Faire son coming out est encore un « passage obligé » dans cette société hétéro-centrée. Révéler son orientation sexuelle, que ce soit de façon solennelle ou sans chichis, est un acte libérateur qui est propre à chacun.e. Mais parfois, certaines personnes se réapproprient ce moment et font l’annonce à la place des protagonistes. Elles volent leur précieux coming out sans leur consentement et font ces aveux dans la banalité la plus totale. Cette pratique, plus connue sous le nom d’outing, est une forme de violence envers la communauté LGBT+. Une trahison à l’état pur qui convertit cette confidence salvatrice en un traumatisme éternel. Plusieurs stars dont Hoshi et Angèle ont subi de l’outing, une violation de la vie privée pas si marginale que ça…
Comment se traduit l’outing ?
En 2018, la chanteuse Hoshi connue pour son répertoire inclusif et ses chansons aux accents militants s’était fait subtiliser son coming out par une journaliste en pleine interview. L’interprète de « Ta marinière » reprochait à son interlocutrice d’avoir révélé son homosexualité, sans son accord. Même vécu pour Angèle. L’artiste belge à la voix veloutée, elle aussi réputée pour son franc parlé et ses titres courroucés, avait été victime d’outing. C’est le magazine people Public qui avait brisé le mystère autour de sa sexualité. En Une, il hissait une photo d’Angèle et sa compagne de l’époque Marie Papillon, prise à la volée.
Dans la foulée, la chanteuse s’était sentie « obligée » de faire son coming out auprès de ses fans. Elle publiait une image on ne peut plus explicite sur Instagram, avec un t-shirt décoré de l’inscription « portrait of women who love women ». « On est pour les LGBT mais outer quelqu’un contre son gré ce n’est absolument pas une démarche pro LGBT », avait-elle déclaré au micro de Sept à Huit. L’outing est le fait de divulguer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne sans son autorisation. Qu’il soit intentionnel, accidentel ou acté par vengeance, l’outing s’apparente à un coup de poignard dans le dos.
Le coming out appartient aux personnes concernées et n’a pas à se faire dans la bouche d’un autre. C’est une étape émancipatrice qui permet de se sentir pleinement « soi ». Loin d’être anodine, cette annonce succède à une longue série de « et si ? » et de remises en question. Le déclic n’est pas immédiat. En ce sens, l’outing revient à pénétrer par effraction dans ce fameux placard, supposé s’ouvrir de lui-même. C’est une intrusion dans l’intimité, une agression émotionnelle. Les personnes qui font face à l’outing sont mises à nu de force et se retrouvent devant le fait accompli.
Les conséquences dramatiques de l’outing
En principe, faire son coming out nécessite une bonne préparation mentale en amont. Certaines personnes s’échauffent pendant des années avant de se sentir vraiment prêtes à passer aux aveux. D’autres simulent même l’annonce en secret dans leur chambre et écrivent des discours en brouillon pour mieux appréhender le jour J. Le coming out est une décision personnelle.
L’outing n’a donc rien d’un soulagement et ne signe pas une délivrance. Ce n’est pas parce que quelqu’un dédouane les personnes LGBT+ de cette tâche qu’elles sont « apaisées » pour autant. C’est plutôt le contraire. Leur coming out, acte hautement symbolique, a été bafoué, voire même insulté. L’annonce n’a pas été faite comme elles l’avaient imaginé. Elle est survenue avec brutalité. Ce moment, censé se conjuguer à la première personne, trouve alors une autre narration, parfois chaotique et dépourvue de sensibilité.
Rejet, discriminations, mal-être… l’outing laisse des traces
Les personnes qui se font outer sont au pied du mur. Elles ont l’impression d’être dans une impasse et de devoir se « justifier » un peu plus. Selon le contexte, l’outing peut s’avérer extrêmement dangereux et conduire au rejet familial, au harcèlement ou pire, à des violences physiques. Alors que le coming out est généralement synonyme d’accomplissement et d’acceptation de soi, l’outing, qui s’accapare ce privilège, le transforme en tare.
Il façonne un mélange de honte, de colère, de stress et de frustration, un sale cocktail pour la santé mentale. Dans le cadre professionnel, l’outing peut mettre en péril une carrière ou faire le terreau fertile de discriminations internes. Or selon le baromètre l’Autre Cercle-IFOP, 11 % des personnes interrogées ont été menacées de voir leur orientation ou leur identité sexuelle révélées contre leur gré au travail.
Les cas d’outing qui ont fait du bruit
L’outing n’est pas un terme méconnu. Il rythme régulièrement les gros titres des journaux. Pour revenir à sa genèse, l’outing est né en même temps que l’épidémie de SIDA. À la base, il n’était pas forcément mal intentionné. Du point de vue des militant.e.s Act Up, c’était une pratique « activiste » qui visait à sortir les hommes politiques du placard et combattre l’hypocrisie sociale. En 1989, la première affaire d’outing éclatait dans les colonnes des médias américains. Mark Hatfield, un sénateur républicain de l’Oregon avait pris parti pour des mesures homophobes. À travers un outing « stratégique » et « calculé », Act Up lui avait alors ôté toute sa crédibilité.
Dans le cercle politique très concurrentiel, l’outing est souvent détourné en instrument de chantage. C’est une menace qui plane sur l’image publique des hommes et des femmes en costard. L’outing n’est pas seulement utilisé outre-Atlantique. Il gagne aussi les frontières de la France. En 2014, c’est Florian Philippot, ex-vice-président du FN, qui en avait fait les frais. Une photo publiée dans le magazine Closer le révélait aux côtés d’un homme présenté comme son compagnon. Là encore, ce coming out « surprise » avait sapé tout son argumentaire paternaliste et souverainiste. L’outing se mue alors tantôt en moyen de pression, tantôt en arme de destruction massive de réputation.
L’outing, condamné par la justice ?
Dans le cas de Florian Philippot, le magazine Closer avait écopé de 20 000 € de dommages et intérêts. Le média, réputé pour son approche sensationnaliste de l’actu et ses scoops tonitruants, avait été condamné pour « atteinte à la vie privée ». Les personnalités publiques ont généralement de bons moyens de défense et tout un gang d’avocats sous la main pour les protéger.
Mais qu’en est-il pour les autres, celles et ceux qui subissent l’outing dans un environnement feutré ? La loi est-elle aussi intransigeante ? Il faut croire que oui. En 2019, deux hommes de 21 et 25 ans ont entamé des poursuites judiciaires contre celui qui a ébruité leur amour « confidentiel » au sein de leur famille et sur la toile. Cet outing massif, déporté jusque sur le Net, a par ailleurs été sanctionné. Le coupable, qui était allé jusqu’à diffuser des photos intimes et des captures de messages privés, a été condamné à verser 17 000 euros de réparation aux deux ex-compagnons. En revanche, si une personne commet un outing oralement, sans preuve à l’appui, difficile donc d’envisager des procédures…
Finalement, l’outing va à contre-courant de la tolérance et du respect d’autrui. Cette pratique dessert la communauté LGBT+. En conséquence, au lieu de la délester d’un « poids », elle ne fait que l’alourdir. C’est aussi déshonorant que le deadnaming.