En France, il y aurait entre 1,7 et 4 % de personnes intersexes. Selon le Collectif Intersexes et Allié.e.s, il s’agit d’une personne « née avec des caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires ne correspondant pas aux définitions sociales et médicales typiques du féminin et du masculin ». Entre détresse psychologique et violences médicales, ces personnes ont décidé de s’emparer de Twitter à travers le #JeSuisIntersexe pour dénoncer la situation. Des témoignages relayés par Tetu.com qui font froid dans le dos et mettent le doigt sur un tabou sociétal.
« Ils me laissent une semaine entière avec des excréments sortant du vagin et des couches pour adultes »
Pour ces personnes intersexes, il s’agit de rentrer dans la norme, et ce, dès l’enfance. Sous pseudonyme, une internaute témoigne :
« On m’a fait comprendre que j’avais l’obligation d’être opérée, car une femme sans vagin n’est pas une femme et que la pénétration vaginale est obligatoire. On m’a sciemment caché les risques opératoires, les soins postopératoires à base de dilatations vaginales à faire durant de nombreux mois que j’avais refusé précédemment, car je les trouvais intrusifs, douloureux et traumatisants. »
THREAD
Bonjour, je m'appelle Coralie , je suis une pers.intersexe. Je suis née avec un syndrome de Rokitansky à savoir une absence de vagin et d'utérus. Je l'ai appris à l'âge de 15 ans. Je vais vous mettre toutes les paroles et maltraitances que j'ai pu entendre— Lostmemory- ASBL (@LostmemoryCoco) May 22, 2020
L’intervention consistait à créer un vagin avec un morceau d’intestin. Au moment de refermer, les médecins ont connecté l’intestin au vagin nouvellement créé. Et à partir de là, l’enfer a commencé :
« Au premier jour de ma sortie, des excréments sortent par le vagin, je me rends aux urgences. Personne ne me croit et on me nargue en me disant que je me trompe de trou. On m’annonce qu’ils ont commis une erreur en regardant la vidéo de l’intervention et ils me laissent une semaine entière avec des excréments sortant du vagin et des couches pour adultes. Sans antidouleurs, sans aide psychologique. »
Les médecins ont essayé de réparer leur erreur, mais des problèmes digestifs sont apparus. La jeune femme vit désormais en fauteuil roulant :
« Cela fait plus de 10 ans que j’ai porté plainte contre l’hôpital, une première décision en 2018 a été donnée, l’hôpital a fait appel, et ça passera en cours d’appel en 2024. »
Malheureusement, elle n’est pas la seule a avoir subi ce type de traitement.
Violences médicales sur les personnes intersexes
À peine né, un internaute raconte qu’on l’a arraché à sa mère dans le seul but de faire de lui faire subir une opération afin de le « normaliser » :
[THREAD]
Je profite du thread de @.LostmemoryCoco pr apporter un témoignage aussi, parce que + j’évolue dans mon activisme, + je crois au pouvoir de notre parole collective.Je suis une personne intersexe et comme nombre d’entre nous, j’ai été abusé par l’institution médicale.
— Mishouk ⚡ mischanomalie (@tourbillonfou) May 23, 2020
Il raconte ensuite :
« Toute mon enfance, j’ai vu une ribambelle de médecins différents, de façon régulière et envahissante, au point que je loupais des jours d’école pour passer des « examens ». On venait me chercher en classe et on m’emmenait. Il me fallait chaque fois des jours pour me remettre. »
Des examens totalement traumatisants :
« Ces examens, ce sont juste des adultes en blouse blanche qui, à l’âge de 3, 6, 8, 12 ans, te touchent, te masturbent, te tripotent, te pénètrent, pour vérifier que ton corps sexué est bien conforme à celui de la norme arbitraire que nos sociétés connaissent. Je me suis retrouvé à faire des crises de nerfs spectaculaires dans la voiture ou la salle d’attente, hurlant comme un démon parce que je n’arrivais plus à contrôler ma terreur juste avant un rendez-vous. Ça n’a pas changé grand-chose. »
Des actes médicaux qui ont eu un impact ultra négatif sur sa vision de lui-même et sa notion du consentement :
« À force de faire comprendre à un enfant que son corps appartient aux adultes, on grandit avec un rapport au consentement complètement niqué. On ne peut pas se défendre face aux adultes mal intentionnés. On nous a appris l’inverse. À 7 ans, mon grand-père paternel glissait régulièrement sa main dans mon pantalon au creux de mon lit pour, comme il disait « vérifier si ça marche », et je croyais que c’était normal. Je me laissais faire. Je me suis laissé abuser, violer, torturé aussi (actes de torture et de barbarie selon le procès) tous les jours pendant des mois, parce qu’on m’avait appris que c’est ce que les adultes font aux enfants. Et qu’ils ont le droit. »
Et ceci n’est qu’un aperçu de son histoire. Vous pouvez la découvrir entièrement sur Twitter, aux côtés des autres témoignages #JeSuisIntersexes.
#JeSuisIntersexe : dénoncer pour ne plus subir
Dès l’enfance ou l’adolescence, les personnes intersexes peuvent subir des interventions chirurgicales lourdes, le plus souvent non essentielles. À cela s’ajoutent des traitements hormonaux lourds associés d’une absence de prise en compte de la volonté du patient.
Pourtant, au niveau international, ces opérations sont considérées comme des mutilations génitales. En France, elles continuent à être pratiquées. Ce qui a valu à notre pays d’être condamné trois fois par l’ONU. Ces mutilations ont aussi été dénoncées par le Conseil d’État en juin 2018. Plusieurs rapports ont été rendus depuis, mais rien n’a changé dans les textes de loi…
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