Robes en tulle aux manches hors-normes, perruques excentriques, talons vertigineux, maquillages extrêmes… les drag queens s’inspirent des archétypes de la féminité pour donner vie à leur personnage. C’est cette exagération qui fait tout le charme de la transformation.
Si ce saut temporaire entre les genres connaît aujourd’hui un essor phénoménal, en partie grâce au show « Drag Race », il n’a pas toujours été perçu d’un bon œil. Longtemps réduites aux bars gais, les drag queens répandent désormais leurs paillettes jusqu’aux séries Marvel. Mais la route pour y arriver n’a pas été toute rose. Décryptage.
Les drag queens, une histoire de longue date
Grandes favorites du cabaret Michou, protagonistes occasionnelles des collections de Jean-Paul Gaultier, mais surtout emblèmes de la libération des genres, les drag queens se sont fait une place de choix dans la sphère culturelle. Ces transformistes haut en couleur qui mettent sur pieds des looks caricaturaux ont gagné le cœur des Français.es. La preuve en est avec le succès retentissant qu’a rencontré l’émission de téléréalité « Drag Race », diffusée sur france.tv, dont la finale a eu lieu le 11 août dernier. Le premier épisode a été suivi par 900 000 téléspectateur.rice.s de l’Hexagone.
Ce show d’origine américaine est né en 2009, sous l’égide de RuPaul, la plus iconique des drag queens. Cette création à mi-chemin entre humour et performances décalées a permis de sortir les drag queens de l’ombre. Elles sont passées de l’intimité des salles de spectacles à la lumière du petit écran, permettant ainsi une belle visibilité. Pour arriver à cet aboutissement, les drag queens ont dû batailler avec les clichés et les regards hostiles du patriarcat. En coulisse, l’histoire est parfois beaucoup moins scintillante.
Un art militant, rattaché à la communauté LGBT+
La signification du terme « drag queen » a connu une véritable chirurgie au gré des siècles. Tantôt défiguré dans des films tels que « Certains l’aiment chauds », tantôt appréhendé comme un acte de résistance par les homosexuels, le mot « drag queen » n’a cessé de changer de visage.
Il a d’abord été employé dans le théâtre grec, shakespearien et japonais. Aux antipodes du message engagé, ces prémices du drag n’avaient rien de très admirables. Les rôles féminins étaient repris par des hommes puisqu’à cette époque les femmes étaient privées de scène, prisonnières de leur devoir au foyer.
Un spectacle, pas au goût de tou.te.s
Il faut attendre les années folles pour voir émerger un univers drag plus contemporain, plus débridé. Les homosexuels s’emparent de ces déguisements exagérés dans les clubs underground et portent le drag comme un vêtement d’émancipation. Le drag, ce n’est plus seulement une performance, c’est une parade secrète pour s’affirmer. Naturellement, il se brode petit à petit au mouvement LGBT+, ce qui dérange à l’heure où les droits sont réprimés. Rappelons qu’il faut attendre 1962 aux États-Unis pour que les relations entre personnes du même sexe soient autorisées.
À Broadway, la police n’a d’ailleurs pas tardé à réagir. Arrestations injustifiées, contrôles des clubs récurrents, discours intimidants… les drag queens étaient dans le viseur. S’en est suivi une série d’émeutes en 1969 connues sous le nom « d’émeutes de Stonewall ». De rébellion spontanée contre les fréquentes descentes de police, les émeutes se sont transformées en combat pour les droits civils.
Les drags sous le feu de la pop culture
Longtemps mis sous cloche à cause du culte de l’hétéronormativité, le monde des drag queens a toujours intrigué. Ces « créatures de la nuit » ont quitté leurs planches souterraines pour se nicher dans la pop culture. Une mise en lumière laborieuse, d’abord enveloppée de stéréotypes qui est désormais abordée plus justement.
« La cage aux folles », film des années 70 connu de tou.te.s, esquissait par exemple l’univers drag d’un ton moqueur. Puis, le tube « Let me be a drag queen » a tenté de relever le niveau en 1995.
Un univers mieux compris
Autrement dit, avant les années 2000, leurs apparitions sur les écrans restent assez rares et dévalorisantes. C’est seulement lorsque les barrières du genre se lèvent que les drag queens jouissent d’une vraie représentation. En prime, RuPaul, drag queen mondialement connue, a réussi à dépoussiérer l’image de cet art salvateur. Dans son show « Drag Race » aux USA, il fait un éloge nécessaire aux talents des drag queens.
Cette création originale a activement participé à normaliser la culture drag jusqu’alors murée dans les bars. Elle véhicule aussi des valeurs fortes : l’acceptation, le harcèlement à l’école, les dessous peu sexy du monde de la nuit… 8 ans en arrière, une drag queen remportait même l’Eurovision (Conchita Wurst), preuve d’une avancée pérenne.
Cet univers volontairement loufoque et criblé de strass est resté au second plan puisqu’il questionne la sexualité. Les drag queens malmènent les stéréotypes de genre et torturent l’image patriarcale d’un homme viril longuement prônée.
Un engagement plus fort
Avec leurs tenues flashy, leurs bouches en cœur et leurs mimiques forcées, elles offrent une piqûre de diversité à la société. Des drag queens d’un nouveau genre se veulent même plus politiques. C’est le cas des « Soeurs de la perpétuelle indulgence » qui saisissent à vif des sujets sensibles comme le sida. Art, expérience libératrice, objet de révoltes douces… le drag n’a pas fini de briller !