avec une certaine Coccinelle en vedette. Coccinelle, icône trans de l’époque, incarne une promesse d’émancipation. Pour Marie-Pierre, c’est une révélation. « J’ai su ce que je voulais être : une femme libre, sur scène, face à un public ébloui comme Coccinelle », raconte-t-elle dans une interview.
Des cabarets à la salle de classe
Déterminée, Marie-Pierre quitte l’Algérie et débarque à Paris. Elle intègre rapidement la troupe de Madame Arthur (premier cabaret travesti de Paris), puis celle du Carrousel, où elle devient une figure incontournable. Sous le nom de scène de Bambi, elle éblouit les spectateurs par sa grâce et son charisme. Loin d’être réduite à une simple fascination voyeuriste, Bambi conquiert le public par son talent indéniable.
Après 20 ans sous les projecteurs, Bambi décide de se réinventer. Elle reprend ses études avec une volonté farouche, décroche une agrégation et devient professeur de français. Pendant près de 25 ans, les élèves du collège Pablo-Picasso à Garges-lès-Gonesse ignorent tout de son passé flamboyant. « J’étais Madame Pruvot, prof de lettres. Rien de plus, rien de moins ».
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Une décision courageuse
En 1961, Marie-Pierre Pruvot prend une décision : elle subit une chirurgie de réattribution sexuelle à Casablanca. À cette époque, cette opération est encore illégale en France, et peu de femmes trans y ont recours. L’intervention marque une nouvelle étape dans son cheminement personnel.
L’écriture comme deuxième scène
Après sa retraite en 2001, Marie-Pierre Pruvot troque les salles de classe pour une plume affûtée. Elle publie une série de livres mêlant autobiographie et fiction, dont « J’inventais ma vie » et « Marie parce que c’est joli ». Ses ouvrages captivent par leur sincérité et leur lumière sur une vie marquée par le courage et la résilience.
En 2013, le documentaire « Bambi », réalisé par Sébastien Lifshitz, retrace son incroyable parcours. Le film remporte le prestigieux Teddy Award et reçoit une nomination aux César. Hugo Bardin, vainqueur en 2022 de Drag Race France avec son double drag Paloma, s’apprête lui aussi à tourner un long métrage qu’il a écrit, librement inspiré de l’histoire de cette figure et pionnière trans. Le tournage devrait débuter en septembre, selon un communiqué diffusé sur X (ex-Twitter).
Un symbole de liberté et de résilience
Aujourd’hui, Marie-Pierre Pruvot incarne bien plus qu’une pionnière des cabarets. Elle est une figure essentielle de la lutte pour la reconnaissance des droits des personnes transgenres en France. « Braver la société, ce n’était pas un choix, c’était une nécessité », affirme-t-elle. Avec élégance et force, elle a ouvert la voie à des générations qui osent vivre pleinement leur identité.
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Des paillettes des cabarets à la sobriété de la salle de classe, Madame Pruvot a incarné la liberté sous toutes ses formes. Si son histoire est incroyable, c’est parce qu’elle a su transcender les limites imposées par son époque avec une élégance sans pareille. Bambi n’était pas seulement une étoile sur scène, elle est devenue une lumière pour toutes les personnes qui cherchent à vivre en harmonie avec elles-mêmes.