Si changer de prénoms en mairie est devenue une « formalité » pour les personnes trans, changer de sexe à l’état civil est un peu plus contraignant. Il faut s’engager dans un parcours juridique assez tortueux et passer par le tribunal pour espérer voir le monsieur se convertir en madame ou vice-versa. Une procédure lourde et anxiogène que le groupe Écologiste souhaite abolir purement et simplement. Quelques jours seulement après la Journée de visibilité transgenre, une proposition de loi a été déposée dans le but de « déjudiciariser » le changement de sexe à l’état civil pour alléger la démarche. Si le texte venait à se concrétiser, les personnes trans ne seraient plus obligées de venir à la barre pour « prouver » leur identité de genre. Cependant, la droite pourrait bien faire barrage à cette mesure, pourtant progressiste.
Une proposition de loi en faveur des personnes trans
À l’heure actuelle, le changement de sexe à l’état civil est fastidieux et pesant. Pour modifier un simple bout de papier officiel, les personnes trans doivent constituer un dossier en béton avec plusieurs pièces justificatives. Jusque là rien de bien traumatisant dans une société bureaucrate qui se complait dans la paperasse. Ce qui est un peu moins cohérent, c’est que pour avoir des documents raccords avec qui elles sont, les personnes trans sont obligées de se présenter au tribunal, lieu ordinairement dédié aux infractions ou aux affaires plus ou moins graves.
Mises face à un juge, de la même manière qu’un.e délinquant.e, elles doivent justifier leur transidentité avec des témoignages à l’appui. Un scénario qui n’est pas sans rappeler les plaidoiries. Depuis 2017, suite à la loi de modernisation de la Justice du 21e siècle, les démarches se sont légèrement allégées et les documents à fournir sont moins « discriminants« . Ainsi, les personnes trans n’ont pas à démontrer de traitements médicaux, d’opération chirurgicale, de stérilisation ou de prise d’hormones pour « confirmer » leur transidentité. Elles peuvent également se « défendre » sans solliciter les services d’un.e avocat.e.
Cependant, malgré ces quelques assouplissements, le changement de sexe à l’état civil reste tarabiscoté et excessif. Du moins c’est ce qu’estime la sénatrice Mélanie Vogel, membre du groupe Écologiste, qui souhaite abréger toutes ces lenteurs juridiques et ces contorsions administratives. Le 2 avril dernier, elle a ainsi déposé une proposition de loi pour faciliter le changement de sexe à l’état civil. Un texte prometteur et pro-LGBT+ qui envisage de « déjudiciariser » ce procédé, très éprouvant pour les personnes trans.
Rendre le changement de sexe à l’état civil moins laborieux
Certes, cette proposition de loi n’est pas encore prête à franchir l’hémicycle du Sénat, mais elle signe une avancée majeure dans le droit des personnes trans. Si ce texte venait à passer, les personnes trans pourraient changer de sexe à l’état civil sans devoir s’aventurer dans un casse-tête juridique. Elles auraient la possibilité de le faire à travers une simple demande en mairie grâce à « une déclaration remise à un officier de l’État ».
Ainsi, nul besoin d’attrouper plusieurs pièces justificatives ou de fournir un avis médical pour prétendre à cette modification. La démarche est similaire dans le cas d’un changement de prénom.
« Personne ne demande aux personnes cisgenres de prouver qui elles sont. Les personnes trans ne méritent simplement pas moins », soutient Mélanie Vogel, qui a par ailleurs joué un rôle actif dans l’inscription de l’IVG dans la Constitution
Loin d’être superficielle, cette proposition de loi entend donner plus de liberté et de dignité aux personnes trans. Encore aujourd’hui, elles peuvent arriver avec un dossier minutieusement construit et se voir rejeter leur demande, pour des raisons qui leur échappent bien souvent. Comme le souligne la principale nourricière de ce texte, la procédure est « longue, coûteuse et complexe ». D’où l’urgence de revoir la copie de fond en comble. Le changement de sexe à l’état civil n’est pas censé être un poids, mais plutôt une délivrance, un soulagement.
En parallèle, la droite veut saper les droits des personnes trans
Si cette proposition de loi sur le changement de sexe à l’État civil présage un revirement positif, elle risque de s’insérer difficilement dans les débats et de se heurter à une droite de plus en plus réactionnaire. D’ailleurs, elle survient dans un contexte politique assez spécial. En effet, elle prend le parti inverse du rapport sur la transidentité des mineurs exposé par la droite sénatoriale à la mi-mars. Celui-ci recommande notamment d’interdire l’administration de bloqueurs de puberté aux mineurs en proie à la « dysphorie de genre », qui induit d’office un mal-être latent.
Ce document massif de 340 pages, qui s’appuie essentiellement sur des données internationales, a fait bondir les associations LGBT+. Rien de très étonnant puisqu’il est chapeauté par Jacqueline Eustache-Brinio, une figure politique controversée qui avait voté contre l’interdiction des thérapies de conversion. Il s’attaque à la prétendue hausse des demandes de changement de sexe chez les mineurs, ces dernières années. Il pourrait donner suite, lui aussi, à une proposition de loi, ce qui annonce un duel d’idées particulièrement musclé dans les rangs du Sénat.
Ce texte qui prévoit de rendre le changement de sexe à l’état civil plus digeste et accessible est salutaire. Cependant, pour l’instant, mieux vaut garder une réserve sur cette proposition de loi qui pourrait se faire recaler en un éclair par la droite montante.