JO 2024 : l’appli de rencontres Grindr prend une décision puissante pour protéger les athlètes

Pour ces JO 2024, les athlètes ont pris leur quartier dans le village olympique. Une « ville dans la ville » érigée à vitesse éclair à la lisière de la banlieue de Saint-Denis. Ces 52 hectares aux allures de boule à neige géante sont sous haute surveillance. L’application de rencontres LGBTQIA+ Grindr a, elle aussi, pris une mesure drastique pour barricader le périmètre. Le lieu s’apparente désormais à une zone blanche sur la mappe des cœurs à prendre. Les célibataires qui espéraient faire du village olympique leur terrain de chasse sont donc prié.e.s d’aller voir ailleurs. Les profils des athlètes présent.e.s sur le site ont été temporairement désactivés. Si Grindr a décidé de verrouiller le village olympique, c’est pour éviter le scénario catastrophe des JO de Rio en 2016.

La fonction « Explore » suspendue pour le bien des athlètes

Le village olympique, véritable écosystème urbain, a ouvert ses portes le jeudi 18 juillet. Au total, 14 000 athlètes sont attendu.e.s dans cet espace confiné aux airs de maison de poupée grandeur nature. Ce qui n’a pas échappé aux célibataires des alentours en quête de muscles saillants et de carrures imposantes. Les personnes inscrites sur Grindr qui comptaient passer la nuit sur un coussin d’abdos ou se faire câliner par des bras remplis d’or ont vite déchanté en ouvrant la fonction « Explore ». Ce secteur est totalement désertique. Aucun Apollon à l’horizon.

Pour cause, l’appli de rencontres gay-friendly a décidé de suspendre la géolocalisation le temps des JO. En résumé, cela signifie que les profils localisés dans le secteur du village olympique sont momentanément « masqués ». Les barrières ne sont donc pas seulement physiques, elles sont aussi virtuelles et s’érigent jusque sur le marché des célibataires. Pour batifoler avec des Dieux grecs, il faudra donc trouver une autre stratégie… Si Grindr a décidé de calfeutrer tout le village olympique et de le rendre inaccessible au flirt 2.0, ce n’est pas pour limiter les distractions sentimentales des athlètes, mais pour les « protéger ». D’ailleurs, ce dispositif de sécurité avait déjà été initié en 2021, lors des JO de Pékin.

Loin d’être une simple « mesurette », cette « restriction » a pour but de préserver la vie privée de certains athlètes qui ne seraient pas encore sortis du placard. Et qui voudraient rester discrets sur leur orientation sexuelle. Ce n’est donc pas pour les priver de sport de chambre, mais pour que personne ne leur « vole » leur coming out et ne les mette en danger pendant la compétition.

« Être un athlète LGBTQ+ comporte son lot de défis, en particulier pour ceux qui viennent d’endroits où les droits fondamentaux et les protections pour notre communauté font défaut », rappelle l’application sur son blog

Des cas d’outing forcés lors des JO de 2016

Si Grindr a placé une couverture invisible sur le village olympique, c’est aussi pour rattraper les « erreurs » du passé. Et surtout les anticiper. En 2016, lors des JO de Rio, des informations confidentielles sur l’orientation sexuelle de certains athlètes avaient fuité. Le média américain The Daily Beast titrait d’ailleurs : « J’ai eu trois rendez-vous Grindr en une heure au village olympique ». Entre ses lignes, un journaliste hétéro narrait son expérience avec ses trois date, sans dissimuler leur identité. Il livrait des détails précis, dont leurs mensurations, leur discipline ou encore leur nationalité, qui pouvaient facilement trahir leur nom. Soit un flagrant délit d’outing. Le journaliste, assez peu familier du mot « déontologie », avait devancé les athlètes dans leur coming out et exposé leur intimité sans fard.

En 2021, à Tokyo, des personnes piquées par une curiosité malsaine avaient également sillonné l’app Grindr pour détecter des athlètes issus de la communauté LGBTQIA+ en avant-première. Elles avaient ensuite partagé des captures d’écran en masse sur les réseaux sociaux pour exhiber leur « grande trouvaille ». Il n’était plus question de draguer en ligne, mais de mener une véritable chasse à l’homme. À l’époque, Grindr était alors passé d’appli de rencontres « safe » à « radar à gays ».

« Nous voulons que Grindr soit un espace où tous les athlètes queers, peu importe d’où ils viennent, se sentent en confiance pour se connecter avec un autre pendant qu’ils sont au village olympique », insiste Jack Harrison-Quintana, le directeur de Grindr for equality

Parmi les pays représentés à ces JO, certains condamnent l’homosexualité

Si Grindr dresse un camouflage sur le village olympique, c’est aussi parce que l’homosexualité n’est pas encore acceptée partout. À l’occasion des JO 2024, 206 comités nationaux olympiques sont à l’honneur, parmi lesquels certains répriment fermement les relations qui se détournent de la classique hétérosexualité. Dans 62 pays, être homosexuel reste encore un crime, passible de sanctions parfois abjectes. C’est le cas du Qatar, de l’Iran, du Nigéria ou de la Mauritanie. Autant de nations dont les couleurs seront défendues lors de ces JO 2024.

Si un athlète issu de ces contrées hostiles voit son homosexualité balancée sur la place publique, sa vie risque alors d’être remise en jeu dès son retour à la maison. Alors que la capitale accueille actuellement le « monde entier », il est plus que jamais essentiel de rappeler que les droits LGBT+ ne sont pas acquis dans tout le globe. Cette mesure prise par Grindr n’a donc rien d’anecdotique.

Grindr n’a pas « bouclé » le secteur du village olympique pour que les athlètes restent focus sur leurs épreuves. L’appli de rencontres, attentive au bien-être de la communauté LGBT+, a pris cette initiative pour les garder à l’abri de l’intolérance.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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